Greg Becker, patron déchu de la banque régionale américaine Silicon Valley (SVB)
MAR 17, 2023
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Greg Becker, 55 ans, a grandi dans le Midwest des États-Unis. Après avoir étudié la finance à l’Université de l’Indiana, il fait ses débuts dans une banque à Detroit dans le Michigan avant d’intégrer la Silicon Valley Bank, il y a trente ans. Karl Toussain Du Wast, fondateur de Net investissement :

« Il a un parcours à la fois classique et idéal. Il gravit les échelons dans la banque et, en 2013, il prend la direction de la Silicon Valley Bank. En l'espace de dix ans, il réussit à faire monter la banque à la 16e place des banques américaines les plus importantes, avec 210 milliards de dollars d'actifs sous gestion, 175 milliards de dépôts. Mais c'est surtout la banque qui accompagnait toutes les boîtes de la tech de la Silicon Valley aux États-Unis. »

Greg Becker est connu aux États-Unis pour avoir défendu un allègement des régulations, allégement qui lui a permis de prendre des risques financiers. Tout allait bien jusqu’à ce que des rumeurs suscitent la méfiance des clients de la banque, dans un contexte d'inflation et de hausse des taux d’intérêt par la Réserve fédérale afin de juguler la flambée des prix. Karl Toussain Du Wast poursuit :

« La semaine dernière, qu'est-ce qui se passe ? En fait, certains gros clients reçoivent des informations comme quoi Greg Becker aurait raté une augmentation de capital de 2 milliards de dollars, ce n’est pas beaucoup, suite à la cession en urgence d'une grosse partie des obligations que la Banque avait en portefeuille, concomitamment à l'augmentation des taux. Je traduis : la banque a des obligations en portefeuille, les taux directeurs de la Fed montent. Ces obligations deviennent un peu moins sexy que les nouvelles, donc il veut les liquider. Il a besoin de se renflouer, de se resolidifier, donc il veut faire une petite levée de fonds de 2 milliards de dollars. Il échoue. Et c'est l'aspect psychologique de l'interprétation de gros clients qui se disent : ''Oula, le gars n'est plus capable d'aller chercher 2 milliards de recapitalisation, je veux retirer mon argent''. Et, à ce moment-là, effet boule de neige : il y a tout d'un coup 42 milliards de dollars qui ont été demandés en retrait en l'espace de 24 heures, et on a assisté à ce qu'on appelle dans le jargon un "bank run". C'est quand une banque subit un ou des retraits massifs de la part de ses clients et n'est donc plus en capacité d'en assurer la liquidité. Et c'est de là que tout est parti. »

Pour éviter la contagion, les régulateurs américains ont immédiatement pris les choses en main pour sécuriser les actifs des clients de la banque et de deux autres banques régionales défaillantes. Même Joe Biden est monté au créneau pour rassurer ses citoyens. 

« Les Américains peuvent avoir confiance dans le fait que notre système bancaire est sûr. Votre argent est en sécurité. Premièrement, tous les clients qui ont déposé de l’argent dans ces banques peuvent être sûrs qu’ils seront protégés et qu’ils auront accès à leur argent. Deuxièmement, les dirigeants de ces banques seront renvoyés. Nous devons obtenir le compte-rendu complet de ce qui s’est passé. Dans mon administration, personne n’est au-dessus de la loi. » 
L’effondrement de la SVB a créé la panique à l'échelle mondiale.
Christian de Boissieu, vice-président du Cercle des économistes, explique : « La finance est un secteur inflammable compte-tenu du fait qu’il repose sur la confiance. Et la confiance, cela se perd facilement. Donc, avant même la faillite de cette banque californienne, on avait des marchés financiers qui avaient trop monté. En Europe, aux États-Unis, ailleurs, il y avait une spéculation excessive en bourse, et donc, c'est cela que j'appelle de la finance inflammable. Et il suffisait de pas grand-chose pour déclencher les sévères corrections auxquelles on assiste actuellement, y compris d'ailleurs de manière un peu injuste sur les banques européennes, parce que les banques européennes, globalement, se portent bien. Elles ont affiché, pour 2022, des rentabilités élevées. Mais la finance est globalisée, donc quand vous avez un problème bancaire aux États-Unis, même si c'est une banque régionale, ça devient assez rapidement un problème mondial. »

Il faut donc, ajoute Christian de Boissieu, que les Américains continuent à rassurer mais qu’ils reviennent aussi à plus de règlementations bancaires, comme celles qui avait été mises en place après la crise financière de 2008, avant d'être assouplies par la suite sous l’administration Trump, contribuant ainsi, en partie, à la déconfiture de Greg Becker.
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