Là-haut sur La Colline BOOKMAKERS #28 - L'AUTEUR DU MOIS : WAJDI MOUAWAD Né en 1968 près de Beyrouth, Wajdi Mouawad est l’un des dramaturges les plus joués du théâtre francophone, avec près de vingt-cinq pièces écrites et mises en scène par ses soins depuis le début des années 90, dont l’incontournable « Incendies » (2003), adaptée au cinéma par Denis Villeneuve. Traduits en vingt langues, co-édités par Actes Sud et la maison québécoise Léméac, ses drames familiaux, riches en apparitions surnaturelles autant qu’en engueulades réparatrices, sont montés au Japon, au Brésil, en Espagne, au Maroc, aux États-Unis, en Corée du Sud, en Argentine ou en Australie. Récompensé par les plus hautes instances au Québec ou en Allemagne, il refuse poliment un Molière en 2005 pour souligner l’indifférence des grands théâtres à l’égard de la création contemporaine, tandis que l’Académie française lui remet en 2009 un prix pour l’ensemble de son œuvre. Depuis 2016, il dirige le théâtre national de La Colline, à Paris. WAJDI MOUAWAD (3/3) Outre ses propres textes, Wajdi Mouawad adapta sur scène, ces trente dernières années, « Macbeth » sur un parking de nuit, les épopées galactiques de la saga « Fondation » d’Isaac Asimov, les dépendances toxiques du roman « Trainspotting » d’Irvine Welsh ou l’intégrale des tragédies de Sophocle. Parallèlement, l’auteur de « Tous des oiseaux » arpenta en solitaire les territoires du roman. D’abord avec « Visage retrouvé » (2002), sur son enfance libanaise, vendu à 13 000 exemplaires. Puis avec « Anima » (2012), enquête américaine sur un meurtre raconté durant 500 pages du point de vue de dizaines d’animaux (canari, mouche, fourmi, cheval), écoulé à 82 000 exemplaires et sacré du grand prix de la Société des Gens De Lettres. Mais quelles différences fait-il avec son écriture théâtrale ? Changer de forme, de support, est-ce la façon la plus simple de se renouveler ? Car le sujet le hante. En 2002, dans sa pièce intitulée « Rêves », le héros se faisait reprocher par le fantôme de Lautréamont de « ». En 2005, en interview, Wajdi se demandait : « » En 2010, dans son livre « Le poisson-soi », il notait : « JeIl » Comment renaître, artistiquement, sans se tuer ? C’est la question finale, ou presque, de ce troisième et dernier acte, dans lequel le directeur de La Colline évoque en détails la vie économique d’un auteur de théâtre, c’est-à-dire : la monnaie de ses pièces. Enregistrement : janvier 2024 - Entretien, découpage : Richard Gaitet - Prise de son : Mathilde Guermonprez - Montage : Juliette Cordemans - Réalisation, mixage : Charlie Marcelet - Musiques originales : Samuel Hirsch - Clarinette : Paul Laurent - Lectures : Sabine Zovighian - Illustration : Sylvain Cabot - Remerciements : Alice Zeniter, Joseph Hirsch - Production : ARTE Radio - Samuel Hirsch
Inflammation du verbe dire BOOKMAKERS #28 - L'AUTEUR DU MOIS : WAJDI MOUAWAD Né en 1968 près de Beyrouth, Wajdi Mouawad est l’un des dramaturges les plus joués du théâtre francophone, avec près de vingt-cinq pièces écrites et mises en scène par ses soins depuis le début des années 90, dont l’incontournable « Incendies » (2003), adaptée au cinéma par Denis Villeneuve. Traduits en vingt langues, co-édités par Actes Sud et la maison québécoise Léméac, ses drames familiaux, riches en apparitions surnaturelles autant qu’en engueulades réparatrices, sont montés au Japon, au Brésil, en Espagne, au Maroc, aux États-Unis, en Corée du Sud, en Argentine ou en Australie. Récompensé par les plus hautes instances au Québec ou en Allemagne, il refuse poliment un Molière en 2005 pour souligner l’indifférence des grands théâtres à l’égard de la création contemporaine, tandis que l’Académie française lui remet en 2009 un prix pour l’ensemble de son œuvre. Depuis 2016, il dirige le théâtre national de La Colline, à Paris. WAJDI MOUAWAD (2/3) Rideau sur le chagrin. Les pièces de Wajdi Mouawad démarrent souvent par la mort. Celle de sa mère, que l’auteur perdit à 19 ans, dans « Mère » (2021). Celle de la grand-mère dans « Pacamambo », troublant spectacle pour enfants (2000). Celles des victimes de l’explosion du port de Beyrouth en 2020, qui ouvrait – en vidéo – les six heures de « Racine carrée du verbe être » (2022). Ou encore celle de l’inoubliable Nawal dans « Incendies », dont l’édition papier se vendit à plus de 100 000 exemplaires et dont Wajdi Mouawad raconte, ici, le brasier originel. Comment écrire pour la scène ? Qu’apporte la troupe aux personnages ? À quoi sert une didascalie ? À quoi correspond l’état « » dans lequel il se met pour accoucher de ses monologues finaux ? C’est l’enjeu de notre acte deux, en compagnie d’un graphomane à lunettes qui déclara un jour : « » Enregistrement : janvier 2024 - Entretien, découpage : Richard Gaitet - Prise de son : Mathilde Guermonprez - Montage : Juliette Cordemans - Réalisation, mixage : Charlie Marcelet - Musiques originales : Samuel Hirsch - Clarinette : Paul Laurent - Lectures : Sabine Zovighian - Illustration : Sylvain Cabot - Remerciements : Alice Zeniter, Joseph Hirsch - Production : ARTE Radio - Samuel Hirsch
Un obus dans le cœur BOOKMAKERS #28 - L'AUTEUR DU MOIS : WAJDI MOUAWAD Né en 1968 près de Beyrouth, Wajdi Mouawad est l’un des dramaturges les plus joués du théâtre francophone, avec près de vingt-cinq pièces écrites et mises en scène par ses soins depuis le début des années 90, dont l’incontournable « Incendies » (2003), adaptée au cinéma par Denis Villeneuve. Traduits en vingt langues, co-édités par Actes Sud et la maison québécoise Léméac, ses drames familiaux, riches en apparitions surnaturelles autant qu’en engueulades réparatrices, sont montés au Japon, au Brésil, en Espagne, au Maroc, aux États-Unis, en Corée du Sud, en Argentine ou en Australie. Récompensé par les plus hautes instances au Québec ou en Allemagne, il refuse poliment un Molière en 2005 pour souligner l’indifférence des grands théâtres à l’égard de la création contemporaine, tandis que l’Académie française lui remet en 2009 un prix pour l’ensemble de son œuvre. Depuis 2016, il dirige le théâtre national de La Colline, à Paris. WAJDI MOUAWAD (1/3) C’est un oiseau rare, au plumage marqué par l’exil. Un fougueux pour qui le théâtre demeure une « », qui écrit guidé par « ». Forcée de fuir le Liban en raison des bombardements de la guerre civile, la famille de Wajdi Mouawad s’installe en 1978 à Paris, puis quelques années plus tard à Montréal, où l’École nationale de théâtre sauve de la dépression le futur auteur de « Littoral » ou de « Seuls », en lui offrant à la fois « » et son seul diplôme. D’abord comédien, il se met à l’écriture pour « » Ses cris ont été entendus. Mais comment la lecture de Kafka, adolescent, l’a-t-elle métamorphosé jusqu’à l’obsession ? Que doit-il à son grand frère, Naji ? Aux chansons de Brel ou de Renaud ? Peut-on fleurir quand on a été plusieurs fois déraciné ? Ce sont certaines des scènes du premier acte de cette conversation, qui revient sur ces années de formation où Wajdi Mouawad n’était « ». Enregistrement : janvier 2024 - Entretien, découpage : Richard Gaitet - Prise de son : Mathilde Guermonprez - Montage : Juliette Cordemans - Réalisation, mixage : Charlie Marcelet - Musiques originales : Samuel Hirsch - Clarinette : Paul Laurent - Lectures : Sabine Zovighian - Illustration : Sylvain Cabot - Remerciements : Alice Zeniter, Joseph Hirsch - Production : ARTE Radio - Samuel Hirsch
Métrique et astuces BOOKMAKERS #27 - L'AUTEUR DU MOIS : ANDRÉ MARKOWICZ Né à Prague en 1960, André Markowicz a traduit « tout » Dostoïevski, c’est-à-dire les romans et nouvelles en quarante-cinq volumes de l’auteur des « Frères Karamazov » (Actes Sud). Il est aussi, avec l’aide inestimable de Françoise Morvan, le traducteur du théâtre complet d’Anton Tchekhov ou de Nicolas Gogol. Ou encore l’oreille précieuse qui mit près de vingt-cinq ans à restituer les 6500 vers d’« Eugène Onéguine » d’Alexandre Pouchkine. Tout ceci, parmi plus de 150 ouvrages depuis 1981, traduits du russe, de l’anglais, du latin ou du breton, aux éditions Mesures, Inculte ou José Corti. Il vit et travaille à Rennes. ANDRÉ MARKOWICZ (3/3) Un traducteur est un auteur. André Markowicz le prouve chaque jour depuis quarante ans, d’un pays à l’autre, d’une forme à l’autre – y compris quand il s’échine à chercher le ton juste d’un personnage… dans une simple blague juive. Parmi les cent cinquante livres que compte sa bibliographie, on lui doit 14 pièces de Shakespeare aux éditions Les Solitaires Intempestifs, 401 poèmes chinois du VIIIe siècle (dans son chantier le plus fou : « Ombres de Chine », aux éditions Inculte) ou encore une nouvelle version du chef-d’œuvre de Mikhail Boulgakov, « Le Maître et Marguerite », traduit avec Françoise Morvan, toujours aux éditions Inculte – ce qu’il décrit parfois comme « l’aboutissement de tout son travail de traducteur de la littérature russe ». Mais ces ouvrages, composés avec la même fièvre de partage, ne doivent pas occulter les milliers de pages signées par Markowicz en solo. Ce maître en métrique est l’auteur de quatre recueils de poèmes quasi confidentiels (« Figures », « Herem »), d’un récit autobiographique en vers et sans point, à lire d’un seul souffle, sur l’appartement de sa grand-mère (« L’Appartement », Inculte). D’un sidérant journal public tenu depuis dix ans sur Facebook, à raison d’une chronique tous les deux jours, matière première des épais volumes de sa série « Partages » qui paraît maintenant chez Mesures, maison d’édition indépendante qu’il a créée avec Françoise Morvan. Ou récemment d’un tout petit essai géopolitique et littéraire, intitulé « Et si l’Ukraine libérait la Russie ? » (Le Seuil), vendu à dix mille exemplaires. Tels sont certains des sujets évoqués dans la toundra de ce troisième et dernier épisode, en compagnie d’un homme qui s’est longtemps senti « gêné, comme empêché d’écrire ». Un créateur qui ne traduit que des morts. Et qui, étrangement, ne semble pas plus inquiet que ça face à l’invasion des intelligences artificielles. Auquel on ne peut que souhaiter, en citant sa traduction du tout dernier poème de Vladimir Maïakovski, qu’il n’ait jamais « la honte de devenir raisonnable ». Enregistrement : octobre 2023 - Entretien, découpage : Richard Gaitet - Prise de son, montage : Mathilde Guermonprez - Réalisation, mixage : Charlie Marcelet - Musiques originales : Samuel Hirsch - Lectures : Sabine Zovighian, Perrine Kervran, Mina Souchon - Illustration : Sylvain Cabot - Production : ARTE Radio - Samuel Hirsch
Maousse Dosto BOOKMAKERS #27 - L'AUTEUR DU MOIS : ANDRÉ MARKOWICZ Né à Prague en 1960, André Markowicz a traduit « tout » Dostoïevski, c’est-à-dire les romans et nouvelles en quarante-cinq volumes de l’auteur des « Frères Karamazov » (Actes Sud). Il est aussi, avec l’aide inestimable de Françoise Morvan, le traducteur du théâtre complet d’Anton Tchekhov ou de Nicolas Gogol. Ou encore l’oreille précieuse qui mit près de vingt-cinq ans à restituer les 6500 vers d’« Eugène Onéguine » d’Alexandre Pouchkine. Tout ceci, parmi plus de 150 ouvrages depuis 1981, traduits du russe, de l’anglais, du latin ou du breton, aux éditions Mesures, Inculte ou José Corti. Il vit et travaille à Rennes. ANDRÉ MARKOWICZ (2/3)Un jour, la mère d’André Markowicz, professeure de littérature russe, ouvre une traduction française de « L'Idiot » de Dostoïevski. Dans la scène d’anniversaire où le piètre fonctionnaire Lebedev délire à bloc en voyant de l'argent jeté au feu, elle ne reconnaît pas le texte original. Les trois autres traductions qu’elle emprunte ne respectent pas non plus, diable, les flammes initiales ; toutes s'acharnent à rendre cohérentes les invraisemblances du personnage déboussolé. Le jeune André n’oubliera pas cette anecdote. En 1990, dans le métro, face à Hubert Nyssen, fondateur des éditions Actes Sud, pour lequel il vient de servir d’interprète, Markowicz suggère de retraduire Dostoïevski. Au motif que les précédentes traductions ont trop policé le style – bien qu’elles aient permis, reconnaît-il, à Proust ou à Gide de s’engouffrer dans la prose possédée de l’auteur des « Carnets du sous-sol ». Trêve d’élégance excessive à la française : l’oralité furieuse de Dostoïevski sera célébrée avec force répétitions et maladresses de syntaxe, n’en déplaise aux puristes. Trois ans plus tard, sur France 3, André Markowicz explique honorer ainsi une écriture qui existe « en dépit de toutes les règles, en faisant tout pour ne pas faire un roman français, ne pas écrire comme un marquis, mais avec un débordement de passion, une langue en fusion, sans aucune norme, à part celle que l’on crée, là, sur-le-champ ». Ses adversaires questionnent sa légitimité, parce qu’André n’est pas universitaire. On le voit pourtant – c’est rare, pour un traducteur – dans « Paris-Match » ; avec, sur la page d’en face, le mannequin Claudia Schiffer dans sa baignoire. Puis « L’Obs » lui consacre trois pages où se querellent anciens et modernes, en parlant de « véhémence emberlificotée » à propos de sa version de « L’Idiot ». Markowicz se confie au « Monde » : « Voilà une chose que j’ai réussie, au moins : qu’on remarque que le bouquin est traduit. » Ce rigoureux russophone est donc de ceux qui, comme dans « Crime et châtiment », ont « le don ou le talent de dire une parole nouvelle ». Cela marche aussi au théâtre : André Markowicz a participé à plus d’une centaine de mises en scène de ses traductions cosignées avec Françoise Morvan, en France, au Québec, en Belgique ou en Suisse, remaniant souvent le texte à l’épreuve du plateau. Hubert Nyssen disait de lui : « J'ai rarement vu quelqu'un qui s'intéresse autant à la mise en bouche d'un texte. ». Dans ce deuxième épisode, laissons de nouveau sa voix nous guider. Enregistrement : octobre 2023 - Entretien, découpage : Richard Gaitet - Prise de son, montage : Mathilde Guermonprez - Réalisation, mixage : Charlie Marcelet - Musiques originales : Samuel Hirsch - Lectures : Sabine Zovighian, Perrine Kervran, Mina Souchon - Illustration : Sylvain Cabot - Production : ARTE Radio - Samuel Hirsch
L’oreille russe BOOKMAKERS #27 - L'AUTEUR DU MOIS : ANDRÉ MARKOWICZ Né à Prague en 1960, André Markowicz a traduit « tout » Dostoïevski, c’est-à-dire les romans et nouvelles en quarante-cinq volumes de l’auteur des « Frères Karamazov » (Actes Sud). Il est aussi, avec l’aide inestimable de Françoise Morvan, le traducteur du théâtre complet d’Anton Tchekhov ou de Nicolas Gogol. Ou encore l’oreille précieuse qui mit près de vingt-cinq ans à restituer les 6500 vers d’« Eugène Onéguine » d’Alexandre Pouchkine. Tout ceci, parmi plus de 150 ouvrages depuis 1981, traduits du russe, de l’anglais, du latin ou du breton, aux éditions Mesures, Inculte ou José Corti. Il vit et travaille à Rennes. ANDRÉ MARKOWICZ (1/3) En France, c’est le tsar bizarre, envoûté et envoûtant, de la littérature russe. Un polyglotte professionnel qui se situe toujours « entre deux mondes », « entre la langue de départ et celle de l’arrivée », entre la langue de sa petite enfance moscovite et celle de sa vie d’adulte, entre Paris, Rennes et les villes où son goût du théâtre l’emporte. « Je commence par taper, très vite. En français, sans réfléchir. Je ne lis jamais l'œuvre auparavant – ce qui est hérétique pour beaucoup de mes collègues. Quand on lit, les yeux glissent. Or, quand on traduit, les yeux plongent. Traduire, c'est une lecture en verticale. On ne fait pas attention aux idées, mais aux mots. Petit à petit, je commence à voir des trucs bizarres, qui me choquent, qui me gênent, des expressions russes un peu étranges, qu'on ne s'attendrait pas à trouver dans le contexte. Et c'est toujours l'essentiel. Je construis l'interprétation à partir des bizarreries. » Mais d’où vient le sens du tempo de cette bibliothèque sur pattes, qui déclare avec joie n’avoir jamais pris de vacances depuis trente ans ? Que met-il dans son samovar matinal ? Qu’a-t-il retenu de son mentor au physique de « colosse », le linguiste et dissident russe Efim Etkind, qui l’invite – à 16 ans – à rejoindre son cercle de traducteurs ? Cette école « des mots, des sons, de la construction », qui a tant marqué Markowicz. « Le geste premier du traducteur, dit-il, est celui du partage. Il aime et il a les moyens de faire aimer à d’autres. Ensuite viennent les questions techniques, les impossibles, les affres. » Les portes s’ouvrent enfin sur ce premier épisode : au coin du feu, entrons dans la datcha mentale de Monsieur. Enregistrement : octobre 2023 - Entretien, découpage : Richard Gaitet - Prise de son, montage : Mathilde Guermonprez - Réalisation, mixage : Charlie Marcelet - Musiques originales : Samuel Hirsch - Lectures : Sabine Zovighian, Perrine Kervran, Mina Souchon - Illustration : Sylvain Cabot - Production : ARTE Radio - Samuel Hirsch
Tout savoir des grands noms de la littérature contemporaine Le podcast ARTE est devenu une collection de livres. Richard Gaitet interroge les meilleures autrices et les meilleurs auteurs sur leurs secrets d'écriture. Après Nicolas Mathieu et Alice Zeniter, c'est au tour de Maria Pourchet. En janvier 2024, Hervé le Tellier complètera la collection. Une coédition ARTE Éditions https://boutique.arte.tv/search?q=bookmakers / Points https://www.editionspoints.com/recherche?s=bookmakers. MARIA POURCHET «Mon premier livre serait comme le dessin du cygne qui, dans la fable, fut travaillé des années avant d’être offert à un empereur japonais. Il faut que le geste soit sûr. » Que trouve-t-on sous la plume de Maria Pourchet ? Pourquoi a-t-elle attendu d’avoir trente ans pour se mettre à écrire – alors qu’elle était sûre de sa vocation dès le CE1 ? Quel déclic doit-elle à Romain Gary ? Comment la langue est-elle devenue « un pote » ? Dans ce dialogue franc du collier, celle qui écrit « comme on gueule » raconte tout, ou presque : son enfance vosgienne « saturée » de livres, son admiration pour Pierre Michon, Achille Talon, Daniel Balavoine ou Les Valseuses, son art mordant de la punchline et, très en détails, la fabrication de ses premiers romans, d’Avancer (2012) au succès de Feu (2021). Une conversation lucide et incandescente avec l’une des révélations de la scène littéraire contemporaine. 11,90€ - 128 pages. Toutes les infos sur le livre https://boutique.arte.tv/detail/bookmakers-maria-pourchet / sur le podcast. https://www.arteradio.com/son/61671115/maria_pourchet_1_3 ALICE ZENITER L’art littéraire d’Alice Zeniter, de A à Z. Remarquée en CE2 par une autrice confirmée, publiant son premier livre à seize ans, cette romancière, dramaturge, metteuse en scène, traductrice et scénariste s’est imposée comme l’une des voix les plus stimulantes du paysage francophone. Aux Hébrides ou en Hongrie, au plus près des affects d’une hackeuse, d’anciens harkis ou d’une femme de ménage, les histoires d’Alice Zeniter interpellent, en sa qualité de membre honoraire de ce club d’écrivain·e·s qui refusent d’écrire toujours le même livre. Mais comment cette amoureuse éperdue des enquêtes de Sherlock Holmes travaille-t-elle au quotidien ? De quelle façon sa pratique du théâtre influence-t-elle sa prose ? Comment surmonter ses doutes quand on se trouve « écrasée par l’ampleur de ses sujets » ? Et qu’est-ce que « la stratégie de la semoule » ? Un dialogue didactique, plein d’humour et de modestie, sur la fabrique de l’écriture. 10,90€ - 144 pages. Toutes les infos sur le livre https://boutique.arte.tv/detail/bookmakers-alice-zeniter / sur le podcast. https://www.arteradio.com/son/61663819/alice_zeniter_1_3 NICOLAS MATHIEU Comment écrire sans trahir le milieu d’où l’on vient ? De sa première rédac’ au Goncourt reçu à 40 ans pour Leurs enfants après eux, en passant par ses « chocs » en lisant Céline, Manchette ou Annie Ernaux, Nicolas Mathieu revient sur la naissance de sa vocation, sa discipline quotidienne et les « coups » que la littérature « lui permet de rendre à la vie, qui nous en met plein la gueule » le temps d’une conversation précise et généreuse. Une plongée passionnante dans la fabrique et les mondes intérieurs du petit bleu des Vosges, devenu l’une des figures montantes du roman contemporain, dont la colère contre « les mensonges, le tout falsifié » reste l’un des carburants, et qui dit avec joie avoir appris davantage en matant Les Soprano qu’en étudiant Tolstoï. 10,90€ - 144 pages. Toutes les infos sur le livre https://boutique.arte.tv/detail/bookmakers-nicolas-mathieu / sur le podcast. https://www.arteradio.com/son/61665284/nicolas_mathieu_1_3 écoute les écrivain.e.s détailler leurs secrets d’écriture. C’est le récit d’un récit, les coulisses de fabrication d’un livre majeur dans la carrière d’un.e auteur.e, qui dévoile sa discipline, son rythme et ses méthodes de travail. C’est quoi, le style ? Comment construit-on une intrigue, un personnage ? Où faut-il couper ? Chaque mois, Bookmakers écoute les plus grand.e.s écrivain.e.s d’aujourd’hui raconter, hors de toute promotion, l’étincelle initiale, les recherches, la discipline, les obstacles, le découragement, les coups de collier, la solitude, la première phrase, les relectures… mais aussi le rôle de l'éditeur, de l’argent, la réception critique et publique, le regard sur le texte des années plus tard. Animé par Richard Gaitet, écrivain et homme de radio, le podcast Bookmakers détruit le mythe d’une inspiration divine qui saisirait les auteurs au petit matin. Il rappelle que l'écriture est aussi un métier, un artisanat, un beau travail. Enregistrement : septembre 2023 - Ecriture : Richard Gaitet - Mixage : Samuel Hirsch - Production : ARTE Radio
La règle du je BOOKMAKERS #26 - L'AUTRICE DU MOIS : CONSTANCE DEBRÉ Née en 1972 à Paris, Constance Debré se décrit parfois comme « ». C’est-à-dire : un authentique noble proustien, raffiné et ambigu, qui aurait mis les doigts dans la prise du punk des Sex Pistols, avec le désir revendiqué de « » et « » de nos « ». « », confie-t-elle avec un léger chuintement dans la voix, qu’elle nomme avec humour son « ». Ex-avocate pénaliste, elle est surtout l’autrice, en seulement cinq ans, de quatre livres à succès principalement autofictionnels, épurés et nerveux, en rupture avec les conventions sociales ou familiales, de « Play boy » (Stock, 2018) à « Offenses » (Flammarion, 2023). CONSTANCE DEBRÉ (3/3) « J'assume tout quand j'écris "je", j'écris démasquée. La vérité est la solution la plus simple. Et la plus excitante. » Publié en 2020 aux éditions Flammarion, « Love me tender » est le roman auto-fictif de l’affranchissement familial de Constance Debré, « d'une solitude assumée, fondamentale », le journal de bord d’une pré-quinquagénaire qui se confronte aux normes en vivant pleinement son coming-out. Ou encore, et surtout, les confessions cinglantes, un peu bouleversantes et sans un gramme de pathos d’une mère dépossédée de son fils, qui réinvente le lien et interroge l’amour filial. Il s’écoule quarante mille exemplaires de ces cent cinquante pages, traduites au Royaume-Uni, aux États-Unis ou dans les pays scandinaves. Sur le même principe, le livre d’après, « Nom » (2022), ausculte sa généalogie, son « origine », les malheurs et les vertus de son clan, et marche aussi très bien : trente-deux mille exemplaires vendus. En janvier 2023, « Offenses » amène Constance Debré à sortir du couloir de nage de l’autobiographie romancée. Sujet : l’histoire vraie d’un criminel de dix-neuf ans, déjà père et sérieusement dans la dèche, qui assassina une vieille voisine de dix coups de couteau pour lui voler 450 euros. Le meurtrier s’adresse à nous, Constance aussi, pour restituer le procès et les circonstances psycho-sociales de la tragédie, érigeant le tueur en « saint » qui serait « coupable à notre place ». La démarche ne convainc guère, mais le livre se vend à près de dix mille copies. En dernière instance de cette comparution immédiate dans les studios d'Arte Radio, Constance lira la traduction des paroles d'une chanson de Leonard Cohen, qui présente de troublantes similitudes avec son œuvre désenchantée. Enregistrement : septembre 2023 - Entretien, découpage : Richard Gaitet - Prise de son, réalisation, mixage : Charlie Marcelet - Montage : Mathilde Guermonprez - Musiques originales : Samuel Hirsch - Piano : Vincent Erdeven - Lectures : Samuel Hirsch, Manon Prigent - Illustration : Sylvain Cabot - Remerciements : Clarisse Le Gardien, Joseph Hirsch, Lou Marcelet, Alicia Marie - Production : ARTE Radio - Samuel Hirsch
Play plaidoirie BOOKMAKERS #26 - L'AUTRICE DU MOIS : CONSTANCE DEBRÉ Née en 1972 à Paris, Constance Debré se décrit parfois comme « ». C’est-à-dire : un authentique noble proustien, raffiné et ambigu, qui aurait mis les doigts dans la prise du punk des Sex Pistols, avec le désir revendiqué de « » et « » de nos « ». « », confie-t-elle avec un léger chuintement dans la voix, qu’elle nomme avec humour son « ». Ex-avocate pénaliste, elle est surtout l’autrice, en seulement cinq ans, de quatre livres à succès principalement autofictionnels, épurés et nerveux, en rupture avec les conventions sociales ou familiales, de « Play boy » (Stock, 2018) à « Offenses » (Flammarion, 2023). CONSTANCE DEBRÉ (2/3) Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les juré·e·s, les faits reprochés à Constance Debré sont accablants. Prenons la phrase suivante : « Écrire est un coup d’état, l’affirmation d’une autorité sans justification ni explication et qui se fout d’être légitime. C’est comme dans l’amour, quand on se penche et qu’on prend. » De loin comme de près, Constance décontenance : elle a rompu avec le couple, l’hétérosexualité, un travail stable, la possession et le confort d’un appartement douillet, pour écrire et ne faire que ça ; sauf, bien sûr, quand elle nage à la piscine deux kilomètres de crawl par jour, et enchaîne les conquêtes féminines tel un Don Juan androgyne aux cheveux de plus en plus courts, tatouée de toutes parts – avec les mots « plutôt crever » dans la chair de son cou. Tout ceci, Debré le raconte de façon frontale, impudique, dans « Play boy » et les deux romans suivants, à peine cachée derrière l’alter-ego qui porte son prénom, via des phrases courtes et des chapitres au rasoir, qui captivent son auditoire. Paru aux éditions Stock, « Play boy » se vendra tous formats confondus à trente mille exemplaires. Le geste impressionne, mais crispe aussi une partie de la critique, qui lui reproche la trop grande simplicité de son style ou la bourgeoisie teintée d’aristocratie de sa lignée, souvent sans savoir quelle est son histoire. « C’est important de déplaire et j’ai toujours trouvé infiniment sexy d’avoir des ennemis », dit-elle. « Il faut totalement assumer l'arrogance. » Dans ce deuxième épisode, examinons les fondations du casier littéraire de l’ex-avocate Constance Debré, son goût pour l’oralité, le « risque » et le sens de la « responsabilité » qui lui permettent de conjurer cette sensation permanente « d'étouffer sous le brouhaha », l’influence de Guillaume Dustan et de Christine Angot, ses antécédents au service de la justice, quand elle était « l’une des petites vedettes » du barreau de Paris, et les deux points communs essentiels qu’elle continue d’observer entre une plaidoirie et l’écriture d’un roman. « Toujours le moins de mots possible. Et : les choses graves doivent être dites. » Enregistrement : septembre 2023 - Entretien, découpage : Richard Gaitet - Prise de son, réalisation, mixage : Charlie Marcelet - Montage : Mathilde Guermonprez - Musiques originales : Samuel Hirsch - Piano : Vincent Erdeven - Lectures : Samuel Hirsch, Manon Prigent - Illustration : Sylvain Cabot - Remerciements : Clarisse Le Gardien, Joseph Hirsch, Lou Marcelet, Alicia Marie - Production : ARTE Radio - Samuel Hirsch
Les circonstances BOOKMAKERS #26 - L'AUTRICE DU MOIS : CONSTANCE DEBRÉ Née en 1972 à Paris, Constance Debré se décrit parfois comme « ». C’est-à-dire : un authentique noble proustien, raffiné et ambigu, qui aurait mis les doigts dans la prise du punk des Sex Pistols, avec le désir revendiqué de « » et « » de nos « ». « », confie-t-elle avec un léger chuintement dans la voix, qu’elle nomme avec humour son « ». Ex-avocate pénaliste, elle est surtout l’autrice, en seulement cinq ans, de quatre livres à succès principalement autofictionnels, épurés et nerveux, en rupture avec les conventions sociales ou familiales, de « Play boy » (Stock, 2018) à « Offenses » (Flammarion, 2023). CONSTANCE DEBRÉ (1/3) « . » Il faut un certain aplomb pour annuler, en cinq phrases, la quasi-totalité de la production littéraire contemporaine. Quand Constance Debré surgit en librairies en 2018 avec « Play boy », brève autofiction qu’elle présente à 46 ans comme son premier roman, cette fougueuse avocate pénaliste s’apprête à ranger au placard sa longue robe noire à rabat blanc, pour « », selon la formule de Virginie Despentes – qui adore « ». Elle apparaît à notre micro un cuir noir épais sur les épaules, chapeau mou marron posé sur son crâne rasé à blanc, pour partager, dans ce premier épisode, son enfance à la garçonne, ses lectures capitales de Blaise Pascal et Saint-Augustin ou ses premiers tafs dans les coulisses de l’Assemblée nationale et les contentieux boursiers. Elle en profite aussi pour clore le débat sur ses deux véritables premiers ouvrages parus aux éditions du Rocher, « Un peu là beaucoup ailleurs » (2004) et « Manuel pratique de l'idéal » (2007), aujourd’hui reniés… « ». Constance Debré allait pourtant jusqu’à inscrire en ces pages sa propre épitaphe : « » Enregistrement : septembre 2023 - Entretien, découpage : Richard Gaitet - Prise de son, réalisation, mixage : Charlie Marcelet - Montage : Mathilde Guermonprez - Musiques originales : Samuel Hirsch - Piano : Vincent Erdeven - Lectures : Samuel Hirsch, Manon Prigent - Illustration : Sylvain Cabot - Remerciements : Clarisse Le Gardien, Joseph Hirsch, Lou Marcelet, Alicia Marie - Production : ARTE Radio - Samuel Hirsch
Kiffe la vibe avec Elmore Leonard BOOKMAKERS #25 - L'AUTEUR DU MOIS : LAURENT CHALUMEAU Né en 1959 à Paris, Laurent Chalumeau a démarré comme critique, reporter et intervieweur du magazine « Rock&Folk », taillant le bout de gras avec Johnny Cash, Ice-T ou Al Green. Un coup de fil d’Antoine de Caunes l’embarque dans l’aventure Canal+ où sa plume mordante fait rire chaque soir des millions de Français·es. Il a signé une douzaine de romans, dont, récemment, « VNR » et « Vice » (Grasset). Se définissant parfois comme « », Laurent Chalumeau est également scénariste (pour Alain Corneau, Éric Rochant ou la série « Le Train ») et parolier (pour Michel Sardou, Michèle Torr, Patrick Bruel, Bertrand Burgalat ou l’un des premiers boys-band de l’Hexagone, G-Squad). Il vit et travaille près de Pigalle. LAURENT CHALUMEAU (3/3) Avec « Le Siffleur », Laurent Chalumeau inaugure en 2006 une série de cinq romans d’escroquerie frontalement rigolards, plantés sur la Côte d’Azur – qui pullule soudain de bras cassés infoutus de réussir le moindre braquage. « » Le roman sera transposé au cinéma par Philippe Lefèbvre, avec François Berléand et Virginie Efira. « Écrire bien, ça ne veut rien dire, dit Laurent Chalumeau, pas mécontent des 15 000 exemplaires écoulés du roman suivant, intitulé « ». « . » Ces gestes qui sauvent (un roman, un dialogue, une intrigue, un personnage), Laurent les a appris en étudiant, pendant des années, la prose « » de l’Américain Elmore Leonard, que Quentin Tarantino adapta sur grand écran via « Jackie Brown ». En résulte un essai passionnant signé Chalumeau aux éditions Rivages en 2015, « Elmore Leonard, un maître à écrire », bourré de conseils pratiques à suivre dans ce troisième épisode. Des trucs et astuces de narration, qui lui ont permis de bâtir des bouquins comme « Un mec sympa », « Bonus » ou « Kif », ses « », conçus comme « ». « » Enregistrement : mai 2023 - Mise en ligne : 19 juillet 2023 - Entretien, découpage : Richard Gaitet - Prise de son, montage : Mathilde Guermonprez - Réalisation, mixage : Charlie Marcelet - Musiques originales : Samuel Hirsch - Lectures : Chloé Assous-Plunian, Arnaud Forest, Mathilde Guermonprez - Illustration : Sylvain Cabot - Remerciements : Clarisse Le Gardien - Production : ARTE Radio - Samuel Hirsch
Fuck fiction BOOKMAKERS #25 - L'AUTEUR DU MOIS : LAURENT CHALUMEAU Né en 1959 à Paris, Laurent Chalumeau a démarré comme critique, reporter et intervieweur du magazine « Rock&Folk », taillant le bout de gras avec Johnny Cash, Ice-T ou Al Green. Un coup de fil d’Antoine de Caunes l’embarque dans l’aventure Canal+ où sa plume mordante fait rire chaque soir des millions de Français·es. Il a signé une douzaine de romans, dont, récemment, « VNR » et « Vice » (Grasset). Se définissant parfois comme « », Laurent Chalumeau est également scénariste (pour Alain Corneau, Éric Rochant ou la série « Le Train ») et parolier (pour Michel Sardou, Michèle Torr, Patrick Bruel, Bertrand Burgalat ou l’un des premiers boys-band de l’Hexagone, G-Squad). Il vit et travaille près de Pigalle. LAURENT CHALUMEAU (2/3) De 1990 à 1995, Laurent Chalumeau signe cinq fois par semaine l’une des séquences les plus vues de l’émission la plus branchée de l’époque : le sketch final de « Nulle Part Ailleurs » sur Canal+. Grâce à Antoine de Caunes et José Garcia, le critique rock qui se rêvait « grantécrivain » crée pour le petit écran des personnages franchouillardement mythiques, tels Didier l'Embrouille, Pine d'huître, Gérard Languedepute ou Raoul Bitembois – ce dernier patronyme résumant bien l’un des sujets principaux des blagues délivrées sur le joyeux plateau animé par Philippe Gildas. L’humour noir, la saleté et le mauvais esprit éclaboussent la téloche, et ça réveille. Au sujet de cette expérience, le comique de l’ombre dira cependant qu’elle fut à la fois « ». Ce que Chalumeau nous explique au cours de ce deuxième épisode, avant de revenir sur ses quatre premiers romans publiés aux éditions Grasset. Son coup d’épée initial au titre provoc’, « Fuck », montre qu’il était possible en 1991 de déconstruire avec rage la culture du viol et la bêtise virile tout en étant un homme hétéro blanc cisgenre amateur de guitares braillardes ; il s’en vendra, tous formats confondus, 30 000 exemplaires. Trois ans après, « Anne Frank 2 : le retour ! », brûlot bizarre sur les compromissions de la Mitterrandie, nous renseigne sur ses indignations. Chalumeau enchaîne avec deux romans de gare imbibés de n’importe nawak (mais pas du tout nuls, par ailleurs), « Neuilly brûle-t-il ? » suivi de « Topodoco ! », et la critique commence à le citer en disciple de Michel Audiard. Le flingueur répliquera, via l’un de ses personnages de scribouillard « » nommé Régis Grognon : « » Enregistrement : mai 2023 - Mise en ligne : 19 juillet 2023 - Entretien, découpage : Richard Gaitet - Prise de son, montage : Mathilde Guermonprez - Réalisation, mixage : Charlie Marcelet - Musiques originales : Samuel Hirsch - Lectures : Chloé Assous-Plunian, Arnaud Forest, Mathilde Guermonprez - Illustration : Sylvain Cabot - Remerciements : Clarisse Le Gardien - Production : ARTE Radio - Samuel Hirsch
Light my fire BOOKMAKERS #25 - L'AUTEUR DU MOIS : LAURENT CHALUMEAU Né en 1959 à Paris, Laurent Chalumeau a démarré comme critique, reporter et intervieweur du magazine « Rock&Folk », taillant le bout de gras avec Johnny Cash, Ice-T ou Al Green. Un coup de fil d’Antoine de Caunes l’embarque dans l’aventure Canal+ où sa plume mordante fait rire chaque soir des millions de Français·es. Il a signé une douzaine de romans, dont, récemment, « VNR » et « Vice » (Grasset). Se définissant parfois comme « », Laurent Chalumeau est également scénariste (pour Alain Corneau, Éric Rochant ou la série « Le Train ») et parolier (pour Michel Sardou, Michèle Torr, Patrick Bruel, Bertrand Burgalat ou l’un des premiers boys-band de l’Hexagone, G-Squad). Il vit et travaille près de Pigalle. LAURENT CHALUMEAU (1/3) Ce qui se retient d’abord de Laurent Chalumeau, c’est son style. Gouailleur en diable, généreux dans le grandguignolesque, tissé d’argot et d’anglicismes, cochon truffier de la à mille dollars, doté d’un sens du rythme – & blues – résolument « médusant », comme il dirait. Sa phrase est aussi acérée qu’un éperon, mais le cœur de ses livres s’avère aussi tendre que celui d’un cactus. Marrant, mais pas que. Volontiers « NRV ». Il convenait donc de creuser pour vérifier si, dans le gisement de sa prose riche d’une douzaine de romans, de centaines d’articles, d’essais musicaux ou de posts à foison sur les réseaux, se trouvaient des pépites. Bingo. Il faut se lever tôt pour tricoter les arnaques fendardes du « Siffleur » (2006) ou de « Kif » (2014), pour aiguiser la satire des élites ridicules de « VIP » (2017) ou pour déclarer son amour érudit à Dolly Parton dans « Jolene t’es gouine ? » (2022). Coup de pot : ce cowboy du macadam parigot, fringuant sexagénaire à barbe blanche finement taillée, partage nos vues sur l’écriture envisagée comme un artisanat. « , dit-il, » Mesurons alors dans ce premier épisode le parcours de l’apprenti. En se posant les bonnes questions. Mais pourquoi ses études de lettres l’ont-elles à ce point traumatisé ? Comment ce fan d’Elvis, de Prince ou de Bowie a-t-il rejoint la rédaction de « Rock&Folk », dont il fut l’un des correspondants le temps de « » dans les mythes de l’Amérique, entre portes du pénitencier, rodéos sur paddocks et tournois de billard, qui lui vaudront l’admiration et l’amitié de Virginie Despentes ? Quelles leçons essentielles a-t-il retenu des journalistes Philippe Manœuvre et Philippe Garnier, ou de Tom Wolfe, auteur du « Bûcher des vanités » ? Allez, au charbon. Chalumons le feu. Enregistrement : mai 2023 - Mise en ligne : 19 juillet 2023 - Entretien, découpage : Richard Gaitet - Prise de son, montage : Mathilde Guermonprez - Réalisation, mixage : Charlie Marcelet - Musiques originales : Samuel Hirsch - Lectures : Chloé Assous-Plunian, Arnaud Forest, Mathilde Guermonprez - Illustration : Sylvain Cabot - Remerciements : Clarisse Le Gardien - Production : ARTE Radio - Samuel Hirsch
Dans la mine d’or Bookmakers #24 - L'autrice du mois : Céline MinardNée à Rouen en 1969, Céline Minard a étudié la philosophie et travaillé en librairie avant d’arpenter, dès 2004, les sentiers les plus aventureux de la fiction francophone contemporaine. Cette fine lectrice du « Quichotte » est révélée par la critique avec « Le Dernier Monde », monologue métaphysique et burlesque de l’ultime habitant de la Terre (Denoël, 2007). Depuis, elle honore le crédo d’une « littérature transgenre », avec notamment « Bastard Battle », bataille médiévale teintée de manga (mention spéciale du prix Wepler, Léo Scheer, 2008), le western « Faillir être flingué » (prix du Livre Inter, vendu à 100 000 exemplaires, Rivages, 2014) ou les nouvelles S.-F. de « Plasmas » (grand prix de l’Imaginaire, Rivages, 2022). Céline Minard vit et écrit aujourd’hui dans le massif des Corbières. Céline Minard (3/3)« Mes romans débordent les genres, les décadrent, les dévoient, les collisionnent. Ils sont transgenres. Ce qu’il faut déboulonner, c’est le cadre. » Pour ce troisième épisode consacré à l’art de Céline Minard, ouvrons sa caisse à outils et regardons quels boulons font tenir la charpente de ses textes si spacieux. En cavalant d’abord dans les plaines de « Faillir être flingué », western naturaliste débarrassé des traditionnels oripeaux de virilité. Dans lequel un cow-boy en crise peut se promettre, « devant le premier nid qu’il avait observé depuis sa renaissance, que la connaissance des oiseaux serait la seule science à laquelle il s’adonnerait pour le reste de sa vie. Et la collecte des contes, le seul passe-temps ». Pour ses lectures personnelles, la romancière confie chercher la sensation « d’être perdue et retrouvée, baladée comme jamais, dépaysée et accueillie sans bien connaître le protocole et sa signification. » C’est l’effet produit par « Plasmas », son recueil de nouvelles de science-fiction, bâti comme « une entreprise de désorientation ». Où des nomades nés dans l’espace après « l’extinction des feux » étudient les archives de la Terre. Où une pisteuse agile apprend à vivre au contact d’une société de grands singes, sous la menace de drones tueurs. Où l’on peut « développer une idée aérienne de la sexualité » et entretenir « des relations de plusieurs degrés de sensualité » avec des plantes. Peu après « Plasmas », Céline Minard livra dans « Libération » sa définition du mot « imaginaire » : « Muscle psychique à l’origine de toutes les émancipations. Son contrôle ou le contrôle de son usage est un enjeu majeur pour les sociétés pyramidales. Puissance ou superpouvoir projectif, prospectif et microgravitaire, l’imaginaire est quotidiennement à l’œuvre dans le monde réel qu’il façonne, dément, fore, réforme, et avec lequel il entretient des échanges de gaz et de mucus revigorants. »Laissons-nous revigorer par l’imaginaire de Céline Minard, par son « goût de la frontière et le passage de celle-ci, discret ou tonitruant, toujours illégal ». Enregistrements : mars 23 - Entretien, découpage : Richard Gaitet - Montage : Mathilde Guermonprez - Prise de son, réalisation, mixage : Charlie Marcelet - Musiques originales : Samuel Hirsch - Lectures : Emma Bouvier, Samuel Hirsch, Richard Gaitet - Illustration : Sylvain Cabot - Remerciements : Clarisse Le Gardien - Production : ARTE Radio - Samuel Hirsch
Sauce samouraï Bookmakers #24 - L'autrice du mois : Céline MinardNée à Rouen en 1969, Céline Minard a étudié la philosophie et travaillé en librairie avant d’arpenter, dès 2004, les sentiers les plus aventureux de la fiction francophone contemporaine. Cette fine lectrice du « Quichotte » est révélée par la critique avec « Le Dernier Monde », monologue métaphysique et burlesque de l’ultime habitant de la Terre (Denoël, 2007). Depuis, elle honore le crédo d’une « littérature transgenre », avec notamment « Bastard Battle », bataille médiévale teintée de manga (mention spéciale du prix Wepler, Léo Scheer, 2008), le western « Faillir être flingué » (prix du Livre Inter, vendu à 100 000 exemplaires, Rivages, 2014) ou les nouvelles S.-F. de « Plasmas » (grand prix de l’Imaginaire, Rivages, 2022). Céline Minard vit et écrit aujourd’hui dans le massif des Corbières. Céline Minard (2/3)Chaque roman est pour Céline Minard l’occasion d’inventer « une nouvelle cabane ». Celle qui la fit connaître se passe de gravité. Dans « Le Dernier monde » (Denoël, 2007), un astronaute américain découvre un peu tard, du haut de sa station orbitale, qu’il est l’ultime représentant de l’humanité. Revenu sur Terre, il entreprend d’explorer le globe à la rencontre des animaux qui, eux, ont survécu à la catastrophe – dont « cinquante-neuf mille têtes de porcs » qu’il essaie de gouverner. Sur 500 pages, cette démonstration de métaphysique postapocalyptique aux accents burlesques force le respect – et, avec le temps, finit par s’écouler à 15 000 exemplaires. Critiques et libraires s’interrogent alors sur cette autrice parisienne planquée à Ménilmontant, qui cite parmi ses influences une internationale de francs-tireurs : Faulkner, Borges, Duras, Michaux ou Elfriede Jelinek. « Tous les grands textes, dit-elle, sont ceux qui, bien que clos et achevés, regorgent d’ambiguïtés et de contradictions qui continuent de bouger dans leur espace, de creuser des passages inédits dans la tête des lecteurs. Je veux lire des choses pas possibles qui se posent comme une évidence. » Son premier public sera – positivement – désarçonné l’année suivante par le très court « Bastard Battle » (Léo Scheer, 2008), bataille médiévale rédigée en faux vieux français et contaminée par sa lecture compulsive de… mangas, qui lui vaut de recevoir la mention spéciale du prix Wepler. Une distinction symbolique, qui pesa sans doute dans l’obtention d’une résidence d’un an au sein d’une charmante cabane entourée de pins parasols : la Villa Médicis, à Rome. Sonnant ainsi le glas d’une précarité économique, que la romancière évoque sans détours dans ce deuxième épisode. Enregistrements : mars 23 - Entretien, découpage : Richard Gaitet - Montage : Mathilde Guermonprez - Prise de son, réalisation, mixage : Charlie Marcelet - Musiques originales : Samuel Hirsch - Lectures : Emma Bouvier, Samuel Hirsch, Richard Gaitet - Illustration : Sylvain Cabot - Remerciements : Clarisse Le Gardien - Production : ARTE Radio - Samuel Hirsch
Son premier monde Bookmakers #24 - L'autrice du mois : Céline MinardNée à Rouen en 1969, Céline Minard a étudié la philosophie et travaillé en librairie avant d’arpenter, dès 2004, les sentiers les plus aventureux de la fiction francophone contemporaine. Cette fine lectrice du « Quichotte » est révélée par la critique avec « Le Dernier Monde », monologue métaphysique et burlesque de l’ultime habitant de la Terre (Denoël, 2007). Depuis, elle honore le crédo d’une « littérature transgenre », avec notamment « Bastard Battle », bataille médiévale teintée de manga (mention spéciale du prix Wepler, Léo Scheer, 2008), le western « Faillir être flingué » (prix du Livre Inter, vendu à 100 000 exemplaires, Rivages, 2014) ou les nouvelles S.-F. de « Plasmas » (grand prix de l’Imaginaire, Rivages, 2022). Céline Minard vit et écrit aujourd’hui dans le massif des Corbières. Céline Minard (1/3) Dans « So long, Luise » (Rivages, 2011), Céline Minard rédige le testament d’une écrivaine qui ne jure que par « la marche, la marche, le mouvement ». Son héroïne s’étonne que des journalistes « de plus en plus savants et retors » viennent tenter de lui tirer les vers du nez à propos de sa prose, sa ponctuation, et tout ce qu’elle nomme « ses ustensiles de cuisine ». Elle note pour la postérité les trois questions les plus paresseuses de n’importe quelle interview littéraire : « 1°) Vous vous documentez beaucoup ? 2°) C’est autobiographique ? 3°) Vous avez mis longtemps à l’écrire ? » Nous avons donc redoublé de souplesse à l’heure d’avancer en terrain Minard. « J’adore l’exigence de la narration, la solidité qu’elle requiert. C’est le monde des possibles, la permission absolue. Une expérience de liberté, une vie de plus, dérobée. On est tous des menteurs, des imposteurs, des gosses ébahis avec des yeux comme des soucoupes ! », dit avec entrain celle dont l’œuvre – née d’un accident de rollers – démarre avec le très confidentiel « R. » (Comp’Act, 2004), journal des rêveries d’un promeneur pas tout à fait solitaire, qui traverse les Alpes dans les pas de Jean-Jacques Rousseau. Suivra une douzaine d’ouvrages souvent exigeants, oui, mais drôles, et rigoureusement stimulants sur le plan conceptuel. Un univers hétéroclite, peuplé de braqueuses excentriques, de papesse vengeresse, ou de chevaux génétiquement modifiés. Mais comment tout a commencé pour cette disciple en audace de François Villon ou de l’Allemand Arno Schmidt ? Comment s'inspire-t-elle de « la rue, la lumière sur une feuille ou dans un bol de thé, et les trente-six mille formes du vivant » ? Pour le savoir, tous et toutes en rando derrière Céline Minard ! Enregistrements : mars 23 - Entretien, découpage : Richard Gaitet - Montage : Mathilde Guermonprez - Prise de son, réalisation, mixage : Charlie Marcelet - Musiques originales : Samuel Hirsch - Lectures : Emma Bouvier, Samuel Hirsch, Richard Gaitet - Illustration : Sylvain Cabot - Remerciements : Clarisse Le Gardien - Production : ARTE Radio - Samuel Hirsch
Road-Tripode ou la vraie vie d'un éditeur Bookmakers #23 - L'invité du mois : Frédéric MartinFils d’un marin et d’une ouvrière, enfant des quartiers nord de Marseille et des paysages tahitiens, Frédéric Martin, 48 ans, a fondé en 2012 les éditions Le Tripode. Cette petite maison indépendante basée à Paris (quatre salarié·e·s) compte parmi les plus respectées du milieu pour l’originalité de son catalogue, sa rigueur textuelle et la beauté graphique de ses ouvrages. « Je publie, dit-il, des auteurs très libres, presque anars, pas mondains. Très peu de Parisiens. Des chats sauvages. » Parmi près de 250 titres et environ 20 nouveautés par an, citons l’Estonien Andrus Kivirähk et son « Homme qui parlait la langue des serpents » (75 000 exemplaires vendus en France depuis 2013, Grand Prix de l’Imaginaire), Valérie Manteau (prix Renaudot 2018 pour « Le Sillon », 72 000 exemplaires vendus), Bérengère Cournut (prix du roman Fnac 2019 pour « De pierre et d’os », 150 000 exemplaires écoulés), et Mathieu Bélézi, lauréat 2022 du prix du journal Le Monde avec « Attaquer la terre et le soleil ». Ou encore : des peintures rares d’Hugo Pratt, les vers « luisants » de Brigitte Fontaine et les contes macabres d’Edward Gorey. Il se demande souvent : pourquoi publier quelque chose qui existe déjà ? Frédéric Martin (3/3)Au risque de briser le mystère, révélons que Frédéric Martin lit tous les manuscrits qu’il reçoit, au lit, dans sa maison bretonne, en fumant la pipe. Tel Bilbo le Hobbit, il attend la rencontre. Quand le flash a lieu, et parce l’éditeur doit, selon lui, « être plusieurs à la fois », ce n’est que le début d’une longue série d’étapes – textuelles, visuelles, économiques – à chaque fois personnalisées, que nous allons parcourir lors de ce troisième et dernier épisode.Il sera question, en vrac, des « échafaudages » que l’auteur·e doit apprendre à retirer pour découvrir qu’un roman tient debout sans eux. D’une coupe essentielle en révisant « Ouest » de François Vallejo. De la diplomatie (ou non) en période de corrections. Du travail de la phrase « par sédimentation » chez Marc Graciano. D’écrivains trop beaux parleurs en période de promo. D’une prime aux auteur·e·s de la maison quand l’un·e remporte un prix littéraire important. Ou de risques financiers savamment calculés en publiant, pour la première fois au monde, les 781 gouaches et tous les textes du monumental « Vie ? ou Théâtre ? » de la peintre allemande Charlotte Salomon. Un labeur quotidien, sept jours sur sept, qui finit par le « broyer », mais que Frédéric Martin aborde avec « le calme des vieilles troupes ». Et, dans sa sacoche, cette phrase-talisman de Charlotte Salomon : « J’appris à suivre tous les chemins et j’en devins un moi-même. » Nota bene : cette conversation aurait dû avoir lieu en public, en décembre dernier, lors des 20 ans d’ARTE Radio au Palais de Tokyo, à Paris. Une grève SNCF en a décidé autrement. Certaines personnes présentes ce soir-là ont pourtant souhaité poser des questions au Tripodeur en chef. Elles émaillent le dialogue qui va suivre. Enregistrements : janvier 23 - Entretien, découpage : Richard Gaitet - Prise de son : Samuel Hirsch - Montage, réalisation, mixage : Thomas Loupias - Musiques originales : Thomas Loupias, Samuel Hirsch - Lectures : Emma Bouvier, Elena Zenone - Illustration : Sylvain Cabot - Remerciements : Nina Stavisky et le public du Palais de Tokyo - Production : ARTE Radio - Thomas Loupias, Samuel Hirsch
La joie ardue de « L’Art de la joie » Bookmakers #23 - L'invité du mois : Frédéric MartinFils d’un marin et d’une ouvrière, enfant des quartiers nord de Marseille et des paysages tahitiens, Frédéric Martin, 48 ans, a fondé en 2012 les éditions Le Tripode. Cette petite maison indépendante basée à Paris (quatre salarié·e·s) compte parmi les plus respectées du milieu pour l’originalité de son catalogue, sa rigueur textuelle et la beauté graphique de ses ouvrages. « Je publie, dit-il, des auteurs très libres, presque anars, pas mondains. Très peu de Parisiens. Des chats sauvages. » Parmi près de 250 titres et environ 20 nouveautés par an, citons l’Estonien Andrus Kivirähk et son « Homme qui parlait la langue des serpents » (75 000 exemplaires vendus en France depuis 2013, Grand Prix de l’Imaginaire), Valérie Manteau (prix Renaudot 2018 pour « Le Sillon », 72 000 exemplaires vendus), Bérengère Cournut (prix du roman Fnac 2019 pour « De pierre et d’os », 150 000 exemplaires écoulés), et Mathieu Bélézi, lauréat 2022 du prix du journal Le Monde avec « Attaquer la terre et le soleil ». Ou encore : des peintures rares d’Hugo Pratt, les vers « luisants » de Brigitte Fontaine et les contes macabres d’Edward Gorey. Il se demande souvent : pourquoi publier quelque chose qui existe déjà ? Frédéric Martin (2/3)C’est un chef-d’œuvre envoûtant de la littérature italienne, qui fut d’abord refusé par tous les éditeurs de son pays puis sauvé de l’oubli par une poignée d’amoureux transis, dont Frédéric Martin. En 2005, grâce à son acharnement au cœur des éditions Viviane Hamy, la résurrection française de « L’Art de la joie » de Goliarda Sapienza, traduit par Nathalie Castagné, devient un événement en librairies. En deux ans, il se vend 100 000 exemplaires et quinze traductions de ce merveilleux roman d’émancipation de 600 pages, écrit en 1967 et 1976 par une Sicilienne qui mourut dans la misère sans l’avoir vu publié. Réédité par le Tripode, il s’en écoulera de nouveau 115 000 copies rien que dans l’Hexagone et lancera la traduction de l’œuvre intégrale, qui se poursuit d’année en année.Dans ce deuxième épisode, Frédéric Martin raconte les coulisses de ce best-seller, son départ de chez Viviane Hamy avec l’arrogance d’un « enfant gâté », puis sa rencontre avec Benoît Virot et la naissance des éditions Attila. De 2009 à 2013, ce fabuleux tandem de bêtes de travail expérimente une idée du métier où l’éditeur « fait tout » (corrections, graphisme, attaché de presse, jusqu’au choix de la teinte et du grammage du papier), au service d’œuvres inclassables ressorties des limbes, signées Edgar Hilsenrath ou Jacques Abeille. Comme une sorte de prélude à l’aventure du Tripode. Enregistrements : janvier 23 - Entretien, découpage : Richard Gaitet - Prise de son : Samuel Hirsch - Montage, réalisation, mixage : Thomas Loupias - Musiques originales : Thomas Loupias, Samuel Hirsch - Lectures : Emma Bouvier, Elena Zenone - Illustration : Sylvain Cabot - Remerciements : Nina Stavisky, et le public du Palais de Tokyo - Production : ARTE Radio - Thomas Loupias, Samuel Hirsch
Un éditeur indépendant qui trace son sillon Bookmakers #23 - L'invité du mois : Frédéric MartinFils d’un marin et d’une ouvrière, enfant des quartiers nord de Marseille et des paysages tahitiens, Frédéric Martin, 48 ans, a fondé en 2012 les éditions Le Tripode. Cette petite maison indépendante basée à Paris (quatre salarié·e·s) compte parmi les plus respectées du milieu pour l’originalité de son catalogue, sa rigueur textuelle et la beauté graphique de ses ouvrages. « Je publie, dit-il, des auteurs très libres, presque anars, pas mondains. Très peu de Parisiens. Des chats sauvages. » Parmi près de 250 titres et environ 20 nouveautés par an, citons l’Estonien Andrus Kivirähk et son « Homme qui parlait la langue des serpents » (75 000 exemplaires vendus en France depuis 2013, Grand Prix de l’Imaginaire), Valérie Manteau (prix Renaudot 2018 pour « Le Sillon », 72 000 exemplaires vendus), Bérengère Cournut (prix du roman Fnac 2019 pour « De pierre et d’os », 150 000 exemplaires écoulés), et Mathieu Bélézi, lauréat 2022 du prix du journal Le Monde avec « Attaquer la terre et le soleil ». Ou encore : des peintures rares d’Hugo Pratt, les vers « luisants » de Brigitte Fontaine et les contes macabres d’Edward Gorey. Il se demande souvent : pourquoi publier quelque chose qui existe déjà ? Frédéric Martin (1/3)C’est l’heure de l’éditeur. Trois ans – pile – après la création de ce podcast, il était temps d’interroger en profondeur un « bookmaker », un vrai. Un « faiseur de livres », qui supervise toutes les étapes de leur fabrication, de la réception du manuscrit à l’arrivée en librairies. Qui de mieux, alors, pour prendre un peu de hauteur sur ces questions cruciales, qu’un éditeur autoproclamé « d’ovnis » ? Mais comment ce workaholic échevelé a-t-il appris son métier ? Quelles furent les leçons de sa première patronne, Viviane Hamy, pour laquelle il fut sept ans durant « l’homme à tout faire » des éditions du même nom ? Par quel hasard ce vendeur de « bombes à retardement », selon la formule de Francis Ponge, s’est-il choisi « pour mentor, pour papa » l’un des éditeurs les plus sulfureux d’après-guerre, Jean-Jacques Pauvert – auquel il emprunta cet autre mantra, qui sonne comme une mission : « Ouvrir un lieu d’asile aux esprits singuliers » ? C’est le sujet de ce premier épisode, qui trace le sillon. Enregistrements : janvier 23 - Entretien, découpage : Richard Gaitet - Prise de son : Samuel Hirsch - Montage, réalisation, mixage : Thomas Loupias - Musiques originales : Thomas Loupias, Samuel Hirsch - Lectures : Emma Bouvier, Elena Zenone - Illustration : Sylvain Cabot - Remerciements : Nina Stavisky et le public du Palais de Tokyo - Production : ARTE Radio - Thomas Loupias, Samuel Hirsch
Partie de chasse (aux trésors) Bookmakers #22 - L'auteur du mois : Pierre ChristinNé en 1938 à Saint-Mandé (Val-de-Marne), Pierre Christin est l’un des scénaristes majeurs de la bande dessinée européenne. Souvenons-nous, en premier lieu, de sa saga spatio-temporelle au rayonnement international : « Valérian et Laureline », avec les dessins intersidéraux de Jean-Claude Mézières, dès la fin des années 60. Puis des premiers albums exceptionnels d’Enki Bilal, de « La Croisière des oubliés » à « Partie de chasse », en passant par son préféré : « Les Phalanges de l’Ordre noir », sur la réunion d’anciens membres des Brigades internationales pour un dernier baroud d’honneur contre des terroristes chrétiens.Salué en 2019 du prix René-Goscinny pour l’ensemble de son œuvre, cet artisan du verbe et des situations, également journaliste et auteur de romans « très noirs, à charge contre une certaine classe politique française », qui fut une fois librettiste d’opéra, conserve une belle humilité vis-à-vis de sa fonction au royaume du 9e art : « Un super scénario offert à un dessinateur nul, ça donne une BD nulle ; un scénario faible dans les mains d’un grand dessinateur… ça donne une BD pas mal. » Pierre Christin (3/3)« Scénariste, c'est un métier merveilleux, beaucoup moins triste que d'être écrivain. Quand on écrit des romans, on s'emmerde comme un rat mort. Il y a trop de mots et… on est toujours tout seul. » Pierre Christin le dit souvent : son vrai métier, c’est journaliste. Parcourant le monde de long en large au gré des reportages, et créant à Bordeaux la première école publique et gratuite de journalisme, où il forma – et corrigea « ligne-à-ligne » – ses élèves pendant trente-cinq ans. Comment cette casquette de gratte-papier a-t-elle pesé sur ses récits de bande dessinée ? Selon son assistante, Stella Lory : « Pierre milite pour le mouvement, se déplacer sur les lieux de l’action (…) Il a une passion pour les lieux sans nom. Les banlieues sinistrées, les sites abandonnés, les plaines monotones des déserts. Les endroits considérés comme inintéressants sont les plus dignes d’intérêts pour lui, car sur eux rien n’a encore été dit. »Et c’est ainsi qu’une ferme isolée sans eau courante en Aveyron, entre Aurillac et Rodez, devient l’un de ses lieux d’écriture favoris. Il y récolte des histoires folkloriques, qui lui inspirent « Rumeurs sur le Rouergue », le premier album dessiné par le jeune Tardi (1972), préfigurant les combats altermondialistes de José Bové ou de Notre-Dame-des-Landes. La rencontre avec Enki Bilal le fait dévirer vers une sorte de « fantastique social », le temps d’un cycle de « légendes d’aujourd’hui » (1975-1983), mordantes et fascinantes – dont « Partie de chasse », qui anticipe la mise à mort du marxisme soviétique et la chute de l’URSS. Comment l’auteur d’« Agence Hardy » agence-t-il ses cases ? Lui qui voit ses scénar’ comme des « chiffons de papier, un document barbant » ? À qui une dame a dit un jour, en dédicace : « Et alors vous, vous rajoutez les textes dans les bulles, c’est ça » ? Ce sachem tranquille du 9e art, qui entend à chaque livre « faire surchauffer la réalité, par effet de loupe », dont la bibliothèque contient « absolument de tout, pour rester un minimum crédible » sur la faune, la flore, les armes, l'architecture, la génétique ou l'astronomie. Comment bosse cet « accumulateur d'amorces d'histoires, avec beaucoup d'idées nulles avortées », qui n’a jamais voulu devenir « un mercenaire du scénario » et qui planche encore sur au moins deux albums ? Gardons en tête ce conseil aux scénaristes en herbe : « Tu tergiverses pas ! Tu ouvres un putain de fichier et tu écris "Page 1". À un moment, faut arrêter de faire flop-flop dans le pédiluve. » Enregistrements : novembre-décembre 22 - Mise en ligne : janvier 2023 - Entretien, découpage : Richard Gaitet - Prise de son, montage : Sara Monimart, Baptiste Dupin - Réalisation, mixage : Charlie Marcelet - Musiques originales : Samuel Hirsch - Lectures : Emma Bouvier, Stella Defeyder, Arnaud Forest, Silvain Gire, Samuel Hirsch, Olivier Minot et le public du Palais de Tokyo - Illustration : Sylvain Cabot - Remerciements : Loo Hui Phang, Clarisse Le Gardien, Avril Tembouret et Kanari Films pour les propos de J.-C. Mézières tirés du documentaire « L’Histoire de la page 52 » - Samuel Hirsch
Valérian : chronologie, art, destin Bookmakers #22 - L'auteur du mois : Pierre ChristinNé en 1938 à Saint-Mandé (Val-de-Marne), Pierre Christin est l’un des scénaristes majeurs de la bande dessinée européenne. Souvenons-nous, en premier lieu, de sa saga spatio-temporelle au rayonnement international : « Valérian et Laureline », avec les dessins intersidéraux de Jean-Claude Mézières, dès la fin des années 60. Puis des premiers albums exceptionnels d’Enki Bilal, de « La Croisière des oubliés » à « Partie de chasse », en passant par son préféré : « Les Phalanges de l’Ordre noir », sur la réunion d’anciens membres des Brigades internationales pour un dernier baroud d’honneur contre des terroristes chrétiens.Salué en 2019 du prix René-Goscinny pour l’ensemble de son œuvre, cet artisan du verbe et des situations, également journaliste et auteur de romans « très noirs, à charge contre une certaine classe politique française », qui fut une fois librettiste d’opéra, conserve une belle humilité vis-à-vis de sa fonction au royaume du 9e art : « Un super scénario offert à un dessinateur nul, ça donne une BD nulle ; un scénario faible dans les mains d’un grand dessinateur… ça donne une BD pas mal. » Pierre Christin (2/3)Pour les fans de BD comme pour les chercheurs de la cosmo-université des astéroïdes de Shimballill, les aventures de « Valérian et Laureline » ont marqué l’Histoire. En 22 tomes déployés sur 1200 pages publiées aux éditions Dargaud, il s’agit de la plus longue saga à être restée entre les mains de ses créateurs originaux, Pierre Christin (scénario) et Jean-Claude Mézières (dessins), de l’album zéro intitulé « Les mauvais rêves » (1967) jusqu’au dernier tome de la série officielle, « L’Ouvretemps » (2010). Quatre décennies de boulot doux-dingue, dont l’intrigue court sur quarante siècles, au cours desquels voyage son duo merveilleux d’agents temporels.Classique de la science-fiction vendu à plus de trois millions d’exemplaires, exposé au Portugal ou au Québec, traduit en vingt langues de l’Islande à la Chine en passant par la Turquie, ce space opera monté sur ressorts, malicieux et pacifiste, auquel « Star Wars » a beaucoup piqué, réjouit toujours. Par l’abondance de ses « bestioles » et de ses couches narratives, par l’ampleur graphique impériale de ses mille planètes, par les couleurs d’Evelyne Tranlé, ou par la grâce intrépide de Laureline, héroïne en avance sur son temps, née d’un rêve forestier et des convictions féministes de Christin. Lequel constate : « Valérian n’est pas une bande dessinée facile à lire : il y a beaucoup de cases, de texte, des thèmes ambitieux, d’allusions... Et pas d’éternel combat du bien contre le mal, mâtiné de déchirements familiaux. » Avec son cher copain Mézières (disparu en janvier dernier), ils auront pourtant su offrir un pays aux étoiles, en subjuguant trois générations d’astronautes en culottes courtes, parmi lesquels Manu Larcenet, Christophe Blain, Charles Berberian ou Luc Besson. Tandis que le scribe galactique vient d’apporter un ultime point final à cette supernova via l’album « Là où naissent les histoires » (2022, avec les dessins de Virginie Augustin), grimpons illico à bord des vaisseaux de Pierre. Enregistrements : novembre-décembre 22 - Mise en ligne : janvier 2023 - Entretien, découpage : Richard Gaitet - Prise de son, montage : Sara Monimart, Baptiste Dupin - Réalisation, mixage : Charlie Marcelet - Musiques originales : Samuel Hirsch - Lectures : Emma Bouvier, Stella Defeyder, Arnaud Forest, Silvain Gire, Samuel Hirsch, Olivier Minot et le public du Palais de Tokyo - Illustration : Sylvain Cabot - Remerciements : Loo Hui Phang, Clarisse Le Gardien, Avril Tembouret et Kanari Films pour les propos de J.-C. Mézières tirés du documentaire « L’Histoire de la page 52 » - Samuel Hirsch
La croisière des souvenirs Bookmakers #22 - L'auteur du mois : Pierre ChristinNé en 1938 à Saint-Mandé (Val-de-Marne), Pierre Christin est l’un des scénaristes majeurs de la bande dessinée européenne. Souvenons-nous, en premier lieu, de sa saga spatio-temporelle au rayonnement international : « Valérian et Laureline », avec les dessins intersidéraux de Jean-Claude Mézières, dès la fin des années 60. Puis des premiers albums exceptionnels d’Enki Bilal, de « La Croisière des oubliés » à « Partie de chasse », en passant par son préféré : « Les Phalanges de l’Ordre noir », sur la réunion d’anciens membres des Brigades internationales pour un dernier baroud d’honneur contre des terroristes chrétiens.Salué en 2019 du prix René-Goscinny pour l’ensemble de son œuvre, cet artisan du verbe et des situations, également journaliste et auteur de romans « très noirs, à charge contre une certaine classe politique française », qui fut une fois librettiste d’opéra, conserve une belle humilité vis-à-vis de sa fonction au royaume du 9e art : « Un super scénario offert à un dessinateur nul, ça donne une BD nulle ; un scénario faible dans les mains d’un grand dessinateur… ça donne une BD pas mal. » Pierre Christin (1/3)Il aurait aimé avoir « cent vies, dans cent villes – et autant d'identités ». Pierre Christin, 84 ans, a préféré publier, le temps d’une seule existence, pas moins de cent livres ! L’essentiel se trouve au rayon bande dessinée, dont ce fiévreux disciple d’Alexandre Dumas fut – et demeure – l’un des scénaristes incontournables, aussi prolifique dans les galaxies de l’imaginaire que précis et consciencieux sur le plan politique. Lunettes sur le front, ce grand reporter et professeur de journalisme « entré en scénario en dilettante, par effraction » fut aussi dealer d’histoires pour Tardi, Boucq, Annie Goetzinger ou, plus récemment, Sébastien Verdier (via une fabuleuse biographie de son maître George Orwell, en 2019, écoulée à près de 25 000 exemplaires).Mais par quelle somme de hasards – et de rebondissements – ce fils de coiffeur de la banlieue parisienne, « miraculé de l’Education nationale », est-il arrivé jusqu’au légendaire journal « Pilote » ? Quels furent les conseils techniques des papas d’Astérix ou de Blueberry, René Goscinny et Jean-Michel Charlier ? « Scénariste, c'est l'art d'organiser les pièces du puzzle », selon lui. Dans ce premier épisode, tentons de remettre dans l’ordre la vie de ce manipulateur de marionnettes de papier, qui nous reçoit à domicile, généreux dans sa gouaille de titi parisien, en ouvrant sur nous les grands yeux bleus de son beau visage parcheminé. Enregistrements : novembre-décembre 22 - Mise en ligne : janvier 2023 - Entretien, découpage : Richard Gaitet - Prise de son, montage : Sara Monimart, Baptiste Dupin - Réalisation, mixage : Charlie Marcelet - Musiques originales : Samuel Hirsch - Lectures : Emma Bouvier, Stella Defeyder, Arnaud Forest, Silvain Gire, Samuel Hirsch, Olivier Minot et le public du Palais de Tokyo - Illustration : Sylvain Cabot - Remerciements : Loo Hui Phang, Clarisse Le Gardien, Avril Tembouret et Kanari Films pour les propos de J.-C. Mézières tirés du documentaire « L’Histoire de la page 52 » - Samuel Hirsch
Se souvenir de « Black-out » Bookmakers #21 - L’autrice du mois : Loo Hui Phang Née en 1974 au Laos, Loo Hui Phang est l’une des scénaristes les plus respectées de la bande dessinée franco-belge. Ses histoires dessinées par Frederik Peeters (« L’Odeur des garçons affamés ») ou Philippe Dupuy (« Les enfants pâles », « Nuages et pluie ») sont hantées par les thèmes de l'identité, du désir et de l'étrangeté. Lauréate en 2021 du prix Goscinny du scénario pour « Black-out » (dessiné par Hughes Micol, sur un acteur métis de l’âge d’or hollywoodien), elle a imaginé et coordonné en janvier 2022 une exposition exceptionnelle au festival international de la BD d’Angoulême : « Écrire est un métier », sur la profession de scénariste de BD. Également metteuse en scène, dramaturge et romancière, Loo Hui Phang vit et travaille à Bruxelles. Se souvenir de « Black-out » (3/3)En 1986, un an avant sa mort, l’icône hollywoodienne Rita Hayworth se souvient avec mélancolie d’un homme qu’elle aima follement. Seule dans son appartement, la star immortelle de « Gilda » estime que cet acteur charismatique en diable était, par la richesse unique de ses origines ethniques, « les Américains » à lui tout seul. Mais d’où vient Maximus Ohanzee Wildhorse, alias Maximus Wyld, héros maudit de la BD « Black-out » publiée en 2020 aux éditions Futuropolis, dessinée par Hugues Micol, dont l’histoire – dense, vénéneuse, mythologique – vaudra à Loo Hui Phang le prix Goscinny du scénario au festival d’Angoulême ? Quelle est la part de hasard dans une architecture narrative si rigoureusement boulonnée ? Comment s’organise économiquement la vie de l’autrice quand on sait qu’un album de cette qualité ne s’est vendu, malgré les honneurs, qu’à 3200 exemplaires ? Parmi ces honneurs, citons cette joie : suite au prix, Loo Hui Phang se vit confier la charge d’organiser une exposition au festival d’Angoulême 2022. Cela devint « Écrire est un métier », qui lui permit d’interroger trente-deux scénaristes internationaux sur leurs conditions de travail ; une sorte de « Bookmakers » géant, didactique, pour sensibiliser le public à ce job de l’ombre, si précieux, le plus précisément possible. Au sein des invités de cette exposition, se trouvait Pierre Christin, cocréateur cosmico-politique de la saga S.-F. « Valérian et Laureline », avec qui Loo écrit en ce moment une histoire surréaliste – par échange de notes vocales. Ce qui mérite de faire décoller notre vaisseau spécial vers la planète Christin, jusqu’à l’atelier du maître, en guise d’épilogue de ce troisième épisode. Enregistrement : octobre 22 - Texte, voix, entretien, découpage : Richard Gaitet - Prise de son, montage : Sara Monimart - Réalisation, mixage, musiques originales : Samuel Hirsch - Lectures : Emma Bouvier, Stella Defeyder, Samuel Hirsch, Charlie Marcelet - Illustration : Sylvain Cabot - Remerciements : Pierre Christin, Clarisse Le Gardie - Production : ARTE Radio - Samuel Hirsch
L’inconscient à la loupe Bookmakers #21 - L’autrice du mois : Loo Hui Phang Née en 1974 au Laos, Loo Hui Phang est l’une des scénaristes les plus respectées de la bande dessinée franco-belge. Ses histoires dessinées par Frederik Peeters (« L’Odeur des garçons affamés ») ou Philippe Dupuy (« Les enfants pâles », « Nuages et pluie ») sont hantées par les thèmes de l'identité, du désir et de l'étrangeté. Lauréate en 2021 du prix Goscinny du scénario pour « Black-out » (dessiné par Hughes Micol, sur un acteur métis de l’âge d’or hollywoodien), elle a imaginé et coordonné en janvier 2022 une exposition exceptionnelle au festival international de la BD d’Angoulême : « Écrire est un métier », sur la profession de scénariste de BD. Également metteuse en scène, dramaturge et romancière, Loo Hui Phang vit et travaille à Bruxelles. L’inconscient à la loupe (2/3)Loo Hui Phang se définit comme une « paresseuse contrariée », qui aimerait « passer ses journées au lit à bouquiner, mais il y a toujours des histoires à écrire ». Les siennes ont des désirs impérieux qui forcent à sortir du plumard, afin de prendre la plume – et elle n’est clairement pas là pour buller. Citons par exemple, au gré d’une quinzaine d’albums publiés : « Panorama » et « J’ai tué Geronimo », avec les dessins de Cédric Manche (Atrabile, 2004-2007), délirants dédales fantasmatiques propices à des rêveries lynchiennes ; « L'Odeur des garçons affamés », mis en images par Frederik Peeters (Casterman, 2016), troublant détournement des codes hétéronormés du western, vendu à 18 000 exemplaires ; « Les enfants pâles », extraordinaire roman graphique dans une Europe dévastée par la famine, avec Philippe Dupuy (Futuropolis, 2012), qui ne s’écoule, lui, qu’à 633 copies ; « Nuages et pluie », conte vampirique dans l'Indochine des années 20, toujours avec Dupuy (Futuropolis, 2016) ; en attendant « Oliphant », errance en terre polaire aux frontières de la folie, avec Benjamin Bachelier (prévu pour mars 2023, Futuropolis). Ses partenaires sont prestigieux, mais Loo le confesse avec fierté, plaisir, panache : son « principal collaborateur », c’est son inconscient. La conteuse se documente à outrance puis, au moment de s’y mettre : « J'oublie tout et je me laisse guider par l'intuition, explique-t-elle. C'est un peu comme préparer un voyage : je lis plein de guides, je boucle ma valise mais au moment de partir, je me balade les mains dans les poches, et si possible, je me perds. » Plongeons tout au fond de son fleuve mental pour tenter, dans ce deuxième épisode, de comprendre la méthode de Loo pour accoucher de tant de livres chelous. Enregistrement : octobre 22 - Texte, voix, entretien, découpage : Richard Gaitet - Prise de son, montage : Sara Monimart - Réalisation, mixage, musiques originales : Samuel Hirsch - Lectures : Emma Bouvier, Stella Defeyder, Samuel Hirsch, Charlie Marcelet - Illustration : Sylvain Cabot - Remerciements : Pierre Christin, Clarisse Le Gardie - Production : ARTE Radio - Samuel Hirsch
Loo du fleuve Bookmakers #21 - L’autrice du mois : Loo Hui PhangNée en 1974 au Laos, Loo Hui Phang est l’une des scénaristes les plus respectées de la bande dessinée franco-belge. Ses histoires dessinées par Frederik Peeters (« L’Odeur des garçons affamés ») ou Philippe Dupuy (« Les enfants pâles », « Nuages et pluie ») sont hantées par les thèmes de l'identité, du désir et de l'étrangeté. Lauréate en 2021 du prix Goscinny du scénario pour « Black-out » (dessiné par Hughes Micol, sur un acteur métis de l’âge d’or hollywoodien), elle a imaginé et coordonné en janvier 2022 une exposition exceptionnelle au festival international de la BD d’Angoulême : « Écrire est un métier », sur la profession de scénariste de BD. Également metteuse en scène, dramaturge et romancière, Loo Hui Phang vit et travaille à Bruxelles. Loo du fleuve (1/3)Ses histoires sont peuplées de fantômes ou de personnages moralement ou sexuellement « ambigus », capables à tout moment de faire dévier le cours du récit – et nous emporter tel un fleuve en furie. Née sur les bords du Mékong en 1974, fuyant les khmers rouges avec sa famille, Loo Hui Phang étudia d’abord les lettres et le cinéma en Normandie. Bouleversée par une biographie de François Truffaut, formée à l’art du scénario par l’une des plus proches collaboratrices de celui-ci, et sommée de venir à Paris par Jean-Pierre Léaud en personne, celle qui aimerait être « hermaphrodite : un mélange d’Arthur Rimbaud et de Marguerite Duras » arrive à la bande dessinée « par accident », en 1999. Depuis « La minute de bonheur », illustrée par Jean-Pierre Duffour aux éditions L’Association, on guette avec fougue, oui, les albums de Loo Hui Phang, qu’on peine à faire rentrer dans une case. Car quand elle n’écrit pas pour le 9e art, cette artiste du « frottement entre les genres », qui adore quand la BD « s’accouple » avec d’autres formes d’expression, met en scène des spectacles avec Bertrand Belin ou Rodolphe Burger, tourne un clip pour Moriarty, revisite son passé dans un bref premier roman sensuel nommé « L’Imprudence » (en clin d’œil à Bashung), adapte Houellebecq en court-métrage avec Melvil Poupaud et Kad & Olivier, ou part en Arizona filmer les drag-queens mexicaines. « Changer de territoire, interroger les limites... émanent de l’exil qui a fait bifurquer ma vie », dit-elle. Dans ce premier épisode, promenons-nous avec Loo dans les sillons fertiles de ses bifurcations. Enregistrement : octobre 22 - Texte, voix, entretien, découpage : Richard Gaitet - Prise de son, montage : Sara Monimart - Réalisation, mixage, musiques originales : Samuel Hirsch - Lectures : Emma Bouvier, Stella Defeyder, Samuel Hirsch, Charlie Marcelet - Illustration : Sylvain Cabot - Remerciements : Pierre Christin, Clarisse Le Gardie - Production : ARTE Radio - Samuel Hirsch
La version scénique de Bookmakers Enregistrée à la Villa Gillet de Lyon lors de la seconde édition du festival « Littérature Live », cette version scénique de « Bookmakers » prend le pari de réunir les 16 premie.è.r.e.s invité.e.s du podcast grâce à un habile re-montage de leurs propos. Résultat : une super-master-class pour évoquer en 90 minutes l’essentiel des questions à se poser quand on veut écrire un roman, de l’éveil de la vocation à la signature du contrat. Avant, pendant et après l’écriture. Trois parties, trois chapitres, le temps d’une conversation susceptible d'éclairer la célèbre phrase attribuée à William Faulkner (qu’il n’a ni écrite, ni prononcée) : « Écrire, c'est comme craquer une allumette au cœur de la nuit, au beau milieu d'un bois. La littérature ne sert pas à mieux voir. Seulement à mesurer l'épaisseur de l’obscurité. » En présence imaginaire de : Philippe Jaenada, Alice Zeniter, Delphine de Vigan, Tristan Garcia, Chloé Delaume, Dany Laferrière, Lola Lafon, Nicolas Mathieu, Marie Desplechin, Pierre Jourde, Sylvain Prudhomme, Alain Damasio, Hervé Le Tellier, Sophie Divry, Lydie Salvayre et Bayon. (Spectacle créé à Brest, en janvier 2022, lors du festival Longueur d’Ondes.) En partenariat avec Babelio. Enregistrement : 22 mai 22 - Entretiens, présentation, lectures : Richard Gaitet - Prises de son, montage : Sara Monimart - Réalisation, régie : Charlie Marcelet, Baptiste Dupin, Sahar Pirouz - Musiques originales et mixage : Samuel Hirsch - Conception et mise en scène : Richard Gaitet, Charlie Marcelet, Samuel Hirsch - Illustration : Sylvain Cabot - Production : ARTE Radio - Remerciements : aux équipes lyonnaises du festival « Littérature Live » et de la Villa Gillet - Samuel Hirsch
Sa mémoire n’est plus un secret Bookmakers #20 - L’auteur du mois : Mohamed Mbougar SarrNé à Dakar en 1990, Mohamed Mbougar Sarr est devenu – en 2021 et à 31 ans – le premier écrivain d’Afrique subsaharienne consacré par le plus prestigieux des prix littéraires français, le Goncourt, pour « La plus secrète mémoire des hommes », enquête au long cours et labyrinthe narratif enivrant, inspiré par le destin tragique du Malien Yambo Ouologuem (éditions Jimsaan / Philippe Rey). Mais avant le succès, ce wonderboy des lettres africaines était déjà l’auteur de trois romans diablement maîtrisés, aux sujets casse-gueule : « Terre ceinte » (2015, sur les milices djihadistes), « Silence du chœur » (2017, sur l’accueil de 72 migrants en Sicile) et « De purs hommes » (2018, sur l’homophobie au Sénégal). Il vit et travaille aujourd'hui à Beauvais (Oise). En partenariat avec Babelio. Sa mémoire n’est plus un secret (3/3)« Je vais te donner un conseil : n’essaie jamais de dire de quoi parle un grand livre. Ou, si tu le fais, voici la seule réponse possible : rien. Un grand livre ne parle jamais que de rien, et pourtant tout y est. » Dans « La plus secrète mémoire des hommes », un jeune écrivain sénégalais, Diégane Latyr Faye, « doctorant fainéant écrasé par ses modèles », découvre à Paris, à la faveur d’une rencontre érotique, un roman légendaire « qui tient de la cathédrale et de l’arène ». Ce livre dans le livre s’intitule « Le Labyrinthe de l’inhumain », signé dans les années 30 par l’énigmatique T. C. Elimane qui, vite épuisé par les scandales que son chef-d’œuvre suscite, choisit d’arrêter d’écrire puis de « s’enfoncer dans la nuit » en disparaissant, purement mais pas du tout simplement. D’Amsterdam à Buenos Aires, de Dakar à Saint-Germain-des-Prés, Diégane mène l’enquête – quitte à se perdre dans une toile d’araignée existentielle. À charge pour lui « d’élucider » le secret de la comète Elimane, accusé de plagiat. Conjointement publié à la rentrée 2021 par deux éditeurs indépendants, les Sénégalais de Jimsaan et le Français Philippe Rey, ce roman d’initiation de 500 pages rédigées sans plan, d’une originalité folle, héritier des dédales de Borges, Gombrowicz ou Bolaño (auquel il emprunte son titre), convoque plusieurs genres : « la geste griotique, le récit historique, le rapport ethnologique, mêlés dans un plaisir très gourmand de la narration ». Joyeux ou graves, pleins de mystique et d’ironie, les récits s’enchâssent, du journal intime aux articles universitaires, à coups de « frottements » ou de phrases qui courent parfois sur huit pages. Critiques et libraires sont unanimes. « La plus secrète mémoire des hommes » décroche le Goncourt et s’écoule à près de 500 000 exemplaires. Gloire à Mbougar Sarr, dont l’art paraît déjà si sûr. Dans ce troisième et dernier épisode, écoutons l’auteur raviver sa mémoire, lui pour qui l’écrivain « est un navigateur du Temps », lui qui semble bien là pour durer. Enregistrement : mai 22 - Texte, voix, entretien, découpage : Richard Gaitet - Prise de son, montage : Sara Monimart - Réalisation, mixage : Charlie Marcelet - Musiques originales : Samuel Hirsch - Illustration : Sylvain Cabot - Remerciements : Gloria Saltel, Clarisse Le Gardien - Production : ARTE Radio - Samuel Hirsch
La fierté Gueye d'un Goncourt africain Bookmakers #20 - L’auteur du mois : Mohamed Mbougar SarrNé à Dakar en 1990, Mohamed Mbougar Sarr est devenu – en 2021 et à 31 ans – le premier écrivain d’Afrique subsaharienne consacré par le plus prestigieux des prix littéraires français, le Goncourt, pour « La plus secrète mémoire des hommes », enquête au long cours et labyrinthe narratif enivrant, inspiré par le destin tragique du Malien Yambo Ouologuem (éditions Jimsaan / Philippe Rey). Mais avant le succès, ce wonderboy des lettres africaines était déjà l’auteur de trois romans diablement maîtrisés, aux sujets casse-gueule : « Terre ceinte » (2015, sur les milices djihadistes), « Silence du chœur » (2017, sur l’accueil de 72 migrants en Sicile) et « De purs hommes » (2018, sur l’homophobie au Sénégal). Il vit et travaille aujourd'hui à Beauvais (Oise). En partenariat avec Babelio. La fierté Gueye (2/3)Son principal trait de caractère est d’être « patient » et « ancré sur Terre ». Mohamed Mbougar Sarr a songé, ces dernières années, à écrire un hommage à son dieu en ce bas-monde (Zinedine Zidane), mais aussi à écrire une biographie de Dieu, le vrai, celui des cieux, « en forme d’introspection-bilan, sur sa tristesse et sa solitude ». « Si Dieu existe, dit-il, je m’interroge : dans quel état est-Il ? Sa solitude comme Sa tristesse est sans doute plus forte que celle des hommes. Pour préserver Sa santé mentale, Dieu s’est bouché les tympans et s’est tourné vers autre chose depuis très longtemps. » L’auteur a, à ce jour, renoncé à ce livre, « car ce serait très provocateur – et je ne suis pas un provocateur ». Les sujets de ses trois premiers romans, écrits et publiés entre 2012 et 2018, n’ont pourtant rien de particulièrement lisse. Il y aura d’abord sa tentative de « prendre à bras-le-corps une Histoire en cours », via le remarquable « Terre ceinte », en partie inspiré par « L’Armée des ombres » de Kessel et centré sur la résistance d’un village africain à la tyrannie du djihadisme. Un séjour en Sicile fait ensuite naître en lui l’ambitieux « Silence du chœur », sur « les échos faibles » des réfugiés qui traversent la Méditerranée à leurs risques et périls, le racisme ordinaire, la solidarité humanitaire, les « bons » et les « mauvais migrants ». Suivra enfin le très bref et courageux « De purs hommes », qui dénonce l’homophobie quotidienne institutionnalisée au Sénégal à travers les yeux grands ouverts d’un jeune professeur de lettres, Ndéné Gueye. L’ouvrage déclenchera tardivement une polémique qui colle encore aux baskets de l’écrivain. Trois livres de son temps pour « défier la réalité », trois livres vendus à moins de 3000 exemplaires à leur sortie aux éditions Présence Africaine puis Jimsaan / Philippe Rey, qui sont décortiqués dans ce deuxième épisode, à la lumière de cette profession de foi, que M. M. S. formula un matin sur France Inter : « Que la violence soit devenue la langue la plus audible ne signifie pas qu’elle doive demeurer la plus entendable. (…) Essayons (…), le courage au ventre, de trouver d’autres phrases, d’exhumer des phrases de soie sous les phrases de fer, de nous enfoncer dans l’ombre des phrases à la recherche des phrases d’ombre – celles qui protègent du feu, dût-on d’abord y aller pour les en tirer, ou les y forger. » Enregistrement : mai 22 - Texte, voix, entretien, découpage : Richard Gaitet - Prise de son, montage : Sara Monimart - Réalisation, mixage : Charlie Marcelet - Musiques originales : Samuel Hirsch - Illustration : Sylvain Cabot - Remerciements : Gloria Saltel, Clarisse Le Gardien - Production : ARTE Radio - Samuel Hirsch
Premier écrivain d’Afrique subsaharienne lauréat du Goncourt, Mohamed compte triple Bookmakers #20 - L’auteur du mois : Mohamed Mbougar SarrNé à Dakar en 1990, Mohamed Mbougar Sarr est devenu – en 2021 et à 31 ans – le premier écrivain d’Afrique subsaharienne consacré par le plus prestigieux des prix littéraires français, le Goncourt, pour « La plus secrète mémoire des hommes », enquête au long cours et labyrinthe narratif enivrant, inspiré par le destin tragique du Malien Yambo Ouologuem (éditions Jimsaan / Philippe Rey). Mais avant le succès, ce wonderboy des lettres africaines était déjà l’auteur de trois romans diablement maîtrisés, aux sujets casse-gueule : « Terre ceinte » (2015, sur les milices djihadistes), « Silence du chœur » (2017, sur l’accueil de 72 migrants en Sicile) et « De purs hommes » (2018, sur l’homophobie au Sénégal). Il vit et travaille aujourd'hui à Beauvais (Oise). En partenariat avec Babelio. Mohamed compte triple (1/3)« Il faut surveiller ce petit. » En 2014, Léonora Miano lit « La Cale », l’une des premières nouvelles d’un écrivain sénégalais de 24 ans. Frappée par la justesse de cette évocation des horreurs de la traite négrière qu’on croirait échappée d’un recueil de Conrad, la romancière franco-camerounaise formule un avertissement qui a l’épaisseur, aujourd’hui, d’une prophétie. Il fallait garder un œil, oh que oui, sur Mohamed Mbougar Sarr, fils de médecin, fan de foot et champion de Scrabble, dévoreur de dictionnaires, « fruit du croisement » d’au moins deux spiritualités : d’un côté, sa culture musulmane, de l’autre la culture sérère de son enfance, du nom de cette ethnie qui rassemble environ 20 % de la population du Sénégal. Un peuple essentiellement agricole, dit-il, « structuré autour d’une tradition animiste liée aux rites de passage et attentive aux ancêtres, au prochain, à l’hospitalité ». Mais qui est donc ce jeune vieux sage à l’éloquence élégante, que la France découvre en novembre 2021 – lorsque celui-ci reçoit, à 31 ans, le Goncourt pour son quatrième roman, « La plus secrète mémoire des hommes » ? Quel fut le parcours de ce modeste étudiant qui parle, depuis ses 6 ans, le sérère, le wolof (langue vernaculaire du Sénégal) et le français ? « Lorsque j’écris, explique-t-il, je dois transposer en français l’imaginaire de ma langue maternelle. Je ne traduis pas d’une langue à l’autre, mais d’un imaginaire à l’autre. Je reste donc un étranger dans la langue française, qui est un héritage de la colonisation – ce qui peut mettre très mal à l’aise. Plutôt que d’en faire une difficulté, j’ai décidé d’assumer cette condition : une aventure ambiguë », conclue-t-il, en reprenant le titre du grand roman d’un maître et compatriote, Cheikh Hamidou Kane. Dans ce premier épisode, partons à l’aventure dans les ambigüités fertiles de Mohamed Mbougar Sarr, du pagne de ses grands-mères à la bibliothèque du lycée militaire de Saint-Louis, jusqu’à son arrivée dans l’Oise, sa thèse abandonnée sur les débuts de la littérature postcoloniale en Afrique francophone, et… un blog, qui fut la serre de sa vocation, la serre de Sarr. Enregistrement : mai 22 - Texte, voix, entretien, découpage : Richard Gaitet - Prise de son, montage : Sara Monimart - Réalisation, mixage : Charlie Marcelet - Musiques originales : Samuel Hirsch - Illustration : Sylvain Cabot - Remerciements : Gloria Saltel, Clarisse Le Gardien - Production : ARTE Radio - Samuel Hirsch
La nuit elle ment Bookmakers #19 - L’autrice du mois : Jakuta AlikavazovicNée à Paris en 1979, Jakuta Alikavazovic est une romancière multirécidiviste suspectée à juste titre de détournements d’attention, de trafic d’énigmes et de corruption d’imaginaires. Elle a reçu en 2008 le Goncourt du premier roman pour « Corps volatils » (L’Olivier) et, en 2021, le prix Médicis de l’essai pour « Comme un ciel en nous » (Stock). Elle a aussi publié d’habiles romans pour la jeunesse et une histoire d’amour inoubliable, « L’Avancée de la nuit ». Mais qui est donc cette érudite « d’un naturel inquiet », souvent vêtue d’un imperméable de détective privé, pour qui « internet est l’ennemi juré de l’écriture », par ailleurs chroniqueuse enjouée pour « Libération » et traductrice anglophone d’Eve Babitz ou de David Forster Wallace ? Pour le savoir, y a qu’à écouter Jakuta. En partenariat avec Babelio. (3/3) La nuit elle mentC’est une histoire d’amour extraordinaire et, au moins pour l’une des deux personnes concernées, très compliquée. À Paris, Paul, dix-huit ans, réceptionniste et étudiant en architecture ayant « coupé les ponts » avec son modeste milieu d’origine, comble un ennui existentiel par quelques « étreintes évasives dans les escaliers de secours ». Une nuit, il rencontre Amélia Dehr, riche héritière de la chaîne d’hôtels qui l’emploie. Panique totale, et début d’une romance brûlante longue durée. « Elle était de ces gens qui détruisent tout et appellent ça de l’art. » Amélia choisira de s’en aller dans ces Balkans « à peine pacifiés » à la recherche de sa mère, Nadia, praticienne d’une poésie à vocation documentaire, partie dans les ruines de la guerre en ex-Yougoslavie pour essayer d’exprimer, par fragments, l’épuration ethnique, la torture, les crimes de masse. Paul tentera de survivre à cette absence, à sa manière. Publié en 2017 aux éditions de L’Olivier, « L’Avancée de la nuit » a pour racine l’un des silences de la mère de Jakuta Alikavazovic : sa décision d’arrêter d’écrire. « Le silence est un organisme. Il est vivant et il s'infiltre », lit-on dans ce roman fort maîtrisé sur « les secousses sismiques » des traumatismes familiaux. « La fiction représente la distance juste, qui permet de voir. Comme un instrument d'optique », dit l’autrice à propos de cette tragédie intime qui flirte avec l’anticipation, via des puces de surveillance et des voitures sans chauffeur. Retenu sur les listes du prix littéraire du Monde, du Médicis, du Femina et du Livre Inter, salué comme la « révélation française de l’année » par le magazine Lire, « L’Avancée de la nuit » s’est seulement écoulé à 5800 exemplaires. Il se pourrait que cela change. Récemment traduit aux Etats-Unis, il a été applaudi par l’écrivaine britannique Deborah Levy pour « sa profondeur tenace », qui « met en lumière nos blessures individuelles et collectives, sans jamais dépouiller ses personnages de leurs défauts ni de leurs zones d'ombre ». Il est l'heure de plonger dans la nuit. Enregistrement : avril 22 - Texte, voix, entretien, découpage : Richard Gaitet - Prise de son, montage : Sara Monimart - Réalisation, mixage : Charlie Marcelet - Lectures : Chloé Assous-Plunian, Arnaud Forest, Richard Gaitet, Silvain Gire - Musiques originales : Samuel Hirsch - Clavier, chant : Eve Girard - Illustration : Sylvain Cabot - Production : ARTE Radio - Musiques originales : Samuel Hirsch - Clavier, chant : Eve Girard