L'Épopée des musiques noires

RFI

About

Blues, Gospel, Negro Spirituals, Jazz, Rhythm & Blues, Soul, Funk, Rap, Reggae, Rock’n’Roll… l’actualité de la musique fait rejaillir des instants d’histoire vécus par la communauté noire au fil des siècles. Des moments cruciaux qui ont déterminé la place du peuple noir dans notre inconscient collectif, une place prépondérante, essentielle, universelle ! Chaque semaine, L’épopée des musiques noires réhabilite l’une des formes d’expression les plus vibrantes et sincères du 20ème siècle : La Black Music !   À partir d’archives sonores, d’interviews d’artistes, de producteurs, de musicologues, Joe Farmer donne des couleurs aux musiques d’hier et d’aujourd’hui. Réalisation : Nathalie Laporte. *** Diffusions le samedi à 13h30 TU vers toutes cibles et à 20h30 TU sur RFI Afrique (Programme Haoussa) ; le dimanche à 16h30 TU sur RFI Afrique (Programme lusophone), le dimanche à 21h30 TU vers toutes cibles et le Lundi à 02h30 TU vers toutes cibles. En heure de Paris (TU +1). *** À partir du 31 mars 2024 : le samedi à 13h30 TU vers toutes cibles, le samedi à 20h30 TU sur RFI Afrique (Programme haoussa), le dimanche à 16h30 TU vers l'Afrique Lusophone et Prague, le dimanche à 21h30 TU et lundi à 02h30 TU vers toutes cibles. En heure de Paris (TU +2)

Available on

Community

170 episodes

José James se souvient de 1978

1978 fut un bon cru. Le chanteur américain José James en est convaincu. Cette année-là, Prince publiait son premier album, George Clinton faisait scintiller Funkadelic, Fela Kuti devenait un incontournable agitateur, les Jackson croyaient en leur avenir… Cette année-là, José James vit le jour et l’humeur musicale qui accompagna son enfance continue de l’inspirer. Alors que nous nous apprêtons à saluer la mémoire de Marvin Gaye, disparu il y a 40 ans, José James se fait l’écho des riches années 70 quand l’esprit créatif de ses aînés épousait les tribulations du monde. José James reconnaît volontiers sa propension à célébrer le patrimoine afro-américain historique. Ses hommages appuyés à Billie Holiday ou Bill Withers lui ont valu ces dernières années les éloges de ses contemporains. En s’intéressant à l’année 1978, il s’autorise la relecture d’une époque faste durant laquelle les soubresauts de la planète avaient insufflé un esprit de concorde salvateur. Tout n’était pas rose mais l’intention pacifiste des artistes d’alors semblait éloigner les velléités guerrières. L’intention « Peace & Love » cherchait à prolonger le discours des grands orateurs disparus. José James veut imprimer cette humeur positive dans son répertoire. En revitalisant la musicalité de ses héros d’antan, il ressuscite la fraîcheur musicale d’une génération naïve qui croyait en un avenir radieux. Pour autant, José James n’est pas dupe. Il sait que les défis sont nombreux et le devoir impérieux de faire face aux obstacles ne doit pas être négligé. En faisant allusion à l’assassinat de George Floyd en mai 2020 à Minneapolis, en rendant hommage au jeune Trayvon Martin, tué par balle, en février 2012 en Floride, il affiche son activisme face aux exactions racistes toujours violentes aux États-Unis. Le sort de la communauté noire outre-Atlantique le concerne. Après avoir fait des recherches poussées sur son identité originelle, José James a découvert que ses racines paternelles ancestrales se trouvaient en Angola au sein du peuple Mbundu. La source maternelle de son être provient de ses aïeux irlandais. Cette révélation a éclairé son cheminement personnel et artistique. José James est, comme nombre d’Américains, le fruit d’un métissage provoqué par les drames de l’esclavage. Cet effort de réappropriation culturelle est un processus long auquel José James se soumet avec candeur. Choisir son année de naissance comme axe central de son nouvel album n’est pas anodin. C’est l’expression d’une quête qui le ramène à sa prime jeunesse quand se dessinaient les contours de sa vie d’adulte. C’était le temps des enthousiasmes, des premiers revers, des apprentissages et des décisions. 1978 fut un bon cru. José James le revendique et le martèle. Il est un enfant de cette force de persuasion crédule qui imaginait un monde pétri de bonnes intentions. La musique a peut-être cette vertu. Rêvons un peu et voyageons avec nostalgie dans les méandres du passé. José James sera présent en Europe au mois de mai et juin 2024. Il se produira notamment le 29 mai à Paris au New Morning. ► Le site de JOSÉ JAMES https://www.josejamesmusic.com.

29m
Mar 28, 2024
L’authenticité malgache de Rajery

Du 28 au 31 mars 2024, le « Nosy Boraha Jazz Festival » de Sainte-Marie à Madagascar promet d’insuffler un esprit de paix universelle et de promouvoir les échanges interculturels. De nombreux musiciens venus des quatre coins de la planète (Bénin, Canada, Brésil, Belgique, France) feront scintiller ces 4 jours de fête multicolore. Le « Prince de la Valiha », Rajery, sera la tête d’affiche de cette 5ème édition. Il nous parle, depuis Antananarivo, de ce rendez-vous austral et musical qui épouse ses convictions d’homme de cœur. Souvenez-vous… Il y a 25 ans, un jeune musicien malgache rencontrait le public français grâce à Christian Mousset, fondateur des « Musiques Métisses » d’Angoulême. Depuis ce brillant instrumentiste est devenu une référence, un artiste engagé qui milite pour la préservation de son patrimoine, pour une prise de conscience environnementale et pour la défense des cultures insulaires. Rajery est un citoyen attaché aux traditions, attentif à l’évolution de ses racines ancestrales dont il redoute l’altération. Autodidacte, il sait que les années de jeunesse sont les plus formatrices. Alors, il veille au développement artistique de la génération montante en inscrivant son action d’éducateur dans une forme de musicothérapie instructive. Bien que la source de son inspiration ait façonné son identité, Rajery ne s’interdit jamais de jouer avec les accents mélodiques de ses contemporains. Ainsi, dès 2006, il avait entamé une conversation musicale très riche avec le virtuose de la kora, Ballaké Sissoko et le maître du Oud, Driss El Maloumi. Les 3MA (Maroc, Mali, Madagascar) furent longtemps inséparables au point d’enregistrer deux albums en 2008 et 2017. Les voyages, les tournées, les expériences diverses et variées à travers la planète, ont donné de la valeur à ce cheminement progressif. À bientôt 60 ans, Rajery est, pour nombre de ses admirateurs, devenu cet ambassadeur des hauts-plateaux de Merina. Est-il désormais un sage que l’on vient consulter ? Peut-être… Son activisme social épouse, en tous cas, l’intention du « Nosy Boraha Jazz Festival » qui encourage l’artisanat local, qui refuse les discriminations et prône l’entente fraternelle entre les peuples du monde entier. La musique étant un vocabulaire immédiatement compréhensible, elle ne peut qu’accompagner les efforts des bonnes âmes à redéfinir nos priorités. Rajery fait partie de cette famille bienveillante qui œuvre quotidiennement pour le bien commun. Nul doute que les différentes prestations programmées durant la 5eme édition de ce festival en devenir sauront convaincre les spectateurs et leur donner l’envie de s’impliquer à leur tour. Cet élan participatif sera la meilleure récompense pour les organisateurs du « Nosy Boraha Jazz Festival ». ► LE NOSY BORAHA JAZZ FESTIVAL https://www.nosyjazzfestival.com.

29m
Mar 21, 2024
Tutu Puoane, la poésie musicale sud-africaine

La notoriété de la chanteuse sud-africaine Tutu Puoane n’a cessé de croître au fil des années. Installée en Belgique depuis 20 ans, elle n’oublie pas, pour autant, ses racines australes. En lisant les poèmes de sa consœur et compatriote Lebogang Mashile, elle a subitement ressenti le besoin de se rapprocher de son histoire et de son identité originelle.  est le fruit savoureux de cette introspection nécessaire. Née à Atteridgeville, non loin de Pretoria, en 1979, Tutu Puoane a ressenti durant toute son enfance la pression sociale exercée par le régime d’Apartheid mais elle a également vu son pays natal se transformer et accéder à la démocratie sous l’impulsion du président Mandela. Elle comprit très tôt que résister aux revers, aux brimades, aux humiliations et croire en un avenir meilleur était la seule voie d’espérance. La force de caractère de ses aînées l’ont profondément marquée et encouragée à défier l’inéluctable. À travers ses nombreuses activités artistiques, Tutu Puoane a appris à exprimer ses tourments et ses convictions. Au théâtre, elle a salué la mémoire de Winnie Mandela et Miriam Makeba. Sur disque, elle a revitalisé le discours de Nina Simone, Billie Holiday ou Abbey Lincoln. Tutu Puoane est une gracieuse activiste qui défend un idéal humaniste essentiel face aux velléités guerrières de plus en plus manifestes. Sa participation aux travaux du collectif « Black Lives – From Generation To Generation » est une nouvelle affirmation de son engagement citoyen. L’intention de cette formation musicale à géométrie variable est de nourrir l’esprit de partage et de tolérance qui fait si souvent défaut dans nos interactions quotidiennes. Nous avons tous un rôle à jouer dans ce monde bousculé par des soubresauts inquiétants. Tutu Puoane fait le vœu d’agir et de convaincre. Elle appartient, comme chacun d’entre nous, à la communauté planétaire. Elle épouse d’ailleurs avec pertinence et légitimité la philosophie de ses compagnons de route dont le prochain album, , appellera à un sursaut universaliste. Sur scène ou en studio, Tutu Puoane est une voix qui compte. Larry Klein ne s’y est pas trompé en accompagnant la conception de . Ce producteur fameux a déjà magnifié les voix de Tracy Chapman, Lizz Wright ou Joni Mitchell, entre autres. Il a su déceler la solidité narrative de Tutu Puoane et sa délicate poésie vocale. Nul doute que ce répertoire touchera les âmes sensibles et créditera les efforts de concorde internationale. Tutu Puoane portera cette parole indispensable tout au long du printemps 2024 en Europe et, notamment, à Paris, le 31 mai, lors d’un concert programmé au Son de la Terre, un nouveau club installé sur la Seine à deux pas de la Cathédrale Notre-Dame. Tutu Puoane se produira, par ailleurs, en avril 2024 en compagnie de ses camarades du collectif « Black Lives – From Generation To Generation » en Suisse, Pologne et en France, notamment à Paris au New Morning. ► Le site de JAMMINCOLORS https://www.jammincolors.com ► Le site de TUTU PUOANE https://www.tutupuoanemusic.com ► Facebook du COLLECTIF « BLACK LIVES – FROM GENERATION TO GENERATION » https://www.facebook.com/blacklivesfromgenerationtogeneration/.

29m
Mar 14, 2024
La verve blues du vétéran Bobby Rush

Bobby Rush naquit, dit-il, le 10 novembre 1933 à Homer en Louisiane. Sa destinée épouse l’histoire afro-américaine au XXè siècle. Contraint de vivre de petits boulots dès sa plus tendre enfance, privé d’une scolarité normale, malmené par la ségrégation raciale, il a résisté en jouant le blues avec ferveur et vigueur pendant des décennies. Il lui faudra attendre son 83è anniversaire pour qu’enfin un prix prestigieux le hisse au rang des grandes figures de . Il reçoit ce premier Grammy Award en 2017 et, depuis, ne cesse de narrer son aventure humaine. À 90 ans, il est la mémoire du peuple noir. La verve de ce fringant nonagénaire n’est jamais feinte. Son discours de vérité nous rappelle combien le quotidien des musiciens africains-américains fut autrefois périlleux. Contemporain de B.B King, Muddy Waters, Howlin’ Wolf ou John Lee Hooker, il ne fanfaronne pourtant pas quand ses souvenirs refont surface et le poussent à honorer ses chaperons. Il a conscience d’être l’un des derniers porte-paroles de ces pionniers du blues qui inventaient une forme d’expression fondatrice. Bobby Rush, au micro de Joe Farmer : * > «    Bobby Rush est un vétéran du blues intarissable qui a vécu le racisme institutionnalisé aux États-Unis et fut le témoin des grands mouvements de contestation. Dans les années 60, alors que le pasteur Martin Luther King tentait de faire évoluer la société et les consciences, Bobby Rush agissait à son modeste niveau pour accompagner les appels à la tolérance et à l’égalité. «   (Bobby Rush sur RFI) Désormais auréolé de trois Grammy Awards et de seize Blues Music Awards, Bobby Rush s’autorise à dénoncer certaines injustices même s’il reconnaît humblement que ses mots n’auront que peu d’impact sur l’évolution des mœurs. Il se plaît cependant à imaginer que ses déclarations resteront gravées dans notre mémoire et que le temps fera son œuvre. Son dernier album en date, , est une invitation à célébrer l’amour plutôt qu’à nourrir indéfiniment l’esprit guerrier. Qu’il soit entendu !  ► LE SITE DE BOBBY RUSH https://www.bobbyrushbluesman.com.

29m
Mar 07, 2024
1984-2024, Banlieues Bleues a 40 ans !

En Seine-Saint-Denis, le festival Banlieues Bleues est devenu un rendez-vous incontournable du printemps. Tous les plus grands musiciens s’y sont produits avec l’intention d’apporter une part de leur richesse culturelle à des spectateurs souvent négligés au-delà des frontières parisiennes. Ainsi, Miles Davis, Chuck Berry, Art Blakey, Al Green, B.B King, Abbey Lincoln, Dizzy Gillespie, Miriam Makeba, Nina Simone et tant d’autres sont venus ravir les oreilles du public séquano-dionysien. Pour autant, la mission de défricheur de talents ne doit pas être éludée. Xavier Lemettre, directeur artistique de cette manifestation musicale d’envergure souffle les 40 bougies du gâteau d’anniversaire en notre compagnie ! Regarder vers l’avenir est une exigence si l’on ne veut pas s’enfermer dans une nostalgie stérile. Ce credo anime l’esprit créatif de nombreux jazzmen dont le répertoire doit épouser l’air du temps. En côtoyant au quotidien tous ces instrumentistes attachés à leur originalité, Xavier Lemettre a fait sienne cette volonté de se dépasser en programmant avec audace des musiciens suffisamment novateurs pour susciter l’intérêt et la curiosité du public. Ouvrir l’édition 2024 de Banlieues Bleues sur les délicates harmonies d’une jeune harpiste en devenir, Sophye Soliveau, est périlleux mais ce risque calculé repose sur une solide expérience éprouvée au fil des décennies.  Ce choix éditorial n’est pas hasardeux. Il s’inscrit dans l’ADN du festival. Refléter les évolutions stylistiques du moment est un impératif pour ne pas se perdre dans un dédale de souvenirs. Certes, les images des concerts légendaires restent gravées dans notre mémoire. Comment ne pas se laisser happer par l’écho lointain du rythmicien Max Roach en 1992 ? Comment ne pas frissonner à la simple évocation des prouesses pianistiques du grand Ahmad Jamal en 1999 ? Comment ne pas se sentir privilégier d’avoir assister en 2009 à une célébration néo-orléanaise en compagnie du saxophoniste et chef d’orchestre, Donald Harrison, Chief of Congo Nation ? Tous ces instants fugaces ont nourri la légende mais également la témérité de ce festival turbulent.  Que l’on se rassure, l’intention n’est pas élitiste. Xavier Lemettre, maître d’œuvre de ce barnum quarantenaire, veille à proposer une affiche toujours enthousiasmante dont il faut seulement accepter la hardiesse. Rester ouvert et attentif est le maître mot pour les équipes organisatrices. Accueillir l’intrépide pianiste Amaro Freitas suppose une écoute sérieuse et jubilatoire tant ce virtuose brésilien semble habité par une spiritualité ancestrale. Tout est créole à Banlieues Bleues, comme notre XXIè siècle. Ce constat est peut-être une affirmation politique mais il est aussi et surtout une réalité. Le collectif Lagon Noir en est un bel exemple. Le Maloya de l’île de La Réunion épouse les traditions du Burkina Faso. Le mariage métis nous captive et nous emporte. Gageons que ce vœu universaliste résistera à l’érosion du temps et que nous continuerons encore longtemps à choyer ces rencontres musicales multiculturelles. Rendez-vous du 8 mars au 5 avril 2024 en Seine-Saint-Denis.  ► LE SITE DU FESTIVAL BANLIEUES BLEUES https://www.banlieuesbleues.org/festival/.

29m
Feb 29, 2024
Le label Ruf Records fête ses 30 ans !

En 1994, le bluesman afro-américain Luther Allison cherche un nouveau label pour faire paraître ses albums. Il s’adresse alors à son agent en Europe, Thomas Ruf. Faute de pouvoir lui dénicher un contrat discographique à la hauteur de ses attentes, il fait le pari de créer sa propre maison de disques. C’est ainsi que naît Ruf Records dont le slogan, « Quand le blues sort du cadre », accompagnera la destinée de dizaines d’artistes. 30 ans plus tard, Bernard Allison (le fils de Luther), Big Daddy Wilson, le B.B King Blues Band, Cyril Neville, Canned Heat, Kenny Neal ou Mitch Ryder, peuvent s’enorgueillir d’être ou d’avoir été les têtes d’affiche de cette firme artisanale fidèle à ses valeurs.  C’est au cœur de l’Allemagne que débute cette aventure humaine et artistique unique. Thomas Ruf a 29 ans en 1994. Il n’imagine certainement pas que sa complicité avec le regretté Luther Allison va radicalement changer son quotidien. Et pourtant, son nom deviendra bientôt une marque et, pour bon nombre d’amateurs de blues, un gage de qualité. La confiance que lui accorde Luther Allison crédibilise Thomas Ruf aux yeux du public et des critiques. Les musiciens sont également charmés par ce jeune patron de label qui façonne pas à pas son catalogue discographique. Lorsque Luther Allison disparaît en août 1997 à seulement 57 ans, c’est le coup de semonce décisif. La société Ruf Records résistera-t-elle à cette absence douloureuse ?  C’est le propre fils de Luther, Bernard Allison, qui pérennisera cette épopée musicale en éditant ses albums sous le sceau Ruf Records. Cette impulsion incitera d’autres brillants instrumentistes à suivre son exemple. Ainsi, depuis trois décennies, de nombreux virtuoses font confiance à Thomas Ruf et à ce label indépendant qui a su conserver son esprit d’origine. L’intention n’est pas mercantile. L’enjeu de la pertinence créative est plus important. Certes, la rentabilité est une exigence pour pouvoir produire de nouveaux artistes et accompagner les évolutions stylistiques mais Thomas Ruf se laisse guider par ses coups de cœur et ses convictions personnelles. Qu’ils viennent de Finlande ou de Serbie, les musiciens accueillis dans la famille Ruf doivent seulement être sincères et authentiques. La nationalité ou la couleur de peau n’ont aucune importance tant que le blues ruisselle dans les œuvres des instrumentistes. Depuis 2005, Thomas Ruf a institué un rendez-vous annuel, la « Blues Caravan » qui permet à de jeunes artistes en devenir de tourner en Europe et de se confronter à l’exercice périlleux mais jubilatoire de défendre un répertoire sur scène. C’est aussi l’occasion de faire connaître les différentes figures du label Ruf Records. Ana Popović, Joanne Shaw Taylor ou Ghalia Volt ont ainsi pu émerger de l’anonymat et ravir des spectateurs curieux et enthousiastes. Comme la « Stax Revue » autrefois, les artistes estampillés Ruf Records répondent toujours présents lors de ces prestations itinérantes destinées à les exposer au plus grand nombre. La célébration du 30ème anniversaire de Ruf Records à Paris eut lieu le 7 février 2024 au New Morning en présence de Bernard Allison, pilier du label, et de deux jeunes guitaristes et chanteuses fort talentueuses, Ally Venable et Katie Henry. L’avenir semble assuré ! ► Le site de RUF RECORDS http://wordpress.rufrecords.de/en/home-e/.

29m
Feb 22, 2024
Bob Marley, le film de sa vie

Depuis le 14 février 2024, un film biographique revitalise le message de paix universelle légué par le regretté chanteur jamaïcain Bob Marley. « One Love », réalisé par Reinaldo Marcus Green, met l’accent sur une période bien précise de cette épopée musicale et sociale, les années 1976 à 1978. À cette époque, la Jamaïque est en proie à une crise politique et économique majeure qui déstabilise la jeune nation indépendante. Robert Nesta Marley tente d’unir la population sous la bannière de la concorde, mais la violence endémique fragilise ses espoirs d’entente transpartisane. Cette lutte pour apaiser les consciences est au cœur de ce long-métrage qui dépeint les tourments d’un homme bousculé par la réalité sociale de sa terre natale. Kingsley Ben-Adir n’a certes pas les traits de Bob Marley, mais il parvient à convaincre le spectateur dans cette quête effrénée d’un idéal spirituel et artistique. Destinée à un large public, cette évocation cinématographique résume assez fidèlement les différents épisodes de « L’épopée Marley » sans trahir l’esprit du héros. Pour cela, l’équipe de production s’est entourée de conseillers crédibles au premier rang desquels Ziggy Marley qui a veillé à ce que l’image de son père soit dignement restituée.  Au-delà de l’aventure musicale indissociable du discours citoyen, « One Love » narre avec acuité l’ascension progressive d’un artiste qui doit batailler contre lui-même pour rester fidèle à ses convictions. L’attentat raté dont il est la victime le 3 décembre 1976, dans sa maison d’Hope Road à Kingston, installe le doute et les remises en question, mais accélère consécutivement son ascension et nourrit sa détermination. Cet événement personnel devient un enjeu artistique et va le pousser à défendre davantage ses positions à travers ses chansons. Ce moment charnière dans son cheminement vers la notoriété planétaire est, sans doute, le principal intérêt de ce biopic qui n’élude pas les affres d’un quotidien de plus en plus exposé dans la lumière des projecteurs.  La frénésie qui accompagne son statut d’icône trentenaire ne le préserve pas d’excès et de faux pas. Sa relation parfois houleuse avec son épouse, confidente, partenaire, choriste, Rita Marley, ne rompt pourtant pas le lien qui les unit. Lashana Lynch incarne avec justesse la force de caractère d’une femme confrontée aux tourments d’un mari dont elle accepte, contre vents et marées, la gloire et subit les déboires. Tous deux ont affronté les épreuves, tous deux ont résisté, tous deux forment un couple émouvant à l’écran. Bob Marley disparaît le 11 mai 1981 à seulement 36 ans, mais son aura continue de susciter admiration et respect. « One Love » n’est cependant pas un film complaisant. Il révèle les failles d’un personnage que le succès ébranlait, mais dont la force expressive pouvait contrer les dérives.  ► LE FILM « ONE LOVE » CHEZ PARAMOUNT PICTURES https://www.paramountpictures.fr/film/bob-marley-one-love/.

29m
Feb 15, 2024
L’engagement vigilant de Leyla McCalla

Découverte au début des années 2010 au sein des « Carolina Chocolate Drops », formation de musique traditionnelle folk américaine, Leyla McCalla est une artiste inspirée dont l’activisme social épouse les créations. Installée à La Nouvelle-Orléans depuis bientôt 15 ans, elle conjugue les différentes influences de cette terre métisse et ses racines haïtiennes ancestrales dans un élan d’universalisme assumé qui illumine chacune de ses prestations. À l’affiche du festival « Sons d’Hiver », elle prend le temps de réaffirmer ses convictions à notre micro. Lorsqu’elle fit paraître  en 2022, Leyla McCalla voulait ostensiblement se pencher sur ses origines et susciter la réflexion à travers différentes archives radiophoniques représentatives d’une épopée douloureuse, celle du peuple haïtien confronté à l’appropriation de leur terre par les colons européens. Cet album fut unanimement salué par le public et les critiques. Il était le prolongement d’un engagement citoyen né dès ses premières créations artistiques. Déjà, en 2014, sur son premier disque , Leyla McCalla laissait transpirer son humeur insoumise en s’inspirant des mots du poète et romancier américain, Langston Hughes. Chaque fois que cette brillante instrumentiste exprime en chansons ses préoccupations, l’intérêt musical devient un enjeu social et patrimonial. , paru en 2019, fut un pamphlet contre ce monde régi par l’argent où les inégalités sont des variables d’ajustement. Leyla McCalla tentait alors de réveiller les consciences et d’inciter ses contemporains à ne pas succomber à ce blues redoutable qui exclut les plus démunis. Résister à l’adversité, quelle que soit sa forme, est le combat constant auquel se livre cette talentueuse jeune femme pétrie de bons sentiments. Sa dernière production, , est une mise en garde réaliste face aux redoutables inerties que nous provoquons. Nous devons accepter de changer nos habitudes, nos réflexes, nos modes de pensée, alors que le XXIè siècle accélère et, parfois, nous dépasse. «  » semble-t-elle nous conseiller. Positive et pleine d’entrain, Leyla McCalla a en elle le vécu d’ancêtres malmenés par l’évolution continuelle de la société, elle sait qu’il faut être maître de son destin et ne pas le subir. Sa force de caractère est un atout non négligeable et ses textes sont de précieux enseignements à méditer lorsque l’on pose nos oreilles sur son lumineux répertoire.  Le 10 février, Leyla McCalla retrouvera sa consœur Rhiannon Giddens, autre forte personnalité attachée à la source de son histoire multiculturelle, lors du bouquet final du festival « Sons d’Hiver » à Créteil, en région parisienne. ► Le site de LEYLA MCCALLA https://leylamccalla.com ► Le site du FESTIVAL SONS D'HIVER https://www.sonsdhiver.org.

29m
Feb 08, 2024
Jontavious Willis honore ses aînés

Il n’a que 28 ans et, déjà, son nom s’impose dans « L’épopée des Musiques Noires ». Originaire de Géorgie, ce jeune guitariste et chanteur, passé par les églises baptistes du sud des États-Unis, exprime avec un naturel confondant la dualité historique de la culture afro-américaine. Le sacré et le profane s’entrecroisent dans ses œuvres acoustiques héritées d’un lointain patrimoine africain. Récemment acclamé, à l’affiche du festival « Sons d’hiver », le jeune homme se raconte en toute humilité.  Adoubé par les grands noms du blues ancestral, dont Taj Mahal et Keb Mo’, Jontavious Willis n’en finit pas de surprendre par sa compréhension innée d’une forme d’expression séculaire. Restituer le message des aînés est un sacré défi pour les nouveaux venus toujours prompts à embrasser la tonalité du XXIè siècle. Jontavious dénote dans cette course à l’inventivité formatée. Passionné par la rugosité rurale de sa terre natale, il aime côtoyer les pionniers de la musique populaire africaine-américaine.  Sa candeur juvénile l’a même poussé à toquer à la porte de virtuoses oubliés dont il a capté en images la fringante énergie. Son « Blues Project », visible sur son site internet, présente des interviews et jam-sessions improvisées en compagnie de vétérans du blues. Qui se souviendrait aujourd’hui de Gip Gibson, Albert White, Horace Combs ou Eddie Hinton, si ce gamin de 28 ans n’était pas venu leur poser des questions devant une caméra ? Jontavious Willis est donc un musicien engagé, conscient du legs des anciens. Alors, tant qu’il le peut, il immortalise les mots et les notes de ses héros. Il sait combien il doit à ces gens dont le quotidien au XXè siècle fut malmené par une inégalité sociale pesante.  L’authenticité de sa démarche irradie ses propres compositions. Ses deux premiers albums,  et , ont reçu les acclamations du public et des critiques jusqu’à une première nomination aux Grammy Awards en 2020. Le bluesman Eric Bibb ne s’y est pas trompé en invitant le surdoué sur son dernier album . L’avenir de ce brillant interprète du blues originel est déjà tout tracé. Sa vérité artistique est un atout non négligeable qui lui permettra d’ajouter à son répertoire un discours pensé, réfléchi et fort pertinent.  ► Le site de JONTAVIOUS WILLIS https://jontaviouswillis.com ► Le site de SONS D'HIVER https://www.sonsdhiver.org.

29m
Feb 01, 2024
Son House, la résurrection d’un pionnier du blues

Né en 1902 à Clarksdale (Mississippi), le chanteur et guitariste Edward James House fut longtemps privé d’une notoriété qui aurait dû le hisser au rang des piliers de la culture populaire américaine. En ces temps-là, la ségrégation réduisait considérablement les chances d’exister en tant qu’artiste. Fatigué de batailler chaque jour pour faire valoir sa place dans la société, Son House jeta l’éponge au début des années 40. Ce n’est qu’en 1963 que son nom rejaillit soudain… Olivier Renault raconte cette résurrection inespérée dans une méticuleuse biographie parue aux éditions « Le Mot et Le Reste ». Être Noir aux États-Unis au début du XXè siècle n’est pas un statut social enviable. Les brimades et humiliations sont quotidiennes et l’oppression constante des autorités à l’égard des citoyens de « seconde classe » mène à la violence et à l’exclusion progressive voire définitive. Son House n’échappe pas à cette destinée tourmentée. Il est un homme pieux mais se laisse, petit à petit, emporter par les excès pour pouvoir affronter la violence de cette époque redoutable et les affres d’une existence sans grand lendemain. Pourtant, sa voix et son talent d’instrumentiste vont l’extraire de ce marasme inéluctable. Par le plus grand des hasards, il se retrouve à Grafton dans le Wisconsin où l’opportunité d’enregistrer dans les studios Paramount se présente à lui. Nous sommes en 1930, les techniques discographiques sont encore très rudimentaires mais ces premières sessions inscrivent son nom dans la légende.  Son House croit en sa bonne étoile mais les obstacles sont nombreux dans cette Amérique embourbée dans ses contradictions. Le risque de chuter est réel lorsque votre couleur de peau ne convient pas à vos voisins. Comme nombre de ses contemporains, Son House fera de la prison, sera confronté aux injustices d’un système judiciaire inepte mais se relèvera toujours par la grâce, parfois, d’un bon samaritain. L’une de ces âmes sensibles fut l’ethnomusicologue et folkloriste futé, Alan Lomax. Commissionné par Washington pour nourrir le fonds d’archives sonores de la bibliothèque du Congrès, il décide de capter les chants traditionnels entendus dans le Sud rural américain. En 1941, il convie Son House à l’une de ces séances destinées à immortaliser un patrimoine en devenir. Ces précieux documents réaffirment aujourd’hui avec force la valeur de ces pionniers du blues qui, sans le savoir, écrivaient une part de l’histoire populaire afro-américaine. Son House a 40 ans, l’âge des doutes, des remises en question, des choix de vie. Il décide alors de disparaître et met de côté ses aspirations artistiques. Il comprend que ses chances de réussite sont faibles et s’éclipse pendant… 20 ans ! Ce n’est qu’en 1963 que l’on retrouve sa trace. Il s’est installé à Rochester, au nord des États-Unis, où la pression sociale est plus supportable et où il vit de petits boulots intermittents. Il faudra l’insistance de quelques jeunes amateurs de blues ancestral pour que Son House, désormais sexagénaire, accepte de remonter sur scène. Les sollicitations ressurgissent et jusqu’en 1974, ponctuellement, le vétéran retrouvera le feu des projecteurs. Son House meurt le 19 octobre 1988 à l’âge de 86 ans. Il laisse des œuvres perçues, de nos jours, comme des classiques de « L’épopée des Musiques Noires » que de nombreuses figures du blues, de la folk et du rock adapteront au fil des décennies.  ► « SON HOUSE », D'OLIVIER RENAULT, AUX  https://lemotetlereste.com/musiques/sonhouse/ÉDITIONS LE MOT ET LE RESTE https://lemotetlereste.com/musiques/sonhouse/.

29m
Jan 25, 2024
Les 40 ans du Baiser Salé !

Club historique de la capitale française, le Baiser Salé veille, depuis 40 ans, à offrir aux spectateurs une affiche multicolore de qualité. Véritable laboratoire pour nombre de jeunes talents, cette petite scène parisienne a révélé des artistes devenus des figures majeures de « L’épopée des Musiques Noires ». Angélique Kidjo, Richard Bona, Mario Canonge, Rido Bayonne, Étienne Mbappé, Paco Sery, entre autres, y firent leurs premières armes. Nous posons, cette semaine, nos micros au 58 rue des Lombards où les festivités se préparent en présence de nombreux musiciens. Lorsque Maria Rodriguez prit les rênes de ce haut lieu de l’agitation musicale, l’enjeu était de taille. Il lui fallait tout inventer : inviter des instrumentistes, des interprètes, fidéliser un public, susciter l’intérêt, développer des projets ambitieux, dessiner les contours d’une programmation éclectique et entretenir la réputation positive d’un vivier de talents. La tâche était imposante mais la ténacité et l’intégrité de la jeune programmatrice résistèrent à l’érosion du temps. Aujourd’hui, le Baiser Salé est une institution qui a vu passer des milliers de virtuoses. Certains venaient juste prendre un verre, d’autres s’adonnaient avec gourmandise à l’exercice de la Jam-Session.  On a un peu hâtivement décrété que le Baiser Salé était le refuge des musiciens caribéens. Certes, les artistes antillais y ont trouvé un espace d’expression chaleureux mais la diversité de l’affiche présentée chaque soir démontre combien l’intention d’un élan métis est sincère. Hervé Samb, Mokhtar Samba, Sylvain Luc, Roger Biwandu, André Ceccarelli, Guillaume Perret, et tant d’autres, ont donné un éclat multiculturel à ce club quarantenaire. Si les souvenirs sont nombreux, la volonté de révéler le swing de jeunes improvisateurs reste intacte. Savoir flairer l’originalité ou la ferveur d’un nouveau venu est une exigence au Baiser Salé car la légende d’une salle de spectacles s’écrit au présent. Il faut être dans l’air du temps et répondre aux aspirations des amateurs de notes authentiques sans trahir ses convictions. Maria Rodriguez y veille au quotidien. Elle reconnaît cependant volontiers que le soutien de ses amis musiciens et leur constante loyauté ont permis de maintenir l’exigence et la qualité des concerts proposés.  L’esprit de famille a contré tous les obstacles. Certains projets sont nés au Baiser Salé. Des disques y ont été peaufinés, des formations y ont grandi. À notre micro, Thierry Fanfant et Jean-Philippe Fanfant, Swaeli Mbappé et Angélique Kidjo, incarnent cette communion artistique qui nourrit le passé, le présent et l’avenir. 40 ans après ce fameux 17 janvier 1984, la flamme n’a pas vacillé ! Rendez-vous du 22 janvier au 1er février 2024 pour applaudir avec vigueur tous ces aventuriers flamboyants.  ► Le site du BAISER SALÉ https://www.lebaisersale.com.

29m
Jan 18, 2024
Jowee Omicil, une liberté révolutionnaire

Le free jazz fut certainement la forme d’expression politique la plus audacieuse au XXè siècle. Il défiait le temps, les limites géographiques et se jouait des codes artistiques pour mieux les sublimer. Le saxophoniste montréalais, Jowee Omicil, a ressenti cet appel de liberté créative durant le confinement de l’année 2020. Ses racines haïtiennes ont alors guidé son intellect en pleine ébullition et ont insufflé une œuvre ambitieuse : Revitaliser l’esprit des révolutionnaires de Bwa Cayiman qui, en 1791, décidèrent de résister à l’esclavage. Cet acte fondateur nourrit aujourd’hui l’inspiration d’un héritier rebelle.  Jowee Omicil a toujours eu en lui ce désir viscéral d’être un homme libre et un instrumentiste frondeur. Il n’est, certes, pas le premier à avoir défendu une forme d’insoumission artistique. Max Roach, avant lui, avait imposé sa vision d’un jazz engagé en publiant, en 1960, un album devenu légendaire,  porté par la voix intransigeante de son épouse, la chanteuse Abbey Lincoln. Le saxophoniste Ornette Coleman fut aussi un trublion capable de bousculer les codes du swing originel. Il est finalement logique que Jowee Omicil, nourri des enseignements de ses aînés, perpétue cette redoutable manière d’interroger l’histoire et ses contemporains. Curieusement, alors que la source culturelle de leurs expressivités n’est pas la même, on se plait à déceler cette défiance du convenu dans leurs œuvres respectives. Comment ne pas entendre, par exemple, l’écho d’un John Coltrane interprétant « Alabama » dans le  de Jowee Omicil ?  La longue improvisation discographique que nous présente notre multi-instrumentiste aujourd’hui est le fruit d’une introspection mûrie qui jaillit subitement avec force et exaltation.  n’est pas immédiatement accessible si le contexte n’est pas conté, étudié, balisé. Il faut se plonger dans l’histoire de la lente indépendance haïtienne pour comprendre l’intention du virtuose. Qui étaient ces esclaves africains prêts à se soulever, le 14 août 1791, sur les terres d’un riche propriétaire blanc de la commune de Morne-Rouge en Haïti. Comment ont-ils bravé l’interdit ? Quelles conséquences a eu cette bravoure au XIXè siècle ? Tout est dit dans les 21 tableaux musicaux que dessine Jowee Omicil au fil de son interprétation.  Il lui fallait cependant s’entourer de compagnons investis et inventifs pour magnifier cette audacieuse fresque sonore. Randy Kerber et Jonathan Jurion (claviers), Arnaud Dolmen et Yoann Danier (percussions), Jendah Manga (basse) se sont libérés en studio et ont épousé les fulgurances du chef d’orchestre. Cette suite incantatoire est un défi de taille que les oreilles étriquées ne pourront pas appréhender. Il faut accepter cette proposition musicale avec un esprit d’ouverture et beaucoup de considération car convoquer ses ancêtres est un exercice périlleux mais souvent salvateur.  ⇒ LE SITE DE JOWEE OMICIL https://www.joweeo.com.

29m
Jan 11, 2024
Le centenaire de Max Roach

Pour prendre conscience de l’importance de Max Roach dans « L’épopée des Musiques Noires », il suffit de citer les musiciens avec lesquels il a écrit de grands chapitres de l’histoire du jazz. Ce batteur incroyable a partagé la scène ou œuvré en studio avec Charlie Parker, Miles Davis, Dizzy Gillespie, Thelonious Monk, Sonny Rollins, Charles Mingus, Duke Ellington, Coleman Hawkins, Clifford Brown... En d’autres mots, les pionniers du swing ancestral.  Cette proximité avec les grandes figures d’antan lui avait permis d’acquérir un savoir et un esprit critique qui le distinguaient de ses contemporains. Converser avec Max Roach était souvent riche d’enseignements. Sa vie entière fut une succession de soubresauts créatifs qui lui permettaient d’avoir un discours tranché sur l’apport culturel du jazz. Non content de côtoyer les agitateurs de la culture afro-américaine du XXe siècle, Max Roach en fut aussi l’un des acteurs majeurs. Dès les années 40, il participait à la genèse d’un genre musical qui allait révolutionner le paysage musical d’alors : le bebop. Dans les années 50 et 60, il inventera une forme de militantisme sonore destiné à bousculer les mentalités. L’un de ses plus véhéments brûlots contre le racisme et pour une égalité sociale réelle fut un album, paru 1961, intitulé « We Insist, Freedom, Now Suite ». Ce disque appelait à un sursaut citoyen alors que les exactions des autorités blanches continuaient de contraindre le quotidien de la communauté noire. Au-delà de la situation américaine, cette œuvre majeure évoquait également l’oppression sur d’autres continents et, notamment, l’Afrique victime d’une colonisation séculaire. La chanteuse Abbey Lincoln, épouse de Max Roach, activiste de la première heure, participait évidemment à ce projet ambitieux en laissant jaillir sa verve poétique dans sa voix rebelle et insoumise. Max Roach, Abbey Lincoln, Charles Mingus, Nina Simone, et tant d’autres, ont hurlé leur colère, face à l’injustice, aux brimades et aux humiliations. Max Roach n’a jamais contesté le fait que son art était politique et s’inscrivait dans l’évolution des mœurs et des sociétés à travers les âges. Le rap était pour lui le fruit savoureux de son propre engagement initié des décennies plus tôt. (Max Roach au micro de Joe Farmer) Max Roach était un homme intelligent. Il savait que la clé de l’épanouissement artistique était la nouveauté. Il lui fallait rester à l’écoute de son temps et ne pas s’enfermer dans ses souvenirs. Il avait observé la mutation progressive de son ami Miles Davis vers une tonalité moderne en phase avec le renouvellement des générations. Comme ses aînés et ses contemporains, Max Roach n’a cessé d’innover, de se remettre perpétuellement en question, sans jamais se compromettre, ni perdre de vue la source originelle de sa créativité rythmique : l’Afrique. Il a, à ce titre, inspiré de nombreux musiciens des deux côtés de l’Atlantique. Le regretté flûtiste et saxophoniste sud-africain, Zim Ngqawana, avait le plus grand respect pour Max Roach et saluait son attachement aux racines ancestrales.  (Zim Ngqawana sur RFI – Mars 2006)   Bien qu’il ait été un disciple de Max Roach, Zim Ngqawana tenait à avoir un regard juste sur celui qu’il admirait et qu’il respectait. Pour lui, l’émotion créée par la rythmique irrésistible de Max Roach à la batterie devait provoquer une action, une envie, un désir de provoquer les évènements. En d’autres mots, la musique pouvait décider de notre vie. À ses yeux, cette approche spirituelle du jazz passait nécessairement par une maîtrise artistique parfaite. Il se trouve que Max Roach avait insufflé cette exigence dans le jeu de beaucoup d’instrumentistes. Il était lui-même un batteur insatiable qui ne se satisfaisait jamais de l’approximation.  (Max Roach au micro de Joe Farmer) Max Roach vit le jour le 10 janvier 1924 à Newland en Caroline du Nord. 100 ans après sa naissance, son intégrité percussive reste un exemple pour nombre de ses héritiers. 

29m
Jan 04, 2024
Retour sur une année palpitante

Outre la 1000eme « Épopée des Musiques Noires » que nous avons eu l’honneur de célébrer en novembre dernier en compagnie d’Angélique Kidjo, de nombreux autres moments radiophoniques ont rythmé cette année 2023 enthousiasmante. Des rencontres inédites, des reportages in vivo, des prestations captivantes, des entretiens passionnants, des instants privilégiés au cœur d’une agitation culturelle permanente.  Il y eut des conversations improvisées avec Marcus Miller, Femi Kuti, Dee Dee Bridgewater et Steve Coleman à Coutances en Normandie. Il y eut le 40e anniversaire du Cully Jazz Festival en Suisse et cette discussion à bâtons rompus avec l’illustre cantatrice Barbara Hendricks. Il y eut ce bref moment d’échange musical avec Chris Isaak à Montreux, heureux de ponctuer ses propos de quelques notes de guitare bien senties. Il y eut la disponibilité des Staples Junior Singers, prêts à affronter la canicule de « Jazz à Vienne » pour délivrer sur scène et à notre micro un message œcuménique. Les instants de bonheur radiophonique ne se mesurent cependant pas à la notoriété de nos interlocuteurs. Une simple intention artistique peut parfois susciter l’envie de questionner un musicien, un interprète, un auteur ou un producteur. Les propos paisibles de Simon Goubert et Ablaye Cissoko, l’humilité de Mokhtar Samba, le discours réfléchi de Billy Valentine, l’enthousiasme de Robin McKelle, la voix si séduisante de la jeune Samara Joy, toutes ces vibrations sont autant d’émotions ressenties dans nos studios au fil des 12 derniers mois.  Et quelle chance de pouvoir écouter le récit de tous ces virtuoses dont la confiance nous honore. Vieux Farka Touré, Roger Biwandu, Sonny Troupé, Hermon Méhari, Hervé Samb, Nicole Slack Jones, Lee Fields, Eric Bibb, Conti Bilong, Jonathan Butler, Baï Kamara Jr, Moreira Chonguiça, Boney Fields, et tant d’autres, nous ont ouvert leur cœur en acceptant de se livrer sincèrement. Ils sont venus de tous horizons, de Mozambique, d’Érythrée, de Guadeloupe ou d’Afrique du Sud. Ils ont illustré la richesse des musiques afro-planétaires que nous défendons dans ce magazine et que vous suivez fidèlement chaque semaine sur nos ondes. Merci à vous. Que l’année 2024 vous soit douce !

29m
Dec 28, 2023
Un tube peut en cacher un autre…

En cette veille de Noël, amusons-nous un peu… Sauriez-vous déceler, derrière les ritournelles que vous fredonnez chaque jour, les auteurs ou interprètes originaux ? Avant les Fugees, qui chantait «  » ? Avant UB40, qui avait créé «  » ? Et avant Elvis Presley, qui interprétait «  » ? Marc Maret est un archiviste passionné dont le passe-temps est de dénicher les versions initiales de classiques de la pop-music mondiale. Il présente, aux éditions Hors Collection, un ouvrage fort ludique réunissant 100 compositions historiques devenues des tubes bien après leur création.  Marc Maret évolue au milieu des disques depuis des décennies. Ancien responsable de la discothèque de Radio France, il a largement eu le temps de se plonger dans les trésors du patrimoine enregistré. Il a, de fait, acquis un savoir qui lui permet de déjouer tous les pièges de l’engouement populaire. Nous ne faisons pas spontanément l’effort de nous interroger sur la paternité des œuvres que nous écoutons quotidiennement. Lorsque nous nous réjouissons de taper du pied en regardant les Blues Brothers se lancer dans un tour de chant cinématographique trépidant, cherchons-nous instantanément à connaître les créateurs originels de leur répertoire ? Non !  Une culture musicale se nourrit de notre quête de vérité. Plus nos connaissances s’affinent, plus notre oreille décèle les relectures et, parfois, les impostures. De là à considérer que toute adaptation relève de la forfaiture, il y a un pas que nous ne franchirons pas car certaines appropriations artistiques sont suffisamment inspirées pour atteindre une indéniable légitimité. Qui contesterait aujourd’hui l’indiscutable version du classique «  » par Jimi Hendrix ? Plus personne. Il serait pourtant honnête de rappeler que cette composition n’est pas de lui mais d’un certain Billy Roberts. Encore que cette assertion soit toujours sujette à controverse…  La transmission d’un héritage sonore, notamment dans « L’épopée des Musiques Noires », interroge souvent les historiens car les documents rares, manquants ou incomplets, ne permettent pas toujours d’identifier un parolier ou un instrumentiste. Beaucoup de chansons, parvenues jusqu’à nous, sont nées de la tradition orale insufflée par les esclaves africains sur le territoire américain, il y a des siècles. Ce folklore ancestral véhiculait des chants, des danses, des contes, dont il est très difficile aujourd’hui de cibler l’origine. Il faut donc accepter que l’approximation des sources ne puisse pas toujours donner la réponse à un questionnement.  L’avènement de l’enregistrement sonore au début du XXè siècle a conduit les musiciens et producteurs de disques à référencer leurs œuvres avec plus de rigueur. Grâce à ce travail de fourmis, certes fort fastidieux, nous sommes en mesure désormais de nommer les vrais créateurs. Ce progrès indéniable devrait nous encourager à fouiner davantage et à ne plus seulement se contenter d’un aperçu sommaire. Le livre de Marc Maret y contribue. Nous ne pouvons que nous en féliciter !

29m
Dec 21, 2023
Le Manu Dibango Orchestra vivra !

En ce mois de décembre 2023, le saxophoniste Manu Dibango aurait fêté son 90ème anniversaire ! Bientôt 4 ans après sa disparition, ses anciens partenaires de scène et de studio ne peuvent se résoudre à voir disparaître un patrimoine sonore imposant. Le Manu Dibango Orchestra doit vivre et perpétuer en musique le message d’unité et de tolérance que le fringant patriarche avait insufflé. Claire Diboa, Julien Agazar et Philippe Davesne, compagnons de route de Manu Dibango, se souviennent de leur cheminement aux côtés du maestro et nous annoncent le retour d’un orchestre historique. C’est un sacré défi que doivent aujourd’hui relever tous ceux qui eurent le privilège de côtoyer, collaborer, œuvrer aux côtés de Manu Dibango. Outre la nécessité de préserver légalement un héritage massif, il faut continuer à susciter l’engouement du public. Depuis 2018, le label Soul Makossa réédite consciencieusement, album par album, l’ensemble de la discographie du chef d’orchestre. Récemment,  a retrouvé des couleurs grâce à une remastérisation appliquée qui donne un nouvel éclat à cette production de 1978. Ainsi, chaque année, devraient paraître un ou deux albums du catalogue légué par cette grande figure de « L’épopée des Musiques Noires ». Des enregistrements réalisés peu avant sa disparition, survenue en mars 2020, devraient également voir le jour dans les mois qui viennent. Converser avec les proches de Manu Dibango est une manière de ranimer la flamme. C’est aussi l’occasion de se souvenir de grands moments : l’investiture de Nelson Mandela à Pretoria en 1994 auquel il prit part, sa participation aux différents sommets de la Francophonie à Paris, Nice et Rio, son « Safari Symphonique » sur les scènes françaises en 2019, ses 80 ans à l’Olympia en 2014, etc. La vie tumultueuse de Manu Dibango est un roman que l’on n’a pas fini d’écrire. Son orchestre vivra et de nouvelles prestations sont attendues en 2024. Le Ronnie Scott’s, club légendaire de la capitale britannique, accueillera les musiciens de Manu Dibango, le 10 février 2024, pour une fastueuse célébration du leader et de son vaste répertoire.  2025 devrait également solliciter notre écoute attentive. 5 ans après le départ de Manu Dibango, une tournée mémorielle, des parutions discographiques inédites et de nouvelles rééditions sont annoncées. Le MDO (Manu Dibango Orchestra) exaucera son vœu de pérenniser l’intention universaliste de la musique. En coulisses, chacun se prépare. Les musiciens, les équipes organisatrices, le management, les juristes, ils sont tous convaincus que cet impressionnant édifice, bâti pas à pas par Manu Dibango au fil des décennies, doit résister à l’érosion du temps et continuer à porter une parole consensuelle et altruiste. ⇒ FACEBOOK DE MANU DIBANGO - OFFICIEL https://www.facebook.com/ManuDibangoOfficiel/?locale=fr_FR.  

29m
Dec 14, 2023
Joshua Redman scrute les États-Unis

Dans son nouvel album,  ?, le saxophoniste Joshua Redman s’interroge sur son pays pétri de contradictions. En adaptant des œuvres du répertoire populaire américain, de Bruce Springsteen à John Coltrane, il tente de décrire les États-Unis tels qu’il les perçoit et les ressent. Jazzman de grand talent, il a en lui l’héritage culturel de ses aînés mais s’en remet davantage à ses émotions pour exprimer sa vision d’une Amérique contemporaine bousculée par son histoire sociale d’hier et d’aujourd’hui.  Adapter une œuvre comme «  », créée en 1963 par le saxophoniste John Coltrane, n’est pas anodin. Cette composition, inspirée de l’homélie du pasteur Martin Luther King après l’assassinat de 4 jeunes filles noires dans une église de Birmingham, a été un moment fort du mouvement des droits civiques il y a 60 ans. L’audacieuse relecture qu’ose Joshua Redman aujourd’hui témoigne de la triste pérennité des exactions racistes outre-Atlantique. « (Joshua Redman au micro de Joe Farmer) Pour le soutenir dans cet état des lieux musical d’une Amérique en perpétuelle mutation, Joshua Redman a fait appel, pour la première fois de sa carrière, à une voix féminine capable d’exprimer des émotions que son indéniable virtuosité peut alors magnifier. Gabrielle Cavassa n’est certes pas encore une personnalité reconnue à l’échelle internationale mais elle provoque ce frisson irrésistible quand une chanson appelle à l’examen de conscience. «  (Joshua Redman sur RFI)  est le premier album de Joshua Redman pour le fameux label Bue Note Records. À 54 ans, le saxophoniste a appris à ne pas s’enflammer quand des lauriers couronnent chaque étape de son développement artistique. Pour autant, signer un contrat avec une maison de disques aussi prestigieuse ne le laisse pas indifférent. (Joshua Redman, novembre 2023) ⇒ Le site de JOSHUA REDMAN https://www.joshuaredman.com.

29m
Dec 07, 2023
Lead Belly, le plus célèbre des compositeurs inconnus

Depuis sa disparition en 1949, le chanteur et guitariste afro-américain Huddie William Ledbetter a progressivement inscrit son nom dans le patrimoine des musiques populaires américaines. Inconnues du grand public pendant des décennies, ses œuvres rejailliront à partir des années 60 grâce à une foultitude d’artistes revitalisant son répertoire. Harry Belafonte, Bob Dylan, Led Zeppelin, Nirvana, Eric Bibb, entre autres, adapteront au fil des années les mélodies de Lead Belly. Amaury Cornut, notre invité, consacre un ouvrage entier à ce troubadour folk trop peu célébré. La date de naissance de Lead Belly est incertaine… 1885, 1888, 1889 ? On sait qu’il est originaire de Mooringsport en Louisiane et fait partie de ces pionniers mésestimés contraints de résister à l’oppression constante d’une Amérique ségrégationniste. Ses nombreux séjours en prison sont autant le fait d’une justice expéditive que d’un tempérament rebelle. À l’aube du XXè siècle, les exactions racistes sont tristement la norme aux États-Unis, notamment, dans le Sud. Exister dans une société aussi inégalitaire suppose un courage à toute épreuve et un esprit frondeur. Lead Belly n’est certes pas un enfant de chœur, mais il doit apprendre à survivre dans cette atmosphère délétère.  Il lui faudra cependant miser sur la chance pour sortir d’une impasse sociale à laquelle la population africaine-américaine est confrontée quotidiennement. Il doit son salut à plusieurs personnages suffisamment curieux et intuitifs pour déceler son talent et l’extraire d’une vie tumultueuse. John et Alan Lomax, deux passionnés de musique traditionnelle américaine, seront les premiers à capter devant un micro les aptitudes mélodiques et poétiques de Lead Belly. Leurs enregistrements destinés à la Library of Congress (Bibliothèque du Congrès) à Washington sont aujourd’hui considérés comme des témoignages uniques de la vitalité culturelle d’alors. Grâce à ces deux archivistes bien inspirés, Lead Belly échappera à la pesanteur existentielle des états sudistes pour briller plus au nord, notamment à New York, où il fera sensation.  Sa notoriété croissante ne le préserve cependant pas des brimades et humiliations auxquelles il répond avec aplomb et maladresse. Il sent que sa vie s’accélère et veut profiter du rythme frénétique que son nouveau statut lui offre. Il n’en reste pas moins un homme effronté qui se joue des règles et de la bienséance. Entre deux escapades, il parvient malgré tout à enregistrer des compositions qui deviendront des documents historiques et des marqueurs temporels. À cette époque lointaine, le blues est l’identité artistique de la communauté noire outre-Atlantique. Même s’il accepte d’interpréter en studio quelques ritournelles échappées de ce répertoire profane, Lead Belly se voit davantage comme un orateur folk, un conteur qui se nourrit de ses aventures ou mésaventures diverses pour concevoir un tour de chant. À la fin de sa vie, juste après la Seconde Guerre mondiale, il sera enfin perçu par ses contemporains comme un brillant parolier dont se réclameront de futures figures majeures : Woody Guthrie et Pete Seeger, par exemple. Lorsqu’il disparaît, le 6 décembre 1949, ses œuvres ne sont pas encore entrées dans le patrimoine populaire. Il faudra attendre les années 60 pour que, progressivement, ses textes suscitent l’intérêt de jeunes talents captivés par les messages d’un aîné tombé en désuétude. Il convient toutefois de préciser que certains airs, attribués à Lead Belly, étaient déjà des adaptations de mélopées façonnées par le temps. «  », «  », «  », «  » ou «  », sont le fruit d’une tradition orale héritée de l’Afrique ancestrale. Mais qui peut se plaindre aujourd’hui que cette richesse musicale nous soit ainsi restituée ? ⇒ « LEAD BELLY », D'AMAURY CORNUT, AUX ÉDITIONS LE MOT ET LE RESTE https://lemotetlereste.com/musiques/leadbelly/.

29m
Nov 30, 2023
La 1000e avec Angélique Kidjo !

Nous nous sommes donné 1 000 fois rendez-vous sur les ondes le week-end, et vous avez toujours manifesté votre intérêt pour cette émission, dont le vœu initial était de mettre en relief la force expressive des musiques afro-planétaires. Angélique Kidjo est certainement l’une des plus vaillantes partisanes de l’ouverture et du partage. À ce titre, nous lui avons proposé de concocter un programme festif et inspiré.  Sa présence à nos côtés pour cette « Épopée » anniversaire traduit notre volonté farouche de défendre l’universalité de la musique et l’impérieuse nécessité d’échanger à travers un langage commun. L’émotion qui nous étreint aujourd’hui est à la mesure de notre immense gratitude pour tous ceux qui ont accompagné cette inimaginable aventure radiophonique.  Nos souvenirs sont nombreux : les conversations volubiles à l’antenne et hors antenne de musiciens qui se croisent et se respectent. Les confidences d’artistes émus par des mots choisis et des notes inspirées. Les fous rires inattendus, les emportements, les indignations, les traits d’humour, les élans de générosité et d’humanité, les intentions pédagogiques, les facéties de libres-penseurs… Tant de surprises ont nourri ces 1 000 émissions. Au-delà des noms prestigieux, de Quincy Jones à Herbie Hancock, de Manu Dibango à Salif Keïta, de Wyclef Jean à Ziggy Marley, de Jimmy Cliff à Carlos Santana, ce sont des instants radiophoniques inédits, captivants, palpitants, que nous choyons. Toots Hibbert qui chante Ray Charles, Liz McComb qui s’enthousiasme pour les Mahotella Queens, Gregory Porter qui paraphrase Louis Armstrong, etc. DIAPORAMA Le temps a passé et les générations se sont succédé. De jeunes virtuoses ont apparu. Samara Joy, Madé Kuti, Arnaud Dolmen, Madison McFerrin, Dominique Fils-Aimé, Alicia Olatuja, et tant d’autres, dont il faudra retenir les noms car ils écrivent actuellement une part de notre patrimoine sonore universel. Les plus anciens les regardent avec bienveillance et admiration. Ils sont leurs chaperons et guident leurs pas dans « L’épopée des Musiques Noires ». Comment ne pas saluer cette main tendue des grandes figures à leurs futurs héritiers ? Beaucoup nous ont quittés depuis 20 ans, mais leur altruisme naturel restera dans nos mémoires. Nos archives préservent leur discours réfléchi et leur humeur espiègle. Pensons à Tony Allen, Ahmad Jamal, Johnny Clegg, Randy Weston, Wayne Shorter… 1 000 émissions, c’est une étape qu’il convient de marquer mais, pour qu’une telle aventure se poursuive, il faut sans cesse regarder vers l’avenir et savoir déceler la pertinence d’une œuvre musicale, sa valeur artistique et sa légitimité. L’équipe de « L’épopée » tient ici à remercier tous ceux qui nous ont fait confiance, artistes, attachés de presse, auteurs, historiens, producteurs, bien trop nombreux pour les citer tous. Saluons tout de même les encouragements et la fidélité des Ray Lema, Richard Bona, Marcus Miller, Dee Dee Bridgewater, Shemekia Copeland, Mino Cinelu, Cheick Tidiane Seck, Mario Canonge, Boney Fields… Et la liste est évidemment incomplète ! DIAPORAMA Une mention spéciale pour Nathalie Laporte, réalisatrice attentive, précise et exigeante, dont la flexibilité, l’enthousiasme et l’intérêt ne se sont pas altérés depuis le premier jour ! Merci à vous tous, auditeurs et auditrices, à travers le monde. Votre écoute, vos commentaires, vos critiques et vos compliments, nous poussent à aller de l’avant sans trahir la promesse de narrer des histoires qui instruisent notre présent et déjouent les paroles étriquées. La musique est une émotion. Elle peut être partagée par tous. Elle nous réunit. 1000 mercis !

59m
Nov 23, 2023
African Jazz Roots, la source originelle du swing

Lorsqu’ils firent connaissance en 2009 à Saint-Louis du Sénégal, Simon Goubert et Ablaye Cissoko n’imaginaient sûrement pas qu’une complicité durable allait naître de leurs premiers échanges. Ce virtuose de la batterie et ce maître de la kora ont un amour commun pour les expérimentations multiculturelles. Leur entente cordiale ne pouvait que mûrir en un esprit de concorde naturelle. 10 ans après le premier album, les deux piliers d’African Jazz Roots dévoilent « Seetu ». Le swing originel du jazz n’a jamais paru si évident.  signifie le « reflet » et il est vrai que Simon Goubert et Ablaye Cissoko sont devenus, au fil du temps, le miroir de l’un et de l’autre. Sans s’en rendre compte, ils ont imprimé en chacun d’eux une compréhension mutuelle qui dépasse l’effort de curiosité. Leur communion artistique est aujourd’hui quasi-spirituelle. La musique permet ce miracle. Au-delà de cette fusion sonore afro-européenne, il y a un propos non négligeable : la connaissance patrimoniale. Savoir s’écouter, c’est aussi appréhender l’histoire et ses enseignements. L’élan pédagogique de l’African Jazz Roots ne doit pas être minimisé. Derrière chaque composition, il y a l’enracinement dans une tradition ancestrale. Évoquer « Sundjata » n’est pas anodin. C’est inscrire le jazz dans une continuité temporelle qui prend sa source au XIIIè dans l’empire du Mali. L’évolution progressive des modes de communication ne doit donc pas éluder l’origine de l’expressivité.  Certes, il est pertinent de s’interroger sur la survie de l’oralité à une époque où l’information et le savoir se transmettent à travers des écrans omniprésents dans notre quotidien. La parole est-elle en danger ? La musique est-elle la solution ? Ce langage universel est-il un rempart contre l’inquiétante apathie de la réflexion ? Simon Goubert et Ablaye Cissoko font le vœu de redonner du sens aux valeurs humaines, à l’échange et au partage, à travers un répertoire sans frontières. L’enjeu de leur association fraternelle est de susciter une pensée positive, de la bienveillance, un désir irrépressible de se rencontrer pour mieux s’accepter.  Le défi est immense mais le paisible discours de ces deux âmes sensibles est une force de persuasion indiscutable. Comment peut-on opposer des velléités belliqueuses à une musique rassembleuse ? Une fois de plus, les notes valent mieux que les mots. Le dialogue mélodieux d’instrumentistes aguerris est toujours plus convaincant que les diatribes d’orateurs excessifs.  ⇒ LE SITE DE PEE WEE LABEL https://peeweelabel.com/fr/albums/40

29m
Nov 16, 2023
La voix Soul de Billy Valentine surgit enfin !

Trop longtemps dans l’ombre de ses contemporains, le chanteur afro-américain Billy Valentine fait paraître son tout premier album à 73 ans. Compositeur de nombreuses chansons devenues des classiques de Ray Charles, des Neville Brothers ou de Simply Red, ce fringant septuagénaire révèle enfin sa voix ronde et chaleureuse au service d’un répertoire engagé. Rencontre, sans langue de bois, avec un acteur et témoin de son temps, un personnage attachant, humble et fort talentueux.  Originaire de Columbus (Ohio), dans le nord-est des États-Unis, Billy Valentine reconnaît volontiers n’avoir pas trop souffert des discriminations raciales que ses contemporains subissaient dans le Sud rural américain. Adolescent, il se passionne déjà pour la musique. Avec son frère Alvin, il commence à goûter au plaisir de chanter et de vibrer sur le répertoire Soul en vogue au cœur des années 60. C’est en Californie que sa destinée va s’accélérer. Il rejoint John, son deuxième frère, à Los Angeles et ne tarde pas à créer avec lui un groupe vocal percutant, les Valentine Brothers, dont la réputation va décider de leur sort dans une industrie du disque en pleine mutation. Encore inconnus du grand public, ils parviennent cependant à signer un premier contrat de studio avant de partir en tournée avec la troupe de la comédie musicale « The Wiz ». Cette première grande expérience artistique sera aussi enrichissante que fugace.  La sortie du film « The Wiz », en 1978, précipitera la fin de l’aventure théâtrale et musicale de Billy Valentine. Les spectateurs préfèrent alors aller au cinéma plutôt que de se rendre dans des salles de spectacles. Résultat, sa carrière d’acteur-chanteur s’achève de manière abrupte et ses finances s’effondrent rapidement. Faute de sollicitations scéniques, Billy Valentine décide d’écrire une chanson narrant ses déboires. « Money’s too tight » naît de cette situation sociale périlleuse qui inquiète son auteur. Aurait-il pu imaginer, en cette année 1982, que sa chanson serait adaptée trois ans plus tard par un jeune groupe britannique en pleine ascension, Simply Red ? Le succès de cette nouvelle version fait mouche et ragaillardit le principal intéressé, le créateur originel : Billy Valentine.  Dès lors, son goût pour l’écriture s’affine et sa confiance s’affirme. Il ose envoyer l’un de ses textes à son héros de toujours, l’illustre Ray Charles. Nous sommes en 1993, le « Genius » a 63 ans et n’est pas contre l’idée de donner un coup de fouet à sa carrière en faisant appel à de nouveaux paroliers. La chanson « My Word » n’est certes pas la plus remarquée à l’époque, mais elle crédibilise un peu plus le statut d’auteur de Billy Valentine. Au même moment, les Neville Brothers, fameuse formation néo-orléanaise, retiennent cinq de ses compositions pour leur album . Billy Valentine semble s’installer dans ce rôle confortable de plume inspirée. Il nourrit toutefois le désir inavoué d’interpréter des œuvres emblématiques. C’est le producteur Bob Thiele Jr qui lui tendra la main et, accessoirement, un micro alors qu’il tente de ressusciter le label historique, Flying Dutchman. Les deux hommes s’apprécient de longue date et l’idée d’enregistrer des airs contestataires fait son chemin. La pandémie, l’assassinat de George Floyd, le mouvement « Black Lives Matter », l’assaut du Capitole de Washington par les partisans de Donald Trump, tout concourt à l’élaboration d’un disque engagé.  revitalise ainsi des œuvres immortalisées par Gil Scott Heron, Pharoah Sanders, Curtis Mayfield, Stevie Wonder ou Prince. La plus grande surprise n’est pas la production léchée de ce disque épatant mais la voix, profondément enracinée dans l’âme noire, de Billy Valentine. Il était temps que ce maestro de l’art vocal se révèle et nous réveille.  ⇒ Le site de BILLY VALENTINE https://www.billy-valentine.com.

29m
Nov 09, 2023
Le trompettiste Boney Fields en veut toujours plus !

Il y a trois ans, alors que la pandémie imposait au monde un silence assourdissant, le trompettiste et chanteur américain, Boney Fields, ourdissait un projet qui se révèle aujourd’hui majestueux. Ses souvenirs d’une jeunesse trépidante à Chicago ont subitement rejailli dans son esprit et ont suscité un album empreint d’une musicalité, fort cuivrée, enracinée dans « L’épopée des Musiques Noires ».  est le fruit de cette introspection scintillante. Après avoir croisé la route, dans les années 70, des pionniers du Chicago Blues que furent Buddy Guy, Junior Wells, James Cotton ou Eddie Clearwater, le révérencieux Boney Fields voulait honorer leur mémoire sans s’embourber dans une nostalgie trop passive. Il tenait à saluer ses héros en revitalisant une humeur sonore qui continue d’inspirer, au XXIè siècle, nombre d’instrumentistes et d’amateurs de blues ancestral. Si ses oreilles se tournent vers l’avenir, elles ne se détournent pas, pour autant, du patrimoine historique. Savoir conjuguer passé et présent est un exercice de style délicat que seuls les véritables virtuoses maîtrisent à la perfection. Suffisamment aguerri par des décennies de prestations aux quatre coins de la planète, Boney Fields laisse désormais parler son âme.  Les échos d’un temps révolu ont nourri sa créativité actuelle. Il peut dorénavant se consacrer aux aspects plus intimes de sa vie d’artiste. Il aura fallu un confinement planétaire pour que Boney Fields fasse le point sur sa destinée. Sa pudeur semblait lui interdire de se dévoiler complètement. L’homme de scène flamboyant conservait cette part de mystère que l’isolement sanitaire de 2020 a finalement rompu. Boney Fields ose désormais aborder des sujets plus personnels : sa vie de famille, le courage d’une mère sans le sou, son irritation face aux injustices, son impatience d’être à nouveau devant un public… Loin d’être lymphatique, ce nouvel album est tonique, positif et plein d’espoir. Il exprime avec justesse le caractère explosif d’un musicien qui s’interroge et, peu à peu, se libère.  Pour parvenir à une telle authenticité, Boney Fields a su s’entourer. Il a réuni une équipe avisée qui sert avec brio l’intention de l’auteur. Sébastian Danchin, le directeur artistique de cet album sincère, est un fin connaisseur de la culture africaine-américaine. Il a donné du relief à ce nouveau répertoire échappé des entrailles de l’histoire. Hervé Samb, brillant guitariste sénégalais, a magnifié la tonalité de ce disque foncièrement honnête et réjouissant. L’investissement réel de chacun des protagonistes dans cette production éclatante mérite notre plus grande considération et une écoute attentive. Vous aurez tout le loisir d’apprendre par cœur les nouvelles chansons de Boney Fields avant son très attendu concert parisien, le 24 janvier 2024 au New Morning. Rendez-vous est pris ! ⇒ Le site de BONEY FIELDS https://www.boneyfields.com.

29m
Nov 02, 2023
Le label Motema Music a 20 ans !

La passion et l’envie sont des moteurs essentiels dans une vie pour mener à bien les projets les plus ambitieux. Jana Herzen défend, depuis 20 ans, son label Motema qui a révélé nombre d’artistes devenus des étoiles. Le meilleur exemple s’appelle Gregory Porter. Avant d’être la figure emblématique de Blue Note Records, le formidable chanteur avait fait paraître deux albums chez Motema. Jana Herzen a du flair et mise toujours sur les jeunes talents. Savoir dénicher la perle rare est un don que l’expérience développe au fil des années. Mettre en valeur des virtuoses de tous âges est également un exercice que l’on apprend à peaufiner chaque jour. Jana Herzen a su offrir à de nombreux instrumentistes l’exposition qu’ils méritaient. Le pianiste jamaïcain Monty Alexander, bientôt 80 ans, comme son jeune homologue indonésien Joey Alexander, 20 ans, ont par exemple trouvé un véritable espace d’expression grâce au label Motema. Les nationalités n’ont pas d’importance pour la cheffe d’orchestre de cette firme discographique indépendante. Tant que le projet crée la curiosité, le pari en vaut la peine.  Si toutes les cultures s’entrecroisent sur ce label intelligent, notons tout de même un certain regard porté à la source de l’imagination musicale jazz : le continent africain. Dès 2003, l’inclinaison vers le terreau originel était patente. Babatunde Lea fut l’un des premiers artistes à scintiller dans la famille Motema. Ce percussionniste américain, très influencé par son homologue nigérian Babatunde Olatunji, avait souhaité rendre hommage à son illustre aîné sur l’album . Randy Weston, autre Africain de cœur, avait lui aussi choisi Motema pour éditer son disque . Il y a 10 ans, ce sont Ablaye Cissoko et Volker Goetze qui firent sensation avec . Plus récemment, Ali Boulo Santo Cissoko, Volker Goetze et Alejandro Moreno ont inventé le « Flamenkora », une fusion subtile entre le jazz américain, le flamenco espagnol et les volutes mandingues de la kora.  La musique prime au-delà de la géographie chez Motema. La dernière recrue est une pianiste originaire de Mongolie. Shuteen Erdenebaatar a 25 ans et son aisance pianistique la hisse déjà au rang des solistes à suivre. Jana Herzen suit son cœur et ses fulgurances. Aux côtés de son défunt compagnon, l’exceptionnel bassiste Charnett Moffett, elle a eu le temps et le loisir de croiser la route de milliers d’individualités. Elle-même, chanteuse et guitariste, perçoit très rapidement la sensibilité rythmique ou harmonique de ses interlocuteurs. Cela lui a permis de maintenir vaillamment son label depuis 20 ans.  Les 2, 3, 4 novembre 2023, une série de concerts anniversaires illumineront le Sunset/Sunside de Paris avec, notamment, les prestations d’Ali Boulo Santo Cissoko, Volker Goetze et Alejandro Moreno, la fameuse formation Flamenkora.  ⇒ LE SITE DE MOTEMA https://motema.com.

29m
Oct 26, 2023
Kareen Guiock-Thuram et Mario Canonge, deux âmes sensibles et complices

À quelques jours d’un concert attendu à la Cigale à Paris, la chanteuse Kareen Guiock-Thuram salue la mémoire de Nina Simone à travers un album audacieux qui ne relit pas à l’identique les œuvres de son illustre aînée, mais s’en inspire pour mieux la célébrer. Femme de radio et de télévision, elle prend le risque de s’effacer provisoirement des antennes pour assouvir sa passion et tenter, non sans pertinence artistique, de trouver sa voie dans l’interprétation.  En 2023, Nina Simone aurait fêté ses 90 ans. 2023 représente également le 20ème anniversaire de sa disparition. Qu’il est périlleux, pourrait-on penser, d’adapter en cette année de commémorations le répertoire immortalisé par cette grande figure de « L’épopée des Musiques Noires » ! Pourtant, avec un aplomb révérencieux, Kareen Guiock-Thuram a osé réinventer les mélodies de la légendaire prêtresse. Cette décision ne fut cependant pas prise sur un coup de tête. De longue date, les voix des grandes chanteuses de blues, de soul, de folk, nourrissent l’esprit créatif de la swinguante journaliste. De longue date, elle s’imagine sur scène célébrant le patrimoine ancestral. De longue date, elle arpente les clubs de jazz aux côtés de son chaperon, le pianiste Mario Canonge.  Ces deux âmes sensibles se connaissent bien. Il n’est d’ailleurs pas rare que les merveilleuses harmonies du maestro martiniquais soutiennent les circonvolutions vocales de sa jeune consœur. L’expérience de l’un magnifie la confiance de l’autre. Kareen Guiock-Thuram peut compter sur le soutien artistique et complice de Mario Canonge dont le parcours fort prestigieux a donné de l’élan à tous ceux et toutes celles qu’il a croisés au fil des décennies. Toujours habité par cette envie irrépressible de mettre en lumière les talents de demain, il suscite notre écoute et notre attention chaque fois qu’il se produit en public ou fait paraître un disque. Le dernier album en date a été réalisé en trio. Il réunit Mario Canonge, le bassiste Michel Alibo et le batteur Arnaud Dolmen. Cet enregistrement capté in vivo lors d’un concert au Comptoir de Fontenay-sous-Bois en janvier 2023 est une démonstration de maîtrise et de liberté musicale fort enthousiasmante. Kareen Guiock-Thuram et Mario Canonge ont en eux cette flamme jazz incandescente. Leur exaltation s’exprime naturellement. Ensemble ou séparément, ils parviennent à nous émouvoir, à nous faire frissonner, à susciter ce simple émerveillement de l’auditeur séduit par la grâce d’un ou d’une artiste authentique.  Leurs prochaines apparitions parisiennes respectives vous feront certainement vibrer. Rendez-vous le 27 octobre 2023 à La Cigale pour applaudir Kareen et le 14 novembre 2023 au New Morning pour acclamer Mario.  ⇒ Le site de KAREEN GUIOCK-THURAM https://www.kareenguiockthuram.com ⇒ Le site de MARIO CANONGE https://mariocanonge.net.

29m
Oct 19, 2023
L'intention universaliste de Mokhtar Samba

Insatiable batteur multicolore, Mokhtar Samba a partagé la scène avec de très nombreuses personnalités et ses voyages aux quatre coins de la planète ont continuellement nourri son inspiration.  est le fruit de ce périple incessant en quête de découvertes culturelles et de rencontres enrichissantes. Auprès de ses contemporains, Salif Keita, Youssou N’Dour, Joe Zawinul, Manu Dibango ou Jean-Luc Ponty, Mokhtar Samba a développé un goût immodéré pour l’universalité des modes de communication cadencés. Son aventure musicale est une épopée qu’il est le seul à pouvoir nous conter. Né en 1960 à Sidi Kacem au Maroc, cet incroyable rythmicien a su nourrir son langage percussif d’un tempo mélodieux qui le hisse au rang des grands instrumentistes de notre temps. C’est au sein du groupe Ultramarine que sa virtuosité s’exprimera pleinement. Cette formation, très représentative de l’humeur musicale des années 80, lui donnera le loisir de s’épanouir dans une fusion des styles réjouissante. Aux côtés de Mario Canonge, Étienne Mbappé et Nguyen Lê, la fine frappe du bouillonnant Mokhtar Samba fera sensation. Un concert de Jaco Pastorius en 1986 au New Morning à Paris lui ouvrira la voie d’une carrière internationale. Il ne le sait pas encore mais cette unique prestation avec le célèbre bassiste américain suscitera d’autres sollicitations et sa vie d’artiste s’en trouvera définitivement bousculée. 40 ans plus tard, les sessions de studio se sont multipliées et les invitations à travers le monde sont devenues quotidiennes. Le baroudeur tenait donc à célébrer ce long chapitre de sa vie en faisant paraître  (le « voyage » en arabe). Pour l’occasion, Mokhtar Samba a convié des amis de longue date à le rejoindre. Jean-Philippe Rykiel, Alune Wade, Guimba Kouyaté, Michel Alibo, Linley Marthe, Guy N’Sangué, Thierry Vaton, entre autres, participent à cet album multicolore. Les racines sénégalo-marocaines de Mokhtar Samba sont, certes, le socle de cet édifice construit pas à pas mais ses comparses ajoutent une dimension internationale palpitante à laquelle il aspire.  Mokhtar Samba entend défendre l’esprit d’unité et de tolérance que notre époque troublée semble ignorer.  n’est pas qu’un voyage de la Casamance à la Nouvelle-Calédonie ou du Brésil aux clubs de Paris, c’est un appel à l’écoute et au partage. Fidèle à ses compagnons de route et à ses chaperons, il sait que l’hommage et la révérence ne sont pas des vains mots. Son salut appuyé à celui qui lui mit le pied à l’étrier, le regretté pianiste et organiste français Eddy Louiss, referme brillamment ce disque qui, souhaitons-le, fera date.  Pour vous en convaincre, rendez-vous le 8 novembre 2023 au Studio de l’Ermitage à Paris.  ⇒ MOKHTAR SAMBA AU STUDIO DE L'ERMITAGE https://www.studio-ermitage.com/index.php/agenda/date/mokhtar-samba-group  

29m
Oct 12, 2023
Sister Rosetta Tharpe défiait-elle l’église afro-américaine?

Il y a 50 ans, le 9 octobre 1973, disparaissait une pionnière. Sister Rosetta Tharpe avait grandi à l’église mais sa culture gospel dépassait les contours d’une foi pourtant sincère. Son aspiration à sortir du cadre l’incita très tôt à jouer avec d’autres formes d’expression populaires. Armée de sa guitare électrique, elle inventait, sans trop s'en rendre compte, un genre musical qui allait révolutionner le paysage sonore américain et, bientôt, mondial. Elle ne fut, certes, pas la seule mais son apport à « L’épopée des Musiques Noires » est indéniable.  Sister Rosetta Tharpe naît le 20 mars 1915 dans une petite bourgade de l’Arkansas. Le sud rural des États-Unis est une région où la ségrégation est tristement la norme. La religion est le seul refuge pour nombre de citoyens noirs opprimés. La jeune Rosetta grandit donc dans cet environnement pieux, bercée par les cantiques et spirituals. Sa vie aurait pu se limiter à un quotidien monacal mais sa force de caractère et sa ferveur irrésistible la conduiront sur un autre chemin. Au cœur des années 1920, la communauté africaine-américaine cherche une échappatoire aux brimades et humiliations répétées qu’impose le système discriminatoire sudiste. Au Nord, les opportunités de travail sont plus nombreuses et l’atmosphère moins pesante. Katie Bell Nubin, la mère de Rosetta, se résout à faire le grand pas et s’installe à Chicago avec sa fille.  Ce nouveau décor et la frénésie de cette ville trépidante marquent la jeune Rosetta qui n’entend pas seulement les prêches de l’église locale mais aussi le blues dans les rues du « South Side », un quartier très animé de Chicago. Cet écho d’une musique profane aura un impact certain sur l’esprit frondeur de la jeune femme. C’est à New York que sa destinée s’accélère. Elle fait des rencontres décisives dans cette mégalopole en pleine ébullition swing. Son aplomb et sa force de persuasion finissent par convaincre Herman Stark, le patron du Cotton Club, qui lui propose de se produire dans ce haut lieu du jazz balbutiant à Big Apple. Sa notoriété s’accroît et les premières sollicitations se multiplient. Ici avec Cab Calloway, là avec Lucky Millinder, les grands orchestres ne se font pas prier pour accueillir cette impétueuse chanteuse et guitariste dont la fougue fascine et interpelle.  L’église ne regarde pas d’un bon œil cette ouaille égarée qui se compromet en participant à des représentations très peu spirituelles. Sister Rosetta Tharpe n’a que faire de ces reproches. Sa foi est intacte et, seul, son désir de s’épanouir compte. Ses premiers enregistrements sont d’ailleurs à l’image de son humeur audacieuse.  en 1938 fait sensation. On ne parle pas encore de « Rock’n’Roll » mais ce tempo soutenu surprend et laisse présager une évolution stylistique lorgnant vers le « Rhythm’n’Blues ». Les oreilles chastes sont irritées par cette musicalité que le Seigneur réprouve mais Sister Rosetta Tharpe enfonce le clou en s’illustrant aux côtés du pianiste de Boogie-Woogie, Sammy Price, et de la chanteuse, Marie Knight. Nous sommes au milieu des années 40, la vigueur des musiques afro-américaines n’attend plus qu’une exposition médiatique nationale pour que le rock puisse éclore. Elvis Presley rendra cela possible 10 ans plus tard, mais comment ne pas s’interroger sur la valeur patrimoniale des premiers artisans dont Sister Rosetta Tharpe fut l’un des visages essentiels.  50 ans après sa disparition, cette femme libre reste un modèle de ténacité et de témérité. Son histoire improbable a fait l’objet de publications diverses, de documentaires, de spectacles musicaux. Notre invité, Jean Buzelin, est l’auteur d’une biographie intitulée «  », aux éditions Ampelos. Il est aussi le maître d’œuvre d’une anthologie en 7 volumes disponible chez Frémeaux & Associés.  ⇒ ROSETTA, LA FEMME QUI INVENTA LE ROCK'N'ROLL, PAR JEAN BUZELIN, ÉDITIONS AMPELOS https://editionsampelos.com/rosetta-la-femme-qui-inventa-le-rock-n-roll-par-jean-buzelin/ ⇒ INTÉGRALE SISTER ROSETTA THARPE, FRÉMEAUX ET ASSOCIÉS https://www.fremeaux.com/fr/91-integrale-sister-rosetta-tharpe.

29m
Oct 05, 2023
Les archives de Stax Records

L’année 2023 aura été celle de Stax Records. Outre les célébrations du 20ème anniversaire du musée Stax à Memphis, outre la réédition en format augmenté du fameux concert « WattStax » qui électrisa la ville de Los Angeles en août 1972, un coffret de sept CDs exhume les archives de cette compagnie de disques qui révéla Otis Redding, Isaac Hayes, les Staple Singers, Sam & Dave ou Eddie Floyd, entre autres.  Ces documents rares nous permettent d’entendre les balbutiements, les ébauches, les premiers échos d’œuvres devenues, pour certaines, des grands classiques et qui ont accompagné le quotidien des Afro-Américains à une période charnière de leur l’histoire. Pour comprendre la valeur patrimoniale de ces archives aujourd’hui restituées, il faut évoquer la ville de Memphis, son passé douloureux, sa vigueur culturelle et sa situation géographique. Située dans le Tennessee au sud des États-Unis, Memphis a toujours été un carrefour où le blues et la country se croisaient, où le sacré et le profane se rencontraient, où Blancs et Noirs parfois se parlaient, où Martin Luther King fut assassiné, où il délivra son dernier discours, où Elvis Presley fit ses premières armes, où Otis Redding se révéla. Tous ces éléments démontrent combien l’effervescence d’une époque s’inscrit dans « L’épopée des Musiques Noires ». Tim Sampson est le directeur de la communication du musée Stax à Memphis qui, depuis 20 ans, préserve et protège l’héritage de ce label historique beaucoup plus éclectique qu’il n’y paraît : « ​ Durant ses longues années au sein du musée Stax, Tim Sampson a pu converser avec quelques piliers du label dont Booker T. Jones, William Bell ou Steve Cropper, et a réalisé combien ces musiciens ont fait avancer la notion de partage et d’écoute à une époque où les relations entre Blancs et Noirs semblaient impossibles. Étaient-ils déjà des militants ? Leurs compositions étaient-elles finalement politiques ? Tim Sampson n’en est pas convaincu : ​ De nombreux artistes ont accompagné le mouvement des droits civiques, et la disparition de Martin Luther King, en avril 1968, a renforcé l’esprit frondeur de certains musiciens et interprètes. Les Staple Singers, Sam & Dave, Isaac Hayes, ont multiplié les messages d’unité et de résilience. David Porter était un jeune compositeur du label Stax à l’époque. Il reconnaît aujourd’hui avoir écrit des chansons qui appelaient au sursaut citoyen :  Les archives de Stax Records, réunies dans le coffret « WRITTEN IN THEIR SOUL » https://craftrecordings.com/products/written-in-their-soul-the-stax-songwriter-demos-7-cd, sont une bonne manière de déceler l’énergie créative de dizaines d’auteurs-compositeurs qui, au fil des années, écrivaient une part de leur histoire mais aussi celle de l’Amérique noire confrontée aux assauts du conservatisme raciste, enraciné jusque dans ses institutions. Cette anthologie met en lumière la ferveur de musiciens totalement investis dans leur art et la force d’un label installé, originellement, à Memphis, le centre névralgique des musiques noires et blanches américaines. . (Robert Gordon, auteur et documentariste américain) ► LE SITE DE STAX RECORDS https://staxrecords.com ► LE SITE DU MUSÉE STAX https://staxmuseum.com 

29m
Sep 28, 2023
« Rock’n’Road Trip », l’Amérique dans tous ses états

Lauric Henneton et Julien Grossot ont entrepris un parcours musical inédit. En arpentant les 50 États américains, ils ont collecté des œuvres, ont senti l’humeur, ont entendu des histoires, qui ont inspiré un livre imposant. (Hors Collection Éditions) est le fruit de ce voyage sonore insensé qui revitalise un siècle de musique populaire américaine. En sélectionnant 1 000 titres inspirés de leur incroyable périple, ils nous plongent dans le temps quand les premiers bluesmen afro-américains nourrissaient la sève du rock, de la pop, de la folk, de la Soul-Music du XXè siècle. Certes, cette magistrale immersion dans le patrimoine sonore américain ne se limite pas aux musiques noires. La country-music, la surf-music ou les balbutiements du mouvement punk composent également ce tableau multicolore. Notons cependant que les racines africaines de l’expressivité américaine ont constamment nourri, parfois inconsciemment, la créativité de musiciens d’origines très diverses. L’impact culturel de la communauté noire aux États-Unis est indéniable car il accompagne l’histoire troublée de ce pays embourbé dans ses contradictions. Il est évident que la ségrégation raciale dans les États du Sud a suscité des œuvres musicales et poétiques qui ont résisté à l’érosion du temps. L’assassinat du jeune Emmett Till en août 1955 à Money dans le Mississippi a inspiré nombre d’instrumentistes et d’interprètes dont Bob Dylan, Eric Bibb ou Mighty Mo Rodgers. Le meurtre de Martin Luther King à Memphis, en avril 1968, restera indéfiniment associé au répertoire de Nina Simone, de James Brown, d’Aretha Franklin ou de Joan Baez.   Chaque État américain vit au rythme de son actualité et de son histoire sociale. L’Alabama ne se détachera jamais de son passé racial douloureux. Les compositions de J.B Lenoir (Alabama Blues) ou de John Coltrane (Alabama) continueront d’alerter sur les dérives racistes d’une société encore très conservatrice. Le Tennessee sera toujours perçu comme une terre de rencontres où citoyens blancs et noirs se parlaient et, de temps à autre, tentaient d’avancer ensemble. La Louisiane cosmopolite entretiendra cette spécificité multi-ethnique pour donner du goût à son héritage sonore. L’Illinois, au Nord, accueillera les bluesmen échappés de l’enfer sudiste. Le Chicago Blues surgira, électrifiera les guitares et fera naître une tonalité rock irrésistible. Ces exemples ne sont que les bribes d’une épopée qui concerne 331 millions d’Américains dont le quotidien fut et reste façonné par une géographie musicale inaltérable. La bande son de cette nation hétéroclite reflète les soubresauts, les engagements, les doutes et espoirs d’une myriade d’individualités. Elles forment un peuple dont nous ne cessons d’entendre l’écho, d’écouter les chants, les ritournelles. 1 000 titres ne suffiront pas à cerner la complexité de ce continent nord-américain si vaste et fascinant mais ce a, au moins, le mérite de commencer un travail fastidieux de référencement, finalement, ludique et utile !

29m
Sep 21, 2023
Le son et l’image

Préserver un patrimoine musical passe souvent par la restauration d’œuvres sonores dont il faut impérativement atténuer l’inéluctable dégradation. Écouter une mélodie enregistrée, il y a 50 ou 100 ans, est désormais possible et nous plonge instantanément dans l’histoire d’instrumentistes légendaires. Ces bribes d’un temps révolu sollicitent notre imagination et nous poussent à en vouloir toujours plus. L’apport de l’image a rassasié nos désirs. Les photographes ont donné un visage, une existence, un mouvement, à d’innombrables virtuoses dont le répertoire rythme notre quotidien. Du 21 septembre au 15 novembre 2023, le mensuel expose, à Radio France, les instantanés d’une épopée vertigineuse.  Le son nourrit nos divagations spirituelles. C’est d’ailleurs le propre de la radio : susciter l’inspiration sans qu’aucune représentation visuelle n’entache notre réflexion. Pourtant, l’évolution des techniques d’information encourage l’illustration au détriment de la rêverie. Les photographes professionnels doivent adapter leur métier à cette nouvelle donne. Face à ce défi du XXIè siècle, préserver un patrimoine est une exigence. Christian Rose, disparu le 11 juillet 2023, a toujours résisté à l’exploitation anarchique de l’image. Depuis 1965, il captait sur le vif les attitudes de nombreux musiciens sur scène, en studio, en voyage ou en tournée. Devant son objectif, sont passées des personnalités illustres comme Miles Davis, Jimi Hendrix, Bob Marley, Ali Farka Touré, Fela Kuti, Nina Simone, James Brown, Stevie Wonder, et quelques milliers d’autres… Christian Rose n’était pas un grand bavard. Il préférait évoquer sa passion et s’intéresser à l’histoire de la photo plutôt que de ses photos. Son récit nous emmenait parfois un siècle en arrière quand les techniques de prises de vue étaient encore très rudimentaires. Christian Rose savait reconnaître la valeur de ses aînés qui, outre Atlantique, avaient mis en lumière des instrumentistes émérites en pleine ségrégation raciale. Longtemps, les pochettes de disques présentaient de jolies filles plutôt qu’un homme noir que l’Amérique très conservatrice ne voulait pas voir. Le label Blue Note prit le contre-pied de cette vision rétrograde et propulsa dans le feu des projecteurs les musiciens afro-américains. Au cours du XXè siècle, de nombreux photographes se sont distingués, Herman Leonard, Francis Wolff, Art Kane, William P.Gottlieb et William Claxton, entre autres. Ces photographes ont donné de l’éclat à des virtuoses qui en manquaient terriblement. Certains clichés sont devenus historiques et Christian Rose, dont l’humilité n’avait d’égale que le talent, fait partie de ces rares artisans capables de magnifier un artiste.  Christian Rose était plutôt rétif à l’idée de s’auto-célébrer. Il avait certainement conscience de l’héritage qu’il léguerait à la postérité mais il préférait citer ses homologues plutôt que ses faits d’armes. Les premières personnalités qu’il eut le bonheur de photographier furent Duke Ellington et Count Basie. Nous étions au cœur des années 60. Il n’avait qu’une vingtaine d’années. 50 ans plus tard, il était resté le même. Méfiant, il n’accordait que très rarement sa confiance. Il avait tout de même fait paraître plusieurs ouvrages dont « » en 1996, « » en 2003 et « » en 2004. Il avait aussi évolué dans l’univers de la pop, du rock et se félicitait de ne s’être jamais spécialisé dans un genre musical en particulier. Il suivait son inspiration et, parfois, liait amitié avec certains instrumentistes. De temps à autre, Christian Rose nous rendait visite à RFI pour humer l’air du temps et rester au fait de l’actualité musicale. Son dernier cliché remonte au 16 mai 2023. Il était allé saluer le pianiste jamaïcain, Monty Alexander, alors qu’il répétait à la Scène Musicale, sur l’île Seguin, près de Paris. Bien qu’il fut un homme de l’image, Christian Rose était convaincu que le fait de dévoiler, de manière ostentatoire, l’envers du décor, les coulisses d’un studio ou d’une salle de spectacle, rompait le charme de la prestation artistique. Les réseaux sociaux n’étaient, pour lui, qu’une vitrine qui ne pouvait remplacer les rencontres, le frisson d’un spectateur dans une salle de concert, d’un auditeur derrière le poste ou d’un touriste dans un musée. Son œil n’était jamais intrusif. Il devait être invisible pour donner de la visibilité… L’exposition « Ladies & Gentlemen » à la Maison de la Radio et de la Musique à Paris lui rendra hommage en présentant certaines de ses œuvres parmi des dizaines échappées des archives du mensuel « Jazz Magazine ».   ► L'EXPOSITION LADIES AND GENTLEMEN, DU 21 SEPTEMBRE AU 15 NOVEMBRE 2023, À LA MAISON DE LA RADIO ET DE LA MUSIQUE https://www.radiofrance.fr/francemusique/evenements/exposition-ladies-gentlemen-dans-les-archives-de-jazz-magazine-du-21-09-au-15-11-2023-radio-france-6772358

29m
Sep 14, 2023
Qu’est-ce que le Rhythm’n’Blues?

Le terme « Rhythm’n’Blues » est aussi usité qu’indéfini. Derrière cette appellation imprécise, se cachent une multitude d’artistes et de courants musicaux qui ont façonné le paysage afro-américain de la seconde moitié du XXè siècle. Belkacem Méziane est l’auteur d’un ouvrage didactique réunissant une centaine de titres représentatifs de cette forme d’expression qui a dessiné les contours de L’Épopée des Musiques Noires.  « Jump Blues », « Doo Wop », « Boogie-Woogie », tous ces termes obscurs sont autant d’ingrédients nécessaires à la genèse du « Rhythm’n’Blues ». Certes, cela ne nous donne pas beaucoup plus de clés de compréhension mais il est nécessaire d’apprivoiser ces idiomes pour prendre conscience de la révolution musicale qui agita les États-Unis au tournant des années 50. Pour beaucoup de musicologues, le « Rhythm’n’Blues » est la matrice du Rock’n’Roll. Cette assertion est cependant incomplète et réductrice. L’histoire sociale africaine-américaine doit impérativement être prise en compte pour appréhender sa valeur culturelle.  Avant que le « King » ne s’empare du répertoire de ses contemporains, la matrice de son inspiration frétillait déjà dans les voix, les instruments et les compositions des musiciens noirs du sud des États-Unis. La ségrégation avait seulement et tristement muselé ces artistes émérites incapables de faire entendre leur talent à l’échelle nationale. Qui se souvient d’Arthur Big Boy Crudup ou de Big Mama Thornton ? Ils sont pourtant les premiers à avoir interprété des œuvres immortalisées par Elvis Presley. On ne parlait pas encore de « Rock’n’Roll » à cette époque même si la ferveur et la structure harmonique ressemblaient fort à cette musicalité qui allait bientôt déferler sur le monde. Le « Rhythm’n’Blues » fut donc le sédiment de notre paysage sonore actuel. Déjà dans les années 40, le vibraphoniste Lionel Hampton imposait à son orchestre une vigueur étonnante soutenue par quelques souffleurs de renom, dont le saxophoniste Illinois Jacquet qui électrisa le titre  à travers un solo fougueux devenu légendaire. Nous étions en 1942 à l’aube d’une transformation artistique majeure. Les discriminations raciales furent malheureusement le principal obstacle à l’effervescence du « Rhythm’n’Blues ». Ils furent pourtant nombreux à porter le flambeau et à revendiquer une identité enracinée dans l’âme noire. Hal Singer, Big Jay McNeely, Louis Jordan, et tant d’autres, ont écrit de grands chapitres de cette aventure qu’ils espéraient œcuménique.  La naissance quasi-simultanée de la « Soul-Music » et du « Rock’n’Roll » précipita la disparition du vocable « Rhythm’n’Blues », mais son esprit résista à l’érosion du temps. Ne parle-t-on pas de « R&B » aujourd’hui ? Ce long cheminement a épousé la destinée des Noirs d’Amérique depuis 80 ans. Dans son ouvrage, Belkacem Meziane a su choisir les 100 titres représentatifs de cette prodigieuse Épopée. À LIRE : https://lemotetlereste.com/auteur/belkacem_meziane (Éditions Le Mot et Le Reste).

29m
Sep 07, 2023