Sous Henry VIII ou sous Franco, la condition féminine était déjà sine qua non. Allez savoir ce qui se serait passé si #MeToo avait eu lieu dans l'Angleterre du XVIe siècle. Peut-être qu'Henri VII n'aurait pas collectionné les épouses, ni envoyé deux d'entre elles à l'échafaud. Karim Aïnouz revient sur cette page d'histoire pour la réécrire selon le point de vue de sa sixième épouse Catherine Parr. Le jeu de la reine la voit en femme progressiste qui se heurte autant à son époux qu'à une cour prête à comploter contre elle pour hérésie. Le thriller paranoïaque en costume ne cache pas son ambition d'une lecture ultra-déconstruite. Pourquoi pas, si ce principe ne se faisait pas au nez de cette évocation du Barbe-bleue anglais, résumé à un psychopathe, pourrissant littéralement de l'intérieur, une gangrène lui attaquant les jambes. Le trait très épais du propos coupe l'herbe sous le pied d'une tentative – pourtant séduisante sur le papier – de chronique de palais patriarcal reliftée féministe. L'écrin nacré par une splendide photo qui ressuscite les clairs-obscurs des grands peintres flamands n'enrobe dès lors qu'un duel, lui royal au bar, entre Alicia Vikander, en pré-suffragette et Jude Law, qui s'en donne à cœur joie en monarque dégénéré. O corno accouche bien mieux de son discours. Littéralement dans une séquence d'ouverture où une femme donne douloureusement naissance à un bébé. Dix minutes intenses annonçant le programme du film de Jaione Camborda, exploration de la condition féminine dans l'Espagne des dernières années du franquisme. Le parcours d'une avorteuse de village devant fuir après la mort accidentelle d'une fille qui ne voulait pas être mère est celui d'une femme qui apprend à se redresser après avoir du tant courber le dos. Aux douleurs de la chair, Camborda superpose la sensorialité d'une terre malgré tout nourricière et la part consolante d'une sororité, fut-elle clandestine. Pour sa sortie française, O corno voit son titre original complété de la mention « une histoire de femmes ». Camborda en fait aussi celle de leurs corps, via l'épopée aussi physique que spirituelle d'une héroïne, prise entre les coups de cintre de la loi et celui qu'elle a utilisé pour s'avorter. Cette scène-là est ici sous-entendue ; pas le prix qu'avaient à payer les femmes pour disposer de leurs corps dans l'Espagne des années 70. O corno, se faisant utile piqûre de rappel universel dans une période où les droits à l'IVG sont menacés dans nombre de pays. Le jeu de la reine & O corno. En salles le 27 mars
Cette semaine au cinéma, 2 SALLES, 2 AMBIANCES : en tête d'affiche, , le nouveau film de STÉPHANE BRIZÉ qui fait un ménage de printemps : terminé le cycle sur le monde du travail avec VINCENT LINDON en chevalier pourfendant les injustices sociales. C'est toujours la crise, mais cette fois-ci de manière plus introspective autour d'un vrai-faux autoportrait de GUILLAUME CANET dans le rôle d'un acteur parti en thalasso bretonne pour faire le point sur sa vie. C'est celle d'avant, via les retrouvailles avec son grand amour abandonné qui va remonter à la surface. On pourrait presque rebaptiser ça . En tous les cas, ça rappelle énormément le Claude Lelouch des grandes heures, y compris dans ses chabadabadas et digressions inattendues. On peut trouver cet esprit de comédie romantique sentimentale suranné, mais le couple Canet/Alba Rohrwacher, tout en atermoiements, fait plus que le job. Brizé a fait appel à VINCENT DELERM pour la musique de son film. C'est un choix cohérent : y ressemble dans son humeur lymphatique, mais à la mélancolie attachante. Pendant que Guillaume Canet est donc en thalasso à Quiberon, en Estonie, la communauté Voro entretien la tradition du sauna pour les femmes. Celles de en font un espace protégé, lieu où elles peuvent tout se dire, tout exprimer. La parole est encore plus à nu que les corps dans ce surprenant documentaire qui dissipe tout écran de fumée. Ici, des femmes de tous âges, de tous physiques se livrent comme dans un confessionnal bienveillant, où elles peuvent autant se marrer joyeusement en parlant de dick pics que se délivrer du traumatisme d'un viol ou du diagnostic d'un cancer. Anna Hints enveloppe ce choeur féminin souvent brut de décoffrage dans une douceur sensorielle et une abstraction sensuelle, achevant de faire de Smoke Sauna sisterhood une bulle de chaleur humaine qui agit comme un gommage, nettoyant ces femmes de la culpabilité du silence. Ce sauna a été reconnu par l'UNESCO comme un inaliénable lieu d'héritage culturel. Un label que mériterait ce documentaire décrassant autant les yeux que les esprits. Hors Saison et Smoke Sauna Sisterhood, en salles le 20 mars
Comment vivent les jeunes filles d'aujourd'hui ? Sans doute comme toujours quand la préadolescence reste ce moment de transformation où tout change. Avec , Amanda Neill Eu le prend au pied de la lettre quand UNE COLLÉGIENNE MALAISIENNE MUE EN CRÉATURE SUITE À L'APPARITION DE SES PREMIÈRES RÈGLES. Provocant ce premier long-métrage ? Plutôt porté par une belle insolence qui lui fait faire un réjouissant doigt d'honneur aux conventions, que ce soit pour bousculer le cinéma de genre ou pour rappeler que les jeunes filles en fleur ont de belles épines. AMANDA NEILL EU confirme leur piquant au micro de Nova. La bande-annonce du film. https://vimeo.com/875516663 En salles le 13 mars.
Dans les années 30, Broadway et Hollywood se tiraient la bourre pour proposer les comédies musicales les plus endiablées. Un homme fit basculer la donne du côté du cinéma : Busby Berkeley. Les numéros créés par ce chorégraphe ont transformé à jamais le registre, Ses ballets, créations mathématiques combinant prouesses techniques les plus folles et abstractions poétiques ayant durablement imprégné les arts visuels. Des Frères Coën dans au clip d'"AROUND THE WORLD" par MICHEL GONDRY ou ceux de BEYONCÉ, de l'ouverture d' aux pubs Evian, son empreinte est restée partout, mais que savait-on de lui ? Si Berkeley filmait ses numéros selon un point de vue zénithal, Pierre-Julien Marest et Séverine Danflous posent, avec un regard en symétrie pour synchroniser les PARCOURS, tout aussi démesurés, D'UN CRÉATEUR ET D'UNE INDUSTRIE. Divisé en deux parties, ce livre reprend à son compte un art de la GÉOMÉTRIE COSMIQUE : aux tableaux mouvants, assemblages de corps composés par Berkley à l'écran, se superpose sur les pages l'enchevêtrement des complexités d'un homme et d'un âge d'or hollywoodien. Le récit de se faisant lui aussi kaléïdoscopique par ses extensions – de minibiographies de danseuses en chroniques des enjeux de pouvoir, chassés-croisés avec la censure, rapport érotomane à la féminité où connexion avec les années Pop'art à venir. Soit près de 500 pages prodigieusement acrobates, balancier entre apesanteur de la folie et rigueur rythmique de métronome ; L'homme qui fixait les vertiges reprenant les enseignements de la caméra de Berkeley qui se faufilait partout pour mieux être en quête de hauteur, se poser en surplomb pour mieux reformuler le monde. L'homme qui fixait les vertiges (Editions Marest)
En Belgique, Veerle Baetens est une des actrices les plus connues du moment (en France, on se souvient d’elle dans ). Avec , son premier film de réalisatrice, elle s'attaque à quelque chose qui tient de l'invisible : la douleur d'un grave traumatisme d'enfance qui va construire l'identité d'une femme, jusqu'à littéralement l'étouffer une fois adulte. Puisqu'elle ne sait pas l'exprimer oralement, Eva va échafauder un plan radical pour en finir avec le poids de ce passé. Plus qu'une adaptation d'un best seller belge, affine le phénomène #MeToo : ici ce n'est pas tant la libération de la parole qui compte que la mèche lente d'un insupportable silence que Veerle Baetens allume avec un film aussi fort que stupéfiant, hardi quand il sait sortir des discours convenus sur la capacité à la résilience comme sur celle du désir de vengeance. En salles le 28 février Retrouvez le Pop Corn d'Alex Masson tous les mercredis à 9h30 sur notre antenne et tout le temps, sur Nova‧fr et toutes les plateformes de podcasts.
Il y a trois ans, Lina Soualem, racontait l'impact du déracinement de ses grands-parents paternels, octogénaires qui se séparaient après soixante ans de vie commune dans Leur Algérie. Son nouveau documentaire, Bye Bye Tibériade fonctionne par effet autant inverse que miroir, en suivant le retour de sa mère, dans une Palestine natale qu'elle avait fui pour devenir actrice en France. Cette remontée des branches féminines de l'arbre généalogique est forcément une histoire de racines, celle de générations successives de femmes mais aussi celle de cette si singulière partie du monde. Le prisme de l'intime et de ses traumatismes qui émanent des archives familiales ricoche sur celui d'une Palestine aussi complexe que ce chemin vers une reconquête d'identité. Les deux s'entrelaçant au travers du récit d'une femme qui a décidé, il y a longtemps, de quitter sa terre pour échapper à un destin tracé par avance, superposé à celui d'un pays dont le sort reste plus que jamais entre les mains de ses colonisateurs. Les questionnements incessants d'une fille portant en elle un déracinement par procuration, dont elle est désireuse de s'en émanciper en visitant le passé dissimulé de sa mère, se font pour autant avec tendresse. Voire émotion quand elle se veut consolante des douleurs d'un ADN familial ou s'est implantée la géo-politique et ses tragédies. Bye bye Tibériade n'en est pas moins douloureux par les souvenirs et les regrets que ce dialogue fait remonter à la surface, mais c'est bien sa volonté d'apaiser autant que possible, des béances incurables que ce documentaire qui sait être autant journal de bord à la première personne que collectif, qui le rend particulièrement poignant. En salles le 21 février
Au début des années 80, le cinéma Hong kongais était l'un des plus stimulants. La colonie britannique hébergeait alors une génération de jeunes réalisateurs qui allait renouveler la production locale pour autant de films urbains déchainés, redonnant la fièvre aux polars. À l'époque, Tsui Hark a déjà deux films au compteur, mais va tout changer. La bande-annonce ici https://www.youtube.com/watch?v=1KrFV6gc4X8 Sa matière (un attentat à l'explosif qui avait traumatisé puis effrayé l'opinion publique quand elle avait découvert que ses auteurs étaient des adolescents) est brûlante ; Hark la rend explosive en en faisant le portrait d'une jeunesse nihiliste face à une société ultraconservatrice. En délivrance de la frustration de ses personnages, développe une mise en scène éruptive, qui cogne encore plus frénétiquement qu'eux, confortant les principes d'un brûlot anarchiste que la censure d'alors réprimera par des coupes sévères. Quarante ans plus tard, le film, réapparaît dans son montage initial, quand le cinéma hongkongais n'est plus que cendres du volcan créatif qu'il fut, désormais sous la coupe d'une Chine lui imposant d'être sage, de n'allumer que la mèche politique du parti. La virulence de , film dont de nombreuses scènes figurent des barreaux ou des barbelés, n'en est que plus suffocante, ressuscitant une véhémente œuvre de jeunesse en puissant manifeste, qui résonne à la fois comme souvenir d'un cinéma aussi épidermique qu'insoumis et enragé coup de gueule. Amplifié par le joug d'un pouvoir plus que jamais répressif, ce requiem de la jeunesse entravée d'alors, sidère par ses airs d'Histoire du chaos et de la violence d'aujourd'hui, toujours plus embrasée par la colère. En salles depuis le 7 février, prochainement en Blu-ray chez Spectrum films.
Faut-il franchir certaines frontières pour alerter sur l’horreur des crises migratoires ? Définitivement oui. Il y a quasiment deux ans, la guerre en Ukraine éclatait. Les images de destructions sont restées dans les mémoires, pas celles d'une population fuyant son pays. Le principe d'une instrumentalisation de ces migrants par les pouvoirs politiques encore moins. se déroule pas si loin : à la frontière entre le Belarus et la Pologne. Là-bas, une famille de migrants syriens tentant de passer en Suède s'y retrouve ballottée, les gardes-frontière de chaque pays se les renvoyant tour à tour. Agniezska Holland multiplie les points de vue ( via cette famille, un jeune garde-frontière, des activistes) pour raconter l'horreur humanitaire. se pare de noir & blanc pour s'immerger dans cette zone grise, façonnée par des lois aussi ubuesques que xénophobes. Holland la transforme en terrible examen de conscience, révélateur de la tragédie d'une impuissance citoyenne jusqu'à incarner littéralement le marécage répressif dans lequel l'Europe embourbe les migrants, parfois jusqu'à les en faire mourir. Certains trouveront la méthode discutable. En Pologne, quand est sorti à l'automne dernier, des membres du gouvernement alors en place l'ont d'ailleurs traité de pur cinéma de propagande. Holland en utilise effectivement certains traits dans sa dénonciation particulièrement appuyée. Mais c'est de bonne guerre, fut-elle trouble à jouer sur la corde du tragique et de l'insoutenable. Comment faire autrement pour pousser un retentissant cri d'indignation devant les choix politiques d'une désunion européenne ? Résistant à la fureur des dirigeants du pays, le public polonais a fait un triomphe en salles au film, avant de chasser du pouvoir un parti de droit ultraconservateur, démonstration que tout n'est peut-être pas tout à fait perdu. Au-delà d'une puissance émotionnelle comme de réalisation, ce n'est qu'une raison supplémentaire de pousser à aller voir , ici, dans une France qui s'apprête à vivre sous une loi immigration balafrant profondément sa devise, Liberté, Égalité, Fraternité. En salles le 7 février.
Vous l'avez entendu ce matin dans la matinale de Radio Nova, Luc Moullet est un cas particulier. Le moins connu des réalisateurs de la Nouvelle Vague est pourtant l'un de ses cinéastes les plus prolifiques, pour des dizaines de courts et longs métrages, moissonnant les genres les plus variés, du western au documentaire animalier, pour un regard sur le monde aussi amusé que sociologique. Un univers foisonnant, à mi-chemin entre loufoque et contestataire, lucidité et absurdité, rassemblée dans une rétrospective, bien nommée Moullet Jeunesse, puisqu'à 87 ans, ce réalisateur n'a rien perdu de son sens de l'observation, ni de sa cinéphilie. D'ailleurs, s'il est un homme de cinéma, c'est sans doute autant par son travail, qu'au sens littéral, quand les films ont participé à sa construction. Un extrait de l'interview, à retrouver en version longue dès lundi !
Avec Le bonheur est pour demain, Brigitte Sy creuse son sillon. Comme ses deux films précédents, Les mains libres et L'astragale, celui-ci est lié à l'univers carcéral, que Sy connaît bien pour y avoir longtemps travaillé. Mais surtout, la relation contrariée entre une jeune femme et un braqueur, bifurque par sa part de romantisme, vers une flamboyante histoire d'amour emprisonnée par les aléas de la vie. Et si en fait, c'était le véritable sujet du film, comme de sa réalisatrice ? La bande-annonce du film https://www.youtube.com/watch?v=lg9EGmjHZYA
Jenna Marvin est à l'affiche du documentaire "Queendom", dont on vous a parlé dans la matinale de Nova il y a quelques semaines. Cette artiste Russe incarne la radicalité du mot Queer, dans des performances esthétiques mais aussi profondément politiques où elle est costumée en créatures à l’esthétique sombre, étrange et magnifique. Jenna performe en drag dans les lieux publics en Russie, un pays qui, bien qu'il ait d'abord dépénalisé l'homosexualité, mène une croisade contre toute forme d'opposition au pouvoir, d'autant plus depuis l'invasion de l'Ukraine en 2022, et contre la communauté LGBTQIA+. résume la réalisatrice. La réalisatrice Agniia Galdanova façonne un portrait fascinant du courage et de l'audace de Gena, avec des scènes en tableaux de performances magnifiques, mais aussi sa vulnérabilité émotionnelle et physique alors qu'elle se bat pour sa liberté artistique. Un regard poignant et puissant sur la société russe contemporaine. La bande-annonce du film est ici. https://www.youtube.com/watch?v=7UviaVo1QbI&t=29s&pp=ygUQcXVlZW5kb20gdHJhaWxlcg%3D%3D Le film n’a pour l’instant pas de sortie prévue en France, mais il est diffusé en exclusivité ce dimanche 28 janvier à 18h au Forum des images, en VO sous-titré, pour le festival “Un état du monde”. C'est la cinéaste Laura Poitras qui a choisi ce documentaire pour sa carte blanche. Nous, on vous offre un avant-goût, une interview de Jenna Marvin et Agniaa Galdanova, la réalisatrice du documentaire. On y a parlé communauté queer en Russie, costume politique, bande originale et meufs méga badass.
Injustement nanardisé par sa particularité (il est parlé en Esperanto), savait surtout prendre langue avec les meilleurs contes gothiques. Mais qu'est-ce qui est passé par la tête de Leslie Stevens ? En 1968, ce cinéaste a acquis un statut d'excellent faiseur hollywoodien, insufflant à des registres variés, du drame social au film de chevalerie, un regard très personnel sur les rapports humains. Voilà qu'il se lance dans une aventure des plus singulières avec C'est unfilm à mi-chemin entre les tourments existentiels d'un Bergman et l'imaginaire gothique autour d'une histoire de femme démon ensorcelant les hommes d'un village de pêcheurs jusqu'à tomber amoureuse d'une de ses proies. Sauf qu'sera l'un des deux seuls films de l'histoire du cinéma à être tourné en espéranto. La logique de rendre universelle le fond de ce récit via une novlangue farfelue, censée pouvoir être parlée par tout le monde, peut s'entendre. Mais elle fera d's un film énoncé dans un sabir improbable, lui procurant une telle réputation de nanar qu'il sombra quasi immédiatement dans les limbes de la cinéphilie. À tort, quand cette malheureuse particularité linguistique aura occulté une dream-team comme on en verra rarement (de Stevens à la mise en scène aux géniaux Conrad Hall et Dominic Frontier à la photo et la musique) comme une fable noire sur la dévorante part possessive de l'amour. Porté disparu jusqu'à la découverte d'une copie dans les caves de la cinémathèque française, réapparait aujourd'hui en Blu-ray dans une restauration étincelante, révélant autant sa splendeur visuelle expressionniste que révélant que la langue que ce film maudit parlait le mieux, était celle des grands drames mélancoliques. Il serait dommage de faire à nouveau échouer dans l'oubli cette relecture crève-cœur du mythe des sirènes. Edité par Le chat qui fume.
Au rayon des perversités inaugurées par Internet, il y a les redrooms, ces salons ultra-privés disséminés dans les tréfonds du dark web où seraient mises en enchères des séances de sévices ultra-brutaux en vidéo. Un sujet parfait, entre légende urbaine et show de torture-porn, pour le cinéma d'horreur. Si se focalise sur une cliente de ces spectacles aussi cruels que sordides, ce n'est pourtant pas le terrain de Pascal Plante. La Bande Annonce https://www.youtube.com/watch?v=LPWpz1uIE0w Kelly-Anne n'est pas une sadique sociopathe de série B. À travers son obsession pour les tueurs en série, ausculte la fascination plus globale d'une génération pour une violence jusqu'à l'anesthésie de la morale ; Plante préférant bien plus emprunter la glaciation d'un Michael Haneke ou la rigueur formelle d'un David Fincher plutôt que de se laisser aller aux débordements sanguinolents. n'en est pas moins suffocant, que ce soit par un sens sidérant de la tension ou sa manière d'éplucher patiemment la psychologie d'une jeune femme de prime abord insaisissable. Le plus perturbant restant la révélation progressive d'une solitude urbaine si insupportable qu'il lui faut la catharsis, d'une ultra violence radicale, jusqu'à la désintégration physique, heureusement ici hors champ, pour reprendre contact avec l'humanité. Plus impressionnant par son chagrin que par sa noirceur, s'impose parmi les grands films dérangeants. Que ce soit quand il interroge la propre curiosité morbide des spectateurs lors de séquences d'une terrassante intensité ou quand cette odyssée mentale se fait émouvante à aller une lumineuse sérénité pour panser ses plaies
Le cinéma mongol montre de quel bois il se chauffe. Comment ça va à Oulan Bator ? Pas très bien quand on est Uzil, un ado qui se retrouve à avoir la charge de ses frères et sœur quand leur mère, partie pour trouver un emploi, les abandonne peu à peu. Encore moins quand un hiver bien au dessous de zéro commence à s'installer, et qu'il faut bien trouver de quoi alimenter le poêle pour se chauffer comme de quoi mettre dans celle pour se nourrir. , le premier film dela réalisatrice ZOLJARGAL PUREVDASH, va au charbon pour extraire de toute mélasse sentimentale ce récit de pauvreté important une poisse à la Dickens sous une yourte . Sans renoncer à sa part de mélo, il s'illustre avant tout par sa retenue, la DIGNITÉ avec laquelle est filmée cette fratrie a qui est imposée un sens de la démerde pour survivre. La Bande Annonce du film https://www.youtube.com/watch?v=1B0sLGBhrPA Une combinaison de pudeur et d'émotionnel qui place d'emblée son réalisateur au même rang qu'un KEN LOACH dans cette peinture des complexités d'un rapport de classe refusant l'apitoiement. Récit d'apprentissage, s'imprègne aussi, sans doute par l'éducation japonaise de Purevdash, des délicatesses du cinéma humaniste nippon, d'Ozu à Kore-Eda par son sens de la distance ou de l'empathie. AUSSI CRÈVE-COEUR QUE CHALEUREUX, très beau premier opus invite à suivre un talent évident de cinéaste qui ne peut que bourgeonner. Retrouvez le PopCorn d'Alex Masson, tous les mercredis à 9h30 et en replay https://podcasts.nova.fr/radio-nova-pop-corn!
Le cinéma de genre français confirme sa belle chrysalide. Il faudra commencer l'année cinéma 2024 en jetant un œil dans le rétro sur 2023. Pas tant pour rédiger un top des meilleurs films que pour déceler au minimum deux tendances dans la production française. D'abord un accès enfin autorisé à l'imaginaire, à des univers qui poussent enfin les murs. De franches réussites comme ou ont affirmé qu'il était bien possible d'élargir le champ de vision. Ensuite, une réappropriation de territoire, celui de la BANLIEUE, redevenue pour les cinéastes UN SOL POLITIQUE, de à . L'étape suivante pourrait bien être déjà franchie avec , film qui se place à la jonction de ces deux axes. Le premier long-métrage de Sébastien Vanicek hybride le film de monstre et la chronique urbaine en enfermant dans un immeuble HLM ses habitants et des araignées ultra-venimeuses qui prolifèrent à vitesse grand V. Et tout autant l'énergie des séries B fantastiques américaines et regard incisif du cinéma social européen, jouant sur une double échelle de Darwin en rapprochant espèce animale et catégorie de population pareillement rejetées par préjugés. La bande annonce est à voir ici https://www.youtube.com/watch?v=-JvoU4h4lLo Vanicek filme intelligemment cet enfermement, cadrant en quasi-scope son huis-clos resserré. Les détails du quotidien des cités, des murs lépreux aux ascenseurs perpétuellement en panne, mais aussi la solidarité d'un voisinage n'attendant plus rien du monde extérieur, n'en sautent que plus aux yeux. Tout comme les araignées, impeccable mélange d'effets numériques et artisanaux, dans cet inattendu conte moderne sur la survie, épatant quand il capture dans sa parfaite toile les peurs primitives et celles sociales, pour se demander lesquelles sont les plus flippantes. Retrouvez le Pop Corn d'Alex Masson, tous les mercredis à 9h30 et en podcast !
Terence Hill s'est majoritairement fait connaître en s'associant avec Bud Spencer pour un duo ayant essaimé le buddy movie à l'italienne bon enfant. Avant cela, il n'était personne. Littéralement dans l'un des meilleurs westerns spaghetti. https://vimeo.com/883240325est même à part dans ce registre, quand il s'essaie à un ton de fable picaresque en associant un cow-boy buissonnier et un flingueur de légende. Mais aussi une remise à zéro des compteurs entre l'Amérique et l'Italie. En 1973, Hill est déjà une star en italie avec trois , fin de règne potache du western à l'italienne. En invitant Henry Fonda, et avec lui toute une mythologie américaine, est un ultime acte de déférence, un adieu aussi épique que décontracté d'un cinéma européen à ses fondations hollywoodiennes. Que ce soit par des clins d'œil à jusqu'à faire figurer le nom de son réalisateur sur une tombe -ou en prenant au pied de la lettre « », fameuse réplique de , pour en faire son sujet. En découle un splendide autre, adoubé par un Sergio Leone omniprésent sur le film de Tonino Valerii, de sa participation au scénario au rythme déconstruit en passant par une des plus mémorables B.O d'Ennio Morricone. Hill y est magnifique en Sancho Pança déconneur mais philosophe, accompagnant un pistolero à l'ancienne dans son dernier baroud d'honneur : sa présence burlesque ne laisse pas voir venir l'inattendue mélancolie qui gagne un film sur la fin d'un monde et d'un genre. 50 ans après sa première sortie, ses images étincèlent dans une ressortie en version restaurée, mais lustrée par la patine d'une nostalgie crève-cœur pour un western décalé et flamboyant, comme il ne s'en fera plus ensuite. En salles le 20 décembre. Retrouvez le PopCorn d'Alex Masson, tous les mercredis à 9h30 et en replay ! * Hébergé par Acast. Visitez acast.com/privacy https://acast.com/privacy pour plus d'informations.
Le nouveau volume d'une collection décortiquant les systemes de censure se penche sur le pays de Ferrerri, Fellini et Pasolini. « ». Cette citation de Pier Paolo Pasolini est en exergue d'un des chapitres de . Normal, quand il est difficile de ne pas mentionner ce cinéaste dans un ouvrage dédié à ces thématiques. Au-dela de ses parties consacrées à et , ce livre collectif opère un tour d'horizon des plus complets sur une cinématographie de choix quand, plus que les autres, elle aura fait fructifier de nombreux sous-genres provocants et transgressifs, de la nazisploitation aux comédies érotiques ou ripailles gores des films de cannibale pour ne citer qu'eux. n'est pourtant pas qu'un inventaire quand il revient autant sur les textes de loi que sur des cas d'études singuliers. Qui connaissait les aventures italiennes d'un film porno signé Wes Craven ? Qu'au début du XXe siècle l'Eglise interdisait aux prêtres d'entrer dans les salles de cinéma ? Qu', le film de Paolo Sorrentino consacré au sulfureux premier ministre Giulio Andreotti était privé de diffusion télé ? Aussi factuel et précis pour égrener les motifs de coupes et restrictions que riche en anecdotes, ce nouveau volume d'une collection regarde le cinéma par le prisme de son rapport à l'interdit et aux bonnes mœurs préconisées par les autorités. Et lorsqu'il en vient à évoquer les coulisses de , ou , pour rappeler leurs visions sociale et politique, , complète pleinement une collection de formidables livres d'histoire parallèle et méconnue du cinéma. Censure et cinéma en Italie (Editions Lettmotif) Retrouvez le Pop Corn d'Alex Masson tous les mercredis à 9h30 sur Nova ! * Hébergé par Acast. Visitez acast.com/privacy https://acast.com/privacy pour plus d'informations.
Réapparition d’un sidérant film-somme oublié, l’adaptation du roman de Tolstoï taille de sacrées croupières au récent biopic de Napoléon. Il aura suffi du biopic que Ridley Scott a consacré à Bonaparte pour que la Napoleonmania se réactive. Ce n'est pourtant pas le premier film d'ampleur qui est consacré à l'Empereur. En 1966, sortait même le plus impérial du lot. Pas tant parce qu'il s'agissait d'une adaptation du plus connu des romans de Léon Tolstoï, ni parce qu'il allait être accompagné de tous les superlatifs, de son budget faramineux qui, même converti en monnaie actuelle, ferait passer un blockbuster Marvel d'aujourd'hui pour un film indépendant à sa durée colossale, outrepasssant les sept heures. Monument de production, en est aussi un de cinéma. https://www.youtube.com/watch?v=7JvXpLvDXog De son introduction quasi expérimentale, impensable pour son statut de fresque populaire commandée par le Kremlin, à ses scènes de bataille réinventant déjà le cinéma immersif en passant par la peinture opératique des raoûts de l'aristocratie, cette évocation de la campagne de Russie sidère dans son alliance d'uber-spectacle et d'intime, a l'ambition folle d'une vision à la fois concrète et symbolique d'une fin de règne. La puissance de la fiction et la démesure de l'Histoire avec un grand H achevant de faire du film de Sergeï Bondartchouk une des dernières grandes épopée du cinéma soviétique, aussi grand public qu'introspective. Cinquante-sept ans plus tard, elle réapparait, en salle, mais aussi dans un fastueux coffret Blu-ray, accompagnée d'un passionnant livre, ce serait vraiment connaître une bérézina de spectateur de ne pas découvrir ou redécouvrir cette saga pharaonique Napoléon est peut-être mort à Sainte-Hélène mais c'est ce film fou ou se disputent gigantisme et lyrisme qui l'a enterré. En salles et en coffret Blu-ray (Potemkine) Retrouvez le Pop Corn d'Alex Masson tous les mercredis à 9h30 sur Nova et en podcast ! * Hébergé par Acast. Visitez acast.com/privacy https://acast.com/privacy pour plus d'informations.
Mouliné par l’imaginaire surréaliste de Bertrand Mandico, le personnage symbole de l’heroïc fantasy mue dans une saga baroque et désenchantée, en guerrière tragique, damnée par l’amour. (oui avec deux n) de BERTRAND MANDICO n'est pas un remake du film avec ARNOLD SCHWARZENNEGGER. Ni même une relecture des romans de Robert E.Howard autour des aventures du guerrier cimmérien. Mandico remonte plus loin, que ce soit à DES ORIGINES CELTES ou EN FÉMINISANT CE PERSONNAGE ICÔNE DU VIRILISME. Initialement, ce n'était d'ailleurs même pas un projet de film, mais de spectacle pour le théâtre. Faute d'avoir pu se monter, s'est transféré sur écran pour devenir UN FESTIN D'IMAGES FORTES, autour de LA DESCENTE AUX ENFERS D'UNE GUERRIÈRE revenant sur son passé. MANDICO EN FAIT UN SABBAT HALLUCINÉ, entre imaginaire visuel débridé et art de la performance scénique, autour des multiples vies d'une héroïne et de sa trajectoire intérieure. Pour incarner ce parcours, de la furie de la vengeance à la mélancolie des regrets, se démultiplie, prenant non pas l'apparence d'une mais de six actrices, chacune incarnant un âge différent. À ces différentes mues, s'ajoutent celles, toutes aussi iconoclastes, d'un film se transformant à vue, invoquant différents genres, ressuscitant l'esprit de collage des surréalistes. Quoi de mieux pour porter un regard, à travers une étude de la barbarie, sur NOTRE ÉPOQUE, ACTUEL ROYAUME DE L'ABSURDIE ET DU CHAOS ? En salles le 29 novembre * Hébergé par Acast. Visitez acast.com/privacy https://acast.com/privacy pour plus d'informations.
On avait découvert HÉLÉNA KLOTZ, avec Avec "La vénus d'argent", elle signe de nouveau un film ULTRA-CONTEMPORAIN. À savoir sur une époque où le besoin de retrouver ses repères, ses fondations, se fait grandissant alors que la société est elle de plus en plus floue. À travers la trajectoire de Jeanne, jeune femme qui infiltre le monde de la finance pour s'émanciper de blessures intimes, "La vénus d'argent" se fait RÉCIT DE TRANSFORMATION en faisant des arcanes opaques du TRADING la chrysalide d'une RECONSTRUCTION SENTIMENTALE, Héléna Klotz jouant avec les codes du thriller pour mieux décrypter les ressorts des rapports humains. Pour Nova, la réalisatrice revient sur les coulisses de son film. * Hébergé par Acast. Visitez acast.com/privacy https://acast.com/privacy pour plus d'informations.
25 caisses. C'est la somme de documents à propos de sa mère que Mona Achache stockait chez elle. 25 caisses de lettres, photos et enregistrements longtemps mises à distance. Pas tant parce qu'elles symbolisaient un deuil difficile (cette mère s'étant suicidée) que par habitude de la réalisatrice d'avoir refoulé une enfance malheureuse. Ce décès soudain a pourtant forcé Achache à se confronter au parcours d'une génitrice qui aura côtoyé un milieu artistique, notamment celui littéraire, de Duras à Genet, qui aura brisé ses propres élans, embarquée dans la vague post-68arde pour faire les frais de ses excès libertaires. Par ricochet de l'inconscient, sa fille pâtira d'un mal-être qui l'a contaminée à son tour. Pour ne pas perpétuer cet héritage ultra-névrosé, Achache a déballé ces caisses mais aussi ressuscité sa mère par procuration, en demandant à Marion Cotillard d'incarner, à partir de ces archives, sa parole, son corps, ses pensées, jusqu'à être un saisissant double. Envoûtant dialogue avec un spectre, filme ce processus pour le transcender non pas en thérapie personnelle, mais en portrait collectif d'une génération de femmes ayant souffert d'une absence de clés pour comprendre celle qui les a précédées. Ouvrant les doubles-fonds de tiroirs psys, cet inhabituel documentaire fascine autant par ce qu'il montre d'une actrice accouchant d'un personnage que dans sa part d'exorcisme résilient permettant à Achache de rompre avec un cycle de douleurs. Incroyablement émouvant dans sa démarche introspective, " l'est encore plus quand il reconstruit le puzzle d'une mère pour mieux rassembler les morceaux émancipateurs de sa fille. En salles le 15 novembre. * Hébergé par Acast. Visitez acast.com/privacy https://acast.com/privacy pour plus d'informations.
Metropolis restera dans l'histoire du cinéma comme un des films les plus fondateurs. Par la puissance de son récit, son impact visuel ou la démesure même du projet de Fritz Lang pour cette dystopie prométhéenne devenue prophétique dans sa vision des rapports de classe. Rien n'a égalé cette œuvre monumentale depuis sa sortie en 1927, tant dans le gigantisme de sa production que dans son influence encore prégnante dans le cinéma de science-fiction. Pour autant, tout n'avait pas été dit ni écrit sur cet insurpassable classique. Un collectif (il fallait au moins ça pour s'attaquer à un tel film) s'y attelle avec Construire Metropolis, époustouflant livre making-of, reprenant ses fondations, du contexte historique à celui social ou culturel de l'Allemagne sous la république de Weimar. L'imposant ouvrage s'immisçant aussi dans la vision de Lang et sa fidèle Théa Von Arbou, notamment dans l'idée d'un film qui tiendrait autant d'une éternelle fable chrétienne que visionnaire du culte à venir pour la civilisation des machines industrielles. Construire Metropolis porte admirablement son titre quand le film s'érige au gré des pages, cette somme revenant sur absolument toutes ses étapes, jusqu'au feuilleton de la quête des différentes versions et matériel qui ont mené à sa réapparition, ses répercussions à sa sortie dans un XXe siècle au bord du chaos ou la perfusion persis-tante de son inépuisable héritage culturel. Soit un exceptionnel livre genèse, minutieux travail d'architecture narrative, décortiquant son sujet et ses complexités. Devenu une cathédrale de cinéma, Metropolis y trouve enfin une bible à sa hauteur. En librairie (ou inclus dans un coffret Blu-ray en édition limitée) Editions Potemkine * Hébergé par Acast. Visitez acast.com/privacy https://acast.com/privacy pour plus d'informations.
Pendant la mandature de Bolsonaro, Kleber Mendonça Filho, l'un des plus passionnants réalisateurs brésiliens apparus dans les années 2000, est venu s'installer en France. Avec le retour de Lula, il est rentré chez lui à Recife, sa ville. Pour ne pas dire sa vie, quand c'est là qu'il a nourri sa passion pour le cinéma, jusqu'à la mettre en scène dans son premier long métrage de fiction, . Celui des projecteurs des salles de cinéma locales n'existe quasiment plus, la plupart ayant fermé, engloutis par la spéculation immobilière ou transformés en églises évangéliques, ne laissant à Filho que les souvenirs de séances. Avec , il revient sur cette disparition à laquelle il superpose celle d'une à la brésilienne dans laquelle il a grandi, protégé par les murs de l'appartement familial. Ce journal intime tourne rapidement les pages de celui collectif d'une société qui s'est effrité dans un enfermement paranoïaque ou sécuritaire. Plus qu'un élan nostalgique, rédige un carnet de bord entre archéologie et sociologie, touchant quand il ne se veut pas pamphlétaire, mais empli de chagrin. Il en émane un spleen façon Saudade, mariant l'existentialisme d'un Antonioni à la curiosité du quotidien d'un Chris Marker, humeurs mélancoliques et ironiques. Mais aussi une foi dans le cinéma malgré tout, quand des traces de fictions s'insèrent dans ce portrait documentaire, comme une présence rassurante, un ultime refuge. Un récif d'images protectrices de la mémoire de Recife, faisant de une émouvante zone de résistance aux orages des temps qui changent. Sortie le 1 novembre * Hébergé par Acast. Visitez acast.com/privacy https://acast.com/privacy pour plus d'informations.
Certains films sont uniques. Littéralement quand un réalisateur stoppe sa carrière après un seul essai. Ce fut le cas de Lindsay C.Vickers, un assistant de nombreux metteurs en scène à la Hammer films avant de se jeter à l'eau au tout début des années 80 avec . Et encore qu'initialement, il n'aurait dû etre que le premier épisode d'une série fantastique pour la BBC. Celle-ci fut annulée, mais Vickers, qui en était co-producteur, récupéra son travail et essaya de le sortir en salles. A raison quand l'étrangeté de se révèle pleinement sur grand écran. Cette histoire de rendez-vous manqué entre un père et sa fille combine forces surnaturelles et lecture psychanalytique jusqu'à être un sidérant croisement entre les univers familiaux tordus d'un Stephen King et les chroniques sociales aussi naturalistes que vachardes d'un Mike Leigh. S'y ajoute une touche de la so british folk horror par la présence d'une potentielle malédiction touchant des collégiennes. Vickers brouille habilement ces pistes par un montage détraqué renforçant la sensation d'un funèbre puzzle psy, instigant chez le spectateur le double soupçon d'un châtiment pour un père trop proche de sa fille ou d'une ado sorcière sur les bords. Le réel maléfice aura été celui qui aura mis au placard pendant quarante ans, ne le faisant apparaître en salles françaises qu'aujourd'hui. Il serait donc regrettable de louper ce rendez-vous avec un film effectivement unique, sur tous les points. Sortie le 25 octobre * Hébergé par Acast. Visitez acast.com/privacy https://acast.com/privacy pour plus d'informations.
Dès son titre, Linda veut du poulet ! affiche une particularité. Il y a un point d'exclamation qui a toute son importance quand il se fait impératif,. En l'occurence qu'une gamine, Linda donc, puisse avoir, quoiqu'il arrive dans son assiette du poulet. Mais pas n'importe lequel, celui aux poivrons que cuisinait son père, décédé. Alors sa mère va se lancer à la recherche des ingrédients, sauf que c'est jour de grève générale. Il va falloir mettre toute une cité HLM sens dessus dessous pour pré-parer la recette chérie. Quitte à embarquer dans l'histoire, des copines, une mamie, un livreur à vélo, un fermier et même un policier. Mine de rien, le dessin (très) animé de Sébastien Laudenbach et Chiara Malta compose avec cette galerie de personnages, un étonnant panel d'une France ac-tuelle. Chacun est repérable par une couleur distincte, mais la teinte sociale est jaune gilet, tant Linda veut du poulet ! raconte l'énergie que demande la démerde dans une époque précaire. Elle se ressent jusque dans cette animation à la main, vibratile, à l'image d'un film aussi créatif qu'érup-tif, à la fois d'une évidente simplicité et d'une totale densité. Derrière la bourrasque de cette folle journée, surgit par moments la rogne d'une mère qui ne sait plus comment joindre les deux bouts quand ce n'est pas la mélancolie d'un deuil inachevé qui vient ponctuer une aérien sens de la co-médie loufoque. Une parfaite palette de nuances qui ajoute du pigment à celle des couleurs pas-tels. Curieusement, c'est la piteuse récente cérémonie d'ouverture de la coupe du monde de rugby qui vient en tête : là où elle se voulait hommage chromo à la France béret-baguette, Linda veut du Poulet ! vise bien plus juste avec une vision en coupe aussi enjouée que pertinente de l'actuelle France d'en bas, celle qui en a à la fois ras la casquette mais sait rester solidaire. Tout le monde se souvient de l'apparition étrange d'un comédien déguisé en coq lors de cette cérémonie, on peut, et de très loin, lui préférer ce poulet survolté qui vole joyeusement dans les plumes de la morosité ambiante. Sortie le 18 octobre Une chronique d'Alex Masson * Hébergé par Acast. Visitez acast.com/privacy https://acast.com/privacy pour plus d'informations.
C'est quoi un bon patron ? Celui qui obtient des résultats spectaculaires pour son entreprise ou celui qui pend en considération le bien-être de ses employés ? A moins que ce soit celui qui maîtrise à la perfection l'art du storytelling et de la communication. Celle de Philippe Ginestet, propriétaire des magasins GIFI parti de peu mais arrivé dans le classement des plus grosses fortunes françaises est entrée dans la mythologie des self-made men qui font la fierté du MEDEF. Y compris parce qu'il renoue avec la tradition de patrons ultra-paternalistes, jurant que leurs employés sont comme une famille qu'il doit chouchouter. Mais avec les nouveaux outils de la culture d'entreprise, de séminaires de motivation en concours de poker avec voyage offert à la clé. Initialement parti pour faire un documentaire sur ce mode de management, Brice Gravelle a fait bifurquer en portrait de Ginestet. Il faut dire que le bonhomme est fascinant dans sa relation avec des employés qu'il vante comme collaborateurs. Une histoire trop belle pour y croire et qui va justement se fissurer. se fait pourtant plus ambigu en devenant une histoire de lutte non pas des classes mais entre un réalisateur quasi-envouté et un entrepreneur gourou. Ce documentaire devenant aussi fascinant que son sujet, quand il s'avère être lui aussi incroyable metteur en scène de son entreprise, jusqu'au boutiste jusqu'à manipuler celui qui est derrière la caméra. Au delà d'un sidérant portrait de narcissisme, trouve dans ce glissement d'un making of de la réussite à un face-à-face, l'expression de la farce dangereuse qu'est le néo-libéralisme. Elle est ici grinçante mais à sa manière parfait résumé des méthodes actuelles de fusion-acquisition telle qu'elles se pratiquent dans les groupes industriels, entre jeu de séduction et d'infiltration avant de s'imposer comme subordination totale. Gravelle signant un film ayant la toujours salutaire idée de rappeler comment le mauvais génie s'est emparé du monde de l'entreprise. En salles depuis le 4 octobre * Hébergé par Acast. Visitez acast.com/privacy https://acast.com/privacy pour plus d'informations.
Enfin! Cela faisait tellement longtemps qu'on attendait que l'imaginaire du cinéma français se renouvelle, qu'on avait fini par abandonner la possibilité d'en finir avec un certain formatage. Et puis voilà que débarque un film qui se contrefout des barrières culturelles comme des frontières narratives. " s'attaque donc aux codes de notre écosystème d'images et d'histoires, au minimum en lui proposant UNE NOUVELLE JUNGLE DE RÉCITS. Difficile de faire entrer le second film de THOMAS CAILLEY - après le déjà remarqué "- dans une case, justement parce qu'il les réfute. À partir d'UN SCÉNARIO REPOSANT SUR DES MUTATIONS, CELLES CAUSÉES PAR UNE MALADIE QUI TRANSFORME PEU À PEU LES HUMAINS EN ANIMAUX, Cailley tente des greffes inédites. " tient à la fois et entre autres du film fantastique et de l'étude de mœurs, d'une fable écologico-sociologique et d'une chronique d'adolescence. Tout ici est observation de corps qui se transforment, de ceux des personnages à celui d'un récit qui s'ouvre aux possibles. Mais surtout qui affirment qu'il est nécessaire de devoir s'adapter aux fluctuations du monde si l'on veut survivre aux crises qui exigent une réinvention des modèles. tient donc d'un acte de renaissance, de transition vers des métamorphoses sociales, culturelles mais avant tout organiques, jusque dans la chair même de notre cinéma. Cette mue se pressentait déjà, au vu de films singuliers comme ceux des frères Boukherma, Julia Ducourneau ou Thomas Salvador, tous tentant des expérimentations, des hybridations, mais " annonce que ce mouvement est enfin à maturation, que l'ADN du cinéma populaire peut enfin être combiné avec des ambitions formelles comme d'écriture ou de propos. est traversé de créatures, cousines ou descendantes de celles qu'on a pu croiser chez un Guillermo Del Toro ou un Miyazaki, qui ne demandent qu'à vivre en liberté, mais pas autant qu'un film français d'une espèce nouvelle, dont il est plus que souhaitable qu'elle fasse beaucoup de petits afin que cette ode à la différence devienne une bienvenue norme. En salles le 4 octobre * Hébergé par Acast. Visitez acast.com/privacy https://acast.com/privacy pour plus d'informations.
On ne compte plus les versions de Batman à l'écran, de celle pop et kitschissme de la fin des années 60 aux re-créations signées Tim Burton ou Christopher Nolan. Voire certains égarements gênants -comme les barnums grotesques de ou à la fin des années 90. Pour autant, l'une des meilleures adaptations des aventures du vigilante de Gotham City est aussi l'une des plus oubliées. Peut-être parce qu'elle n'est pas passée par la case cinema. est une extension de la, déjà remarquable, série d'animation, crée en 1992. Devant son succès inattendu, le département télé de la Warner commande à ses créateurs, Eric Radomski et Bruce Timm, un super-épisode devant servir de parenthèse entre les deux premières saisons. Les deux réalisateurs et le scénariste Alan Burnett décideront d'en faire un retour aux sources, quand l'apparition d'un nouveau méchant fait remonter à la surface un épisode douloureux de la vie de Bruce Wayne. réussissant à être à la fois en phase avec le virage pris côté comic-book, se teintant de psychanalyse shakespearienne et d'appliquer les fondamentaux des récits d'action. Sans oublier d'être déférent envers le grand cinéma classique, via de nombreuses références, notamment à comme au Hitchcock de la grande période. A l'occasion de ses trente ans, , réapparait en Blu-ray dans une édition remasterisée. Au delà de la beauté de son graphisme, c'est la puissance du scénario, sans doute le plus tourmenté et romantique qu'aie connu Batman qui continue à impressionner, quand il pousse plus que jamais son héros à tomber le masque pour révéler son vrai visage, celui d'un homme a jamais rattrapé par ses failles et ses blessures intimes. Au moment où l'univers des super-héros au cinéma devient fatigant à force d'inanité et d'écriture vide, autant se ressourcer a cette relecture aussi magistrale que mélancolique. En Blu-Ray 4K chez Warner Home Entertainment * Hébergé par Acast. Visitez acast.com/privacy https://acast.com/privacy pour plus d'informations.
Si les statistiques contribuent régulièrement à rappeler le gouffre de les inégalités professionnelles entre les hommes et les femmes dans le cinéma, son histoire vient tout aussi régulièrement rappeler qu'elle ne s'est pas uniquement écrite au masculin, qu'a défaut de s'être inscrites pleinement dans les encyclopédies, des francs-tireuses ont émergé. Souvent avec plus d'aplomb et d'inventivité pour questionner leur époque et ses valeurs que leurs collègues hommes. Ainsi Ida Lupino, actrice de studio s'émancipant dès la fin des années 40 pour se réinventer productrice, scénariste et surtout réalisatrice. Elle signera huit films, s'emparant des codes du mélo ou du film noir, pour prendre la parole autour de thèmes alors tabous, du viol aux grossesses non désirées en passant par la sexualisation des femmes. La force du cinéma de Lupino étant sans doute de mettre à l'écran une conscience féministe tout en utilisant les méthodes du cinéma fait par des hommes. Quatre de ses opus, , , et , ressortent en salles cette semaine. Portrait d'une fille mère, d'une malade de la polio ou d'un homme partagé entre deux femmes, tous surprennent par cette volonté de raconter a travers des parcours peu ordinaires le monde quotidien tel qu'il est, d'exprimer la difficulté du libre arbitre. Une ligne éditoriale renforcée par une mise en scène tout en efficacité, allant à l'essentiel, mais réussissant a entremêler romanesque et regard quasi-documentaire. Pour pouvoir assumer son besoin d'indépendance, Lupino avait crée sa propre société de production ; nommée The filmmakers. A redécouvrir ses films, réinvention d'un cinéma social tout en restant éminemment populaire, on se dit qu'elle l'avait parfaitement choisi, en donnant un nouveau sens à ce que voulait dire faire des films. Reprise en salles depuis le 20 septembre. * Hébergé par Acast. Visitez acast.com/privacy https://acast.com/privacy pour plus d'informations.
Thomas Lilti s'est fait une place dans le cinéma avec , puis , triptyque auquel s'est ajouté , la série, l'ensemble consacrant sans doute un peu trop vite ce réalisateur comme spécialiste du monde médical. Le voilà qui se penche sur le milieu scolaire avec, chronique de la première rentrée de Benjamin, prof nouveau venu dans un collège. Lilti y conforte le principe de ses films précédents : ce n'est pas tant une profession que ce qui y mène qui l'intéresse ; ce qui fait qu'une vocation se maintient tant bien que mal. Pas la peine d'organiser une projection pour Gabriel Attal au ministère de l'Éducation, la cause que défend n'apprendra rien de nouveau sur les conditions dramatiques de l'École en France. Ici, et c'est ce qui est beau, à l'opposé de la majorité des films sur les profs, il n'est pas question d'en faire des héros ordinaires, mais simplement de filmer l'impact d'un métier sur l'intime. S'il est politique et social, c'est dans cette manière, ravivant celle des Claude Sautet de la grande époque, de filmer un groupe dans ce que son quotidien peut avoir de romanesque, à la façon des vignettes d'un Vincent, François, Paul et les autres. Lilti fait exister son Benjamin, Pierre, Sandrine et les autres par un scénario collecteur d'instants et une formidable troupe d'acteurs, entre ses habitués (de Vincent Lacoste à Louise Bourgoin) et des nouveaux (de Lucie Zhang à Adèle Exarchopoulos), tous donnant une forme incroyablement fluide et organique pour raconter, des exaltations aux coups de mou ou déceptions, ce qu'est l'engagement. Et dès lors, de repousser les murs d'une salle des profs, voire d'un collège, pour aller bien au-delà d'un cahier de doléances du système éducatif : faire un état des lieux du collectif comme pilier fondamental, mais de plus en plus fragile, de la démocratie. Autrement dit, , modèle d'écriture et d'observation, est un film qui doit faire école. En salles le 12 septembre. * Hébergé par Acast. Visitez acast.com/privacy https://acast.com/privacy pour plus d'informations.