En Afghanistan, l'an deux taliban
AUG 18, 2023
Description Community
About

Afghanistan : deux ans après la chute de Kaboul, le mirage d’un changement de gouvernance sous les Talibans de retour au pouvoir, a fait long feu. L’Afghanistan est sorti du radar et s’enfonce dans une crise multiple sous les yeux d’une communauté internationale impuissante. Existe-t-il encore un quelconque espoir et des leviers pour sortir le pays de l’impasse ? 

Dans un pays qui se mure, mois après mois, dans un système autarcique et obscurantiste, de décrets liberticides en annonces paranoïaques, les moyens de pressions semblent presque nuls. Sauf un miracle, du type de ceux qui ont parfois sauvé l’Afghanistan au cours de sa très longue histoire. Mais miracle, espoir ou avenir ont pour l’heure disparu du vocabulaire des 40 millions de sujets de l’Émirat Islamique, dans un pays au bord de l'effondrement, deux ans après la débâcle américaine et les images, qui ont fait le tour du monde, du chaos sur le tarmac de l’aéroport de Kaboul, pris d’assaut par des centaines de milliers d’Afghans terrorisés alors que les premières patrouilles de Talibans hirsutes entraient sans résistance dans la ville au terme d’une offensive-éclair…

Les rebelles fondamentalistes ont vaincu la première armée du monde puis la nuit talibane est tombée sur l’Afghanistan. L’illusion coupable d’une partie de la communauté internationale d’un changement de doctrine, de l’arrivée au pouvoir de ces fameux « Talibans 2.0 », version moderne et plus acceptable que celle des années 90, aura surtout permis à l’aile dure du régime d’installer son implacable police religieuse pour cadenasser le territoire, mettre au pas la population et déclencher une guerre obsessionnelle contre toutes les femmes du pays. Alors que le premier cercle du régime islamique, pour célébrer ce second anniversaire, s’offrait une parade militaire dans un camp du fief historique de Kandahar, le gouvernement chinois faisait figure d’exception, comme souvent, pour saluer « une transition stable en Afghanistan et la victoire contre toute forme d’ingérence extérieure… » 

À lire aussiLe royaume perdu de Zaher Shah, dernier roi d’Afghanistan

Le pouvoir taliban est-il homogène ?

Le régime du mystérieux Hibatullah Akhundzada, chef suprême des Talibans, n’est officiellement reconnu que par le Pakistan voisin, l’Arabie Saoudite et les Émirats arabes unis, mais un certain nombre de liens diplomatiques, plus ou moins formels, se sont noués avec des pays comme la Chine ou la Russie alors que le Qatar, très actif, fait souvent office de courroie de transmission entre Kaboul et le monde extérieur. Si rien ne filtre véritablement au-delà du rideau de fer afghan, certaines dissensions semblent être apparues entre le noyau dur, mené par le Mollah Akhundzada depuis Kandahar et certains membres de sa garde rapprochée, comme ceux du puissant clan Haqqani, très actif sur la frontière pakistanaise et le mollah Yacoub, fils du chef historique du mouvement. Rien de quoi faire toutefois trembler l’édifice de l’Émirat Islamique au sein duquel les rares voix modérées se sont tues depuis longtemps. 

Les femmes, cibles d’un « apartheid de genre »  

Le 21 décembre 2022, sur ordre du chef suprême, les étudiantes ont été interdites et chassées de toutes les universités d’Afghanistan. Le piège taliban s’est refermé sur les femmes quelques mois après la chute de Kaboul. Les Afghanes sont désormais exclues de toute forme d’enseignement, bannies de toute fonction dans les administrations publiques, ont interdiction d’entrer dans les jardins ou les bains publics, les salles de sport. Elles ont perdu leur droit fondamental au mouvement et ne peuvent voyager qu’accompagnées d’un homme et dissimulées sous une burqa ou un hijab. Le zélé ministre de la Prévention du Vice et de la Promotion de la Vertu a aussi décrété la fermeture des quelque 12 000 salons de beautés que comptait l’Afghanistan, privant de revenus des dizaines de milliers de femmes dans ce secteur. Là aussi, en dépit des nombreuses condamnations émanant du monde entier, des mouvements de soutien, rien ne semble vouloir infléchir le nouveau pouvoir taliban. 

À lire aussiAfghanistan: «J'ai l'impression d'être en prison et mon crime, c'est d'être une femme»

Comments