Engagée depuis le 4 juin dernier, la contre-offensive ukrainienne n’a pas permis de franchir le rideau défensif russe. L’armée ukrainienne avait de grandes ambitions, mais elle ne progresse plus. Est-ce un échec militaire ?
Sans être défaitiste, dans un récent document public, sous forme de retour d’expérience, le général Valery Zaloujny, chef d’état-major des forces ukrainiennes, fait ce constat lucide : « Le conflit ressemble à une impasse et évolue vers une guerre de position. »
Pourtant, pour tenter d’atteindre la mer d’Azov, Kiev avait regroupé douze brigades, 35 000 soldats et de nombreux blindés occidentaux modernes. Mais la manœuvre s’est fracassée sur la défense russe, la ligne Sourovikine, pointe Vincent Touret, chercheur à l’université de Montréal : « Il y a un problème à la fois d'innovation technique et d'organisation sur comment percer des zones extrêmement bien fortifiées. De plus, c’est l’une des zones les plus minées du monde, donc il faut pouvoir déminer. Il faut pouvoir passer des fortifications enterrées, il faut pouvoir faire de la contre-batterie en même temps, pour permettre aux troupes au sol de progresser. Et puis, il faut combattre l'ennemi aussi. Donc, il faut lutter contre cette combinaison d'obstacles physiques et de déluges de feu sur son avancée. Et ça, c'est très compliqué. Tout le monde fait référence aujourd'hui à la Première Guerre mondiale. Comment restaurer de la mobilité sous le feu ? C'est une problématique qui est propre à la guerre en général, et à laquelle les Ukrainiens sont confrontés. »
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Si ces cinq derniers mois l’Ukraine n’a reconquis qu’environ 400 kilomètres carrés de son territoire, l’échec de la contre-offensive n’est que relatif, analyse Vincent Tourret. Même si Moscou lance des assauts d’envergure à Avdiivka dans le Donbass, l’armée russe a beaucoup perdu cet été : « L'effet que je trouve le plus important de la contre-offensive, c'est quand même l'effet d'usure. Ce n'est pas beau, ce n'est pas parfait, ce n'est pas une super percée qui va complètement déstabiliser le front russe, mais par contre l’attrition est réelle. Il y a un vrai problème de reconstruction pour l'armée russe. C'est encore un coup qui ralentit cette remontée en puissance. Les Russes ont des vrais problèmes de disponibilité des tubes d'artillerie et de munitions. Ils ont des problèmes de fabrication de chars, et ça les force en réaction à surenchérir, par exemple à Avdiivka, pour relâcher la pression ukrainienne. Ce qui engrange encore pour eux des pertes supplémentaires. Là où je vois un effet qui est positif de la contre-offensive, c'est que ça cristallise, ça enfonce les Russes dans une façon de faire qui leur coûte beaucoup pour des résultats qui sont moindres et là-dessus les Ukrainiens jouent très bien le jeu de l'attrition. »
Néanmoins, avec des pertes estimées à plus de 200 000 tués et blessés, l’inquiétude porte sur la capacité de l’Ukraine à régénérer ses troupes, alors qu’avec une population de 143 millions d’habitants, la Russie dispose d’une profondeur stratégique plus importante que celle de son adversaire.