Liban: le tourisme en berne dans un pays paralysé par l'instabilité
MAR 05, 2024
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En crise financière depuis quatre ans et demi, le Liban est menacé d’un nouveau cycle de récession. C’est le contrecoup de la guerre voisine à Gaza, et de son extension : les affrontements quotidiens depuis octobre, à la frontière libano-israélienne, entre le Hezbollah et l’armée de l’État hébreu. Les signes de reprise économique enregistrés à l’été 2023 ont disparu. Parmi les secteurs les plus affectés : le tourisme, pilier de l’économie du pays du Cèdre.

De notre correspondante à Beyrouth,

Au rez-de-chaussée de l’hôtel Commodore, dans le quartier de Hamra à Beyrouth, de rares clients terminent leur petit-déjeuner dans le cliquetis des couverts. Nathalie Farjallah, cadre du groupe Boubess, propriétaire de l’hôtel et de plusieurs restaurants à Beyrouth, explique :

« Après le début de la crise à Gaza, le taux d’occupation à l’hôtel a plongé, autour d’une moyenne de 10 à 15%. Auparavant, on tournait autour de 40-50%. La situation est ainsi depuis trois mois, et il n’y a pas eu de reprise, même pendant les fêtes de Noël et du Nouvel An. »

« Nous naviguons à vue »

Les congés ont offert un répit aux restaurants, avec la venue de la diaspora, mais la période est désormais refermée… À quelques rues de là, à l’hôtel Cavalier, les réceptionnistes font les cent pas.

« En raison du conflit dans le sud du Liban, qui peut basculer dans une véritable guerre, les touristes, les gens ne veulent pas venir au Liban, ils ont peur… », souligne Ayman Nasreddine, directeur des opérations. « Après le début du conflit à Gaza, nous pensions que la situation durerait un ou deux mois. Mais nous naviguons totalement à vue, nous ne savons pas si cela prendrait bientôt fin ou pas. »

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Depuis octobre, l’hôtel a fait face à une cascade d’annulations. Les quelques clients sont choyés. « En ce moment, nous avons seulement quelques clients irakiens ou libanais », indique Ayman Nasreddine. « Ils viennent pour suivre un traitement médical dans le quartier ou pour le travail. Mais ce ne sont pas des touristes : ils ne nous demandent pas quels sont les lieux à visiter, ni d’organiser une visite, comme c’est le cas d’ordinaire. »

Une crise qui se greffe à d'autres crises

Ce n’est pas la première fois que le tourisme est paralysé par l’instabilité. Mais cette crise se greffe au plongeon économique et financier du pays. Le coup est d’autant plus rude, dit Abed Shehab, dans sa boutique d’artisanat, où tuniques et souvenirs aux couleurs du Liban attendent le client.

« Notre activité décline. Quand il y a des étrangers, en raison des problèmes bancaires au Liban, ils ne peuvent pas utiliser leur carte de crédit et amènent difficilement du cash, donc c’est difficile pour eux d’acheter. »

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Face à l’accumulation de crises, le secteur prend des mesures drastiques pour tenir. « Avant, nous avions une plus grande équipe au siège, nous utilisions plus de ressources. Désormais, nous avons réduit nos dépenses au minimum, pour survivre et atteindre le bout du tunnel », explique Nathalie Farjallah, cadre du groupe Boubess. « La guerre à Gaza a sans aucun doute un impact sur la venue des touristes, et sur la gestion des dépenses des Libanais dans le pays. »

Des Libanais de l’intérieur plus économes, en raison des incertitudes, mais aussi de la crise économique toujours violente, alors que l’inflation continue de se mesurer à trois chiffres.

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